«AVEC 200 MILLIONS, JE PEUX FAIRE UN EXCELLENT TOUR, EN 2016»
MICHEL THIOUB, DIRECTEUR DU TOUR CYCLISTE DU SENEGAL

Le 14e Tour du Sénégal de cyclisme a pris fin, dimanche dernier, avec la victoire du Maroc. Certes, son directeur Michel Thioub est satisfait du déroulement, mais il sollicite davantage de moyens pour relever le défi, en 2014. Même avec un budget de 200 millions Cfa.
Les techniciens ont déploré le manque de préparation de l’équipe nationale ?
Ce n’est pas bien, ils nous ont abandonnés. On est presque des orphelins. Comment nous, pays organisateur, nous n’arrivons pas à avoir des maillots vert, jaune et rouge, nous n’arrivons pas à avoir, des pneus, des chambres à air. Nous avons des fusils, mais nous n’avons pas des balles pour combattre. C’est inadmissible. Tous les pays qui sont là sont mieux préparés que nous. Les Congolais ont quitté directement l’Afrique du Sud pour venir au Sénégal pour nous combattre. On était là, on les regarde avec les mains vides. Je trouve ça inadmissible. Il faudrait qu’il ait beaucoup plus de considération pour notre équipe nationale. Quand on nous invite au Burkina Faso, nous n’arrivons pas à y aller. Car le Sénégal ne peut pas nous payer des billets d’avion. On est même désarçonné quand la Rdc qui nous invite à son tour et nous paye les billets d’avion. Comment on peut les combattre. Je ne vais pas les attaquer sur le terrain, je ne le ferai pas. A chaque fois qu’on est sur la ligne d’arrivée, j’ai honte de les battre.
Est-ce que vous avez averti à temps le ministère des Sports ?
Le Tour était prévu au mois de décembre. Si l’arbitrage nous a prévu cet argent sur cette enveloppe dans le cadre de la préparation du Tour du Sénégal, qu’il ait une toute petite partie pour qu’on aille en Rdc, ils le savaient ils ont décaissé cet argent. Maintenant, avec la maladie qui sévissait en Afrique de l’Ouest, il y a eu des équipes réticentes qui ne voulaient pas venir. Et le médecin m’a dit que je ne parte pas en Afrique de l’Ouest. Il m’a dit ‘tu risques d’y laisser ta peau’. Les pays qui devaient participer m’ont dit qu’ils ne peuvent pas venir parce qu’y a Ebola en Afrique de l’Ouest et un cas au Sénégal. On a averti que le Tour serait reporté du 21 au 26 avril.
Je suis sûr qu’il y a des fédérations, quand elles partent, même si rien n’est budgétisé, on s’arrange toujours à les donner quelque chose. Le Cneps appartient au ministre des Sports, ils auraient pu nous amener là-bas pour nous regrouper. Avant c’est moi qui achetait les maillots du Sénégal. Pour me faire rembourser, c’était tout un problème. Maintenant que je n’ai plus d’argent, je n’ai pas pu les acheter. Il fut un temps où les coureurs Sénégalais étaient les mieux habillés. Au Burkina, on disait que les Sénégalais sont très élégants. On fait partie de la dernière roue de la charrette. Il a fallu gonfler les coureurs à bloc jusqu’à ce qu’ils gagnent une étape. Ils ont obtenu cette victoire à l’arrachée. Qui peut bomber la poitrine en disant qu’il a aidé cette équipe du Sénégal. Ni moi ni personne d’autre. C’est ça que je déplore et à partir d’aujourd’hui ils vont être plus regardants.
Est-ce que vous allez être pris en compte par les autorités avec ces résultats ?
