«UN CHAMPIONNAT PROFESSIONNEL SE FAIT AVEC DES ENTITES QUI EN ONT LES MOYENS»
Professeur Abdoulaye Sakho, spécialiste du Droit du sport et du Droit économique, pense qu’il faut reconsidérer l’organisation du football sénégalais, prônant des mesures radicales qui viendraient de l’Etat.
Avec le forfait annoncé de Teungueth FC en Coupe de la Caf, pour faute de moyens financiers, c’est le football sénégalais qui perd en crédibilité et prend un sacré coup. C’est l’avis du Professeur Abdoulaye Sakho selon qui cette situation qui ne traduit que l’indigence des clubs sénégalais depuis les débuts du football professionnelle. Dans son analyse, il ressort que le Sénégal ne dispose pas aujourd’hui de clubs pouvant rivaliser sur la scène continentale. Fort de ce constat, le Professeur Abdoulaye Sakho, spécialiste du Droit du sport et du Droit économique, pense qu’il faut reconsidérer l’organisation du football sénégalais, prônant des mesures radicales qui viendraient de l’Etat.
«ON PERD EN CREDIBILITE»
Avec le forfait de Teungueth Fc, l’un de ses représentants en compétitions de la Caf, faute de moyens financiers, c’est le football sénégalais qui perd en crédibilité. C’est la première lecture qu’en fait le Professeur Abdoulaye Sakho, agrégé en Droit, spécialiste du Droit du sport et du Droit économique. «On perd en crédibilité, malgré le fait que l’on a une équipe nationale qui est considérée comme l’une des meilleures africaines. La crédibilité de notre football local en prend un sacré coup. La question qui peut être posée est de savoir est-ce que ceux qui sont en charge du football ont ce qu’il faut dans notre pays», s’interroge-t-il. Il relève que «depuis plus de 20 ans, le football sénégalais vit cette situation. L’équipe nationale du Sénégal a toujours été l’arbre qui cache la forêt. Si vous vous rappelez de 2002, il n’y avait pas d’équipes sénégalaises qui brillaient. Cette situation s’est aggravée lorsque le football sénégalais est passé au professionnalisme. On a fait le texte pour le professionnalisme, on a créé des sociétés ou entités privées pour faire du football professionnel. Donc, il s’agissait de vendre un spectacle privé. Malheureusement, ce spectacle n’a pas été du tout rentable. Et, quand ce n’est pas rentable, les acteurs qui font le spectacle ne gagnent rien», explique le professeur.
«LES CLUBS SENEGALAIS CONTINUENT A ETRE INDIGENTS»
Fort de ce constat, Pr Sakho pense que les clubs sénégalais ne sont plus en mesure de faire une compétition au niveau africain, en dépit de l’avènement de cette Ligue professionnelle créée il y a dix ans et le cahier de charges qui a été exigé aux clubs. «Les clubs sénégalais continuent à être indigents, pauvres. Il y a deux niveaux ou deux sortes de décisions: soit on décide de faire respecter le cahier de charges de la Caf et de la Ligue de football professionnel. Quand on le fait, aucun club sénégalais n’est en mesure de remplir le cahier de charges parce qu’on a fermé les yeux dessus. Ou bien on se dit: on va fonctionner avec les moyens du bord. C’est ce que le football sénégalais est en train de faire depuis des années», se désole-t-il. La conséquence de cette indigence fait que les clubs sénégalais ne sont plus en mesure de faire une compétition au niveau africain. «La compétition africaine demande non seulement des moyens techniques et sportifs mais des moyens financiers. On met l’accent sur les moyens financiers, mais les moyens techniques sont là. Combien de temps le football sénégalais n’a pas dépassé les tours préliminaires des compétitions de la Caf ? On met l’accent sur quelque chose qui n’est pas très décent. C'est-à-dire sur les questions financières pour faire, peut être, pression sur les décideurs financiers ou l’Etat. Mais, ce sont des privées. Si l’Etat devrait leur donner des moyens, pourquoi des vendeurs de cacahuètes ne se regrouperaient pas pour demander des moyens à l’Etat», relèvet-il.
«LE NIVEAU REEL DE NOTRE FOOTBALL, C’EST TEUNGUETH FC AUJOURD’HUI»
Le Professeur Sakho considère que le club Rufisquois ne reflète en réalité que le niveau du football sénégalais. «Parce que si on prend l’équipe nationale, je ne suis pas sûr que ce soit le produit du football sénégalais. Le niveau réel de notre football, c’est Teungueth FC aujourd’hui. On n’a pas de compétitions qui soient en mesure de produire des équipes pouvant rivaliser avec les équipes maghrébines ou de l’Afrique centrale. Du coup l’équipe nationale nous cache la réalité. On n’est pas en face de la réalité. Nous n’avons pas un football local qui nous permet d’être champion d’Afrique. Même si on a de bons joueurs en équipe nationale, en termes administratifs, nous avons un problème». Poursuivant son analyse, le spécialiste du Droit du sport est d’avis qu’il est nécessaire de prendre une mesure politique. «Il y a des solutions, quel que soit le niveau du problème. Aujourd’hui, c’est un problème sportif. La solution part de décisions fortes qu’il faut prendre. Si on veut organiser un championnat professionnel, il faut le faire avec des entités qui ont les moyens de le faire. Mais, quand on multiplie les clubs, surtout à Dakar où on ne sait même pas le nombre de clubs, aucun de ces clubs n’est en mesure de se transporter de Dakar à Ziguinchor. Si vous voulez faire un championnat professionnel avec ce genre de clubs, cela ne peut pas marcher. Soit il y a quelqu’un qui a de l’argent qui donne, un mécène. Soit c’est un partenaire étranger comme le FC Metz avec Génération foot. C’est un peu par ce biais que les équipes fonctionnent», préconise-t-il.
«RECONSIDERER L’ORGANISATION DU FOOTBALL SENEGALAIS»
En somme, avance-t-il, il faut reconsidérer l’organisation du football sénégalais. «On veut faire un football professionnel avec une organisation qui date des premières années de l’Indépendance du Sénégal. La mesure la plus radicale que l’on devrait prendre, c’est une mesure politique. L’Etat doit dire à la Fédération qu’il a délégué l’organisation du football. Limiter le nombre de clubs et permettre un club par ville, trois ou quatre clubs à Dakar. On oblige les entités privées à être dans le capital et on s’organise pour payer des salaires. En ce moment, l’Etat serait en mesure des les aider pour une durée d’un ou deux ans. On fait un championnat professionnel. La deuxième mesure à prendre, c’est qu’au lieu de créer des petits clubs, qui n’ont aucuns moyens, les clubs de ‘’navetanes’’ pouvaient être considérés comme le championnat national amateur. C'est-à-dire que l’on va jouer un peut partout et avoir le champion amateur», explique-t-il. Avant d’ajouter: «maintenant, la Fédération sénégalaise de football, par le biais de l’Etat, commence à avoir de l’argent. Cela, c’est la rentabilité de l’équipe nationale A de football. Elle participe à des compétitions. Alors, la Caf et la Fifa donnent des moyens. Je crois que même l’Etat doit y réfléchir pour les mettre dans le développement du football local et même dans le salaire de l’entraineur national. L’Etat ne peut pas continuer à mettre ses moyens», conclut-il.