AUDIOCOMMENT OMAR BLONDIN DIOP S'EST-IL RETROUVÉ DANS LES GÉÔLES DE SENGHOR ?
EXCLUSIF SenePlus - SON FRÈRE, LE DOCTEUR DIALO DIOP RACONTE - Première partie
Dans son engagement révolutionnaire et anti-impérialiste, Omar Blondin Diop, mort en détention dans sa cellule, à Gorée, le 11 mai 1973, n'avait laissé aucun courant idéologique en rade pour sa formation politique : du trotskisme au communisme, du marxisme-léninisme à l'anarchisme, Omar Blondin Diop a étudié tous ces courants, sans pourtant se revendiquer exclusivement d'une chapelle ou de l'autre. Cela tient à la liberté d'esprit du personnage. Le médecin mais également charismatique leader politique Dialo Diop, lui aussi protagoniste de premier plan de cette période des années 68 à 73, nous révèle, dans une série d'interviews historiques accordées exclusivement à SenePlus.Com, quelques éléments de la personnalité de son frère Omar Blondin Diop, l'un des héros de l'histoire politique du Sénégal.
Omar Diop est né à Niamey (Niger) le 18 septembre 1946 avant de passer avec ses frères, une partie de leur enfance entre le Sénégal et la France. A Paris, avec eux, il se retrouve dans les meilleurs établissements scolaires comme le lycée Montaigne et Louis Le Grand.
Elève professeur en philosophie, Omar fréquente tous les philosophes classiques, de Socrate à Platon, en passant par Heidegger et Sartre. "La caractéristique de Omar, c'est un esprit complètement libre. Vous ne pouvez pas figer Omar dans une catégorie, qu'elle soit idéologique, philosophique ou organisationnelle. Omar n'appartenait à aucun courant idéologique. Il est passé à peu près par tous les courants de la gauche, de l'extrême gauche. Il les a tous étudiés", explique son frère Dialo Diop.
Brillant intellectuel à la conscience politique aiguë, premier Sénégalais à être admis à Normale Sup', là où le poète et grammairien Léopold Sédar Senghor, a échoué, Omar Blondin était l'aîné d'une famille de 11 garçons qui a sacrifié sa vie pour obtenir la libération de "quatre" de ses frères et ses amis, condamnés à de lourdes peines d'emprisonnement. Il était reproché à ces jeunes frères d'avoir brûlé le Centre culturel français (CCF) et le siège du ministère des Travaux publics, à la veille d'une visite officielle du président français George Pompidou, ami et condisciple de Léopold Sédar Senghor, à Dakar. Ces jeunes étaient également accusés d'avoir préparé des cocktails Molotov à lancer sur le cortège officiel de Senghor et Pompidou lors de la visite de ce denier dans la capitale sénégalaise en 1971.
"Peines disproportionnées et excessives"
Si Omar Blondin Diop s'était engagé, bravant tous les risques pour la libération des jeunes étudiants, c'est parce qu'il estimait que la décision de justice était démesurée par rapport aux chefs d'inculpation retenus contre eux. "C'est surtout le caractère disproportionné et excessif de la sanction judiciaire qui l'avait scandalisé. Il avait trouvé que c'était un abus de pouvoir caractérisé qu'il ne pouvait pas laisser comme ça", indique Dialo Diop qui, lui-même, avait été condamné à perpétuité par une Cour spéciale au même titre que Ibrahima Paye (dit Jacky). Leurs autres compagnons seront également condamnés, Nouhoum Camara à 20 ans d'emprisonnement, feu Tiémoko Camara et Sidy Gueye à 10 ans chacun et le jeune Mohamed Blondin Diop dit Pape Ndiaye à 5 ans.
Ayant participé aux événements de mai 68, Omar avait été expulsé de France en même temps que Daniel Cohn Bendit sur décision de George Pompidou, le premier ministre d'alors. Rentré au Sénégal, Omar réussira à repartir dans l'Hexagone pour faire son agrégation une fois cette expulsion levée. Et c'est à ce moment que survient l'arrestation de ses frères et amis à Dakar.
Omar et ses quelques amis notamment Alioune Sall Paloma décide à ce moment d'aller se former dans des camps d'entrainement. "Ils sont passés partout, en Turquie, en Syrie, en Érythrée… Ils ont fait un périple compliqué. Ça faisait partie de son entrainement absolument ! Quand vous êtes confronté à la violence, vous cherchez les moyens d'auto défense", explique Dialo Diop. Ce dernier ayant pris connaissance du plan de libération planifié par son frère Omar, tente de l'en dissuader tout en lui proposant un plan de substitution consigné dans une correspondance qui lui sera fatale à la faveur d'une visite officielle du président Senghor à Bamako, où le jeune normalien s'était réfugié avec ses camarades.
"Effectivement, une fois que nous avions été condamnés, les Omar pensaient à une opération commando pour imposer notre libération. Nous les en avons dissuadé sans difficulté en expliquant que le risque était démesuré et que les conditions de détention sont telles que nous pouvions facilement nous faire la belle", affirme Dialo Diop.
En lieu en place d'une opération commando, un plan de substitution est envoyé à Omar et ses camarades de lutte établis provisoirement à Bamako. "Donc on a ajusté les plans en fonction de cela. Seulement, ce que nous n'avions pas prévu, c'est que le président Senghor allait faire une visite chez les putschistes maliens, chez Moussa Traoré. Puisque son ennemi intime Modibo Keita avait été renversé" en 1968 lors d'un coup d'Etat militaire.
La correspondance fatale à Omar
En prévision de la dite visite du président Senghor à Bamako, le redoutable chef de la sûreté malienne, Tiékoro Bagayoko, avait fait arrêter tous les réfugiés politiques sénégalais de façon préventive. C'est lui Bakayoko, qui plus tard, fera torturer Omar Blondin.
Dans la foulée, on découvre la lettre de Dialo Diop dans laquelle il fait à son frère Omar une proposition de substitution à l'opération commando. "C'est par mal