Je suis sûr que l’arbitrage ne va pas nous favoriser. Pour le cyclisme, on est mort, on ne va pas au Jo, ni aux Jeux africains, aux Championnats du monde. Nous avons des circuits, on ne peut nous juger sur les Jo, on nous juge sur les Africa Tours. Les courses Africa Tour nous permettent de glaner des points pour aller aux championnats du monde tels que les Burkinabés l’ont eu. Les Marocains l’ont eu parce qu’ils sont dans le circuit Africa Tour. Il y a le Tour du Rwanda, du Maroc, du Faso. Le Sénégal y était avant qu’on s’arrête, c’était le circuit Africa Tour.
Etes-vous satisfaits de la relance du Tour du Sénégal ?
C’est ma première satisfaction, c’est une victoire pour tout le Sénégal. Autour de nous, les gens disaient que le Tour du Sénégal est mort, notamment les pays limitrophes. C’est ce qui m’a donné du courage. Il me fallait récupérer deux ans après ma maladie. Il me fallait ça pour récupérer parce que je me suis couché cinq ans. Après 6 ans, je réapprends à marcher. Psychologiquement, quand je marche j’ai peur. Je me dis est-ce que je ne vais pas tomber. C’est comme s’il y a des trous devant moi. Psychologiquement, je ne suis pas encore retapé. Si j’ai fait le Tour, c’est pour le Sénégal. Parce que les gens nous classaient derniers. On n’avait plus une valeur marchande. Les gens ne sont pas plus compétents que nous, pourquoi ils nous traitent des derniers de la classe. Cela m’a donné du courage pour revenir. J’espère que le Tour va continuer. Le Sénégal a repris le tour, nous avons frayé un chemin sur l’échiquier africain.
Les perspectives après le Tour, malgré une absence de cinq ans ?
Je n’attendrais même pas un an pour qu’on s’inscrive sur l’Uci. Il faut que les autres pays nous respectent. C’est cela que je demande, c’est mon souci. Propulser le Sénégal à un certain niveau. Le Tour du Sénégal appartient à tout le monde. Quand je serai mort, les gens vont m’oublier. De grâce, que les gens aient un peu de patriotisme pour nous aider pour que le Tour puisse survivre. Le Paris-Dakar est mort parce qu’il ne nous appartient pas.
Quelles sont les démarches pour l’homologation du Tour à l’Uci ?
C’est des circuits Africa Tour et les primes sont lourdes. Les trois commissaires doivent avoir un véhicule de toit ouvrant. Nous n’avons pas de toit ouvrant, il faut investir sur ces véhicules. Il n’y a pas beaucoup de toits ouvrants au Sénégal. C’est une condition sine qua non, les cameramen et les photographes à moto. Avec 200 millions, je peux faire un excellent tour, en 2016. Je ne demande pas les 500 millions du Faso, ni le milliard du Gabon et du Rwanda. Quand on galère avec un tout petit budget, on est très économe. Le Gabon amène des professionnels, des coureurs Italiens parce qu’ils mettent 80 millions de primes. Ils mettent de l’argent et avec l’argent, vous avez les meilleures équipes. Il faut de l’argent pour organiser un bon tour et il y a de l’argent au Sénégal. C’est des problèmes de volonté politique.
Ce manque de volonté politique est-il dû au refus des autorités de soutenir le Tour ?
Les autorités étaient sceptiques de la faisabilité du Tour, beaucoup de gens n’y croyaient pas. Je ne vis que de défis. Je suis fier d’avoir tenu le Tour. J’ai été coureur, on m’a tellement battu j’ai tellement gagné. Donc je ne suis pas frileux d’une défaite. Combien de fois j’ai souffert dans ma vie. Je n’ai jamais pu gagner un championnat du Sénégal parce que c’est une course sur loterie. Tant que j’ai du souffle, je me battrai toujours pour que le Tour ait lieu. On sait que le Tour 2016 aura lieu. On ne peut pas faire un Tour à 15 jours ou à un mois de l’évènement. Le Tour veut passer à la vitesse supérieure. Tout ce que j’ai réussi, c’est grâce à Dieu. Je ne crois pas à la justice des hommes, je ne crois qu’à la volonté divine.