AU NOM DE LA REINE
Sipo

Dans le Delta du Saloum, Sipo est célèbre pour sa reine, Fatou Mané, un point d’attraction touristique dont le village peine à tirer profit.
L’histoire du village de Sipo, situé dans l’île du même nom, se confond avec celle de sa reine, Fatou Mané. Fille unique de son père, elle a hérité de ce dernier la chefferie.
Une singularité. « Mon arrière grand-père avait quatre fils qui n’arrivaient pas à s’entendre. L’un d’eux, mon grandpère, originaire du village de Simbandi, en Guinée Bissau, a décidé de venir fonder un village dans cette île », raconte-t-elle, d’une voix monocorde, sans doute fatiguée de répéter la même histoire aux nombreux visiteurs de l’île.
Mais elle se sent incapable de donner une date précise concernant la fondation du village. Peuplé d’environ deux-cents habitants, dont une moitié de saisonniers, des Sérères originaires de Djirnda, qui ne séjournent dans l’île que d’octobre à juillet, Sipo, comme presque toutes les autres îles, souffre de son enclavement. Il n’est accessible que par pirogue.
Les habitants vivent de la pêche, de la cueillette et accessoirement de l’agriculture. « Ici, si tu manges le matin, tu ne manges pas le soir », soutient la reine chef du village. Si le village dispose d’une école, les populations rencontrent d’énormes difficultés pour accéder à des soins de santé.
« Quand nous avons un malade, il nous faut aller à Toubacouta qui, certes, n’est pas loin, mais il faut une pirogue. C’est pourquoi, nous avons vraiment besoin d’avoir une pirogue-ambulance pour les évacuations », ajoute Issa Touré, fils de la reine, qui seconde cette dernière dans ses activités de chef de village. Il a l’amer sentiment que son village est oublié par les autorités locales et l’Etat.
« Même les puits [c’est l’une des rares îles où on trouve de l’eau douce, même si elle n’est pas potable] ont été creusés par des touristes Blancs. Pourtant, nous payons l’impôt et les taxes », poursuit-il. C’est le fils de l’adjoint au maire de Toubacouta, un émigré basé en Espagne, qui lui a construit une double pièce en dur.
Ce petit village, qui ne compte aucun cadre – le seul garçon qui est allé jusqu’à l’université a abandonné les études à cause des problèmes de vision – ne représente aucun enjeu électoral. La seule femme qui s’active en politique est une saisonnière, qui passe la moitié de l’année à Djirnda.
En revanche, le village est une destination touristique presque incontournable dans le Delta du Saloum. Mais les habitants du village n’ont pas su réellement tirer profit de cet avantage en développant, par exemple, une économie parallèle : restauration, campement, artisanat...
Même les produits artisanaux qu’ils proposent aux touristes qui visitent l’île proviennent de Ngaye, donc sans réelle valeur ajoutée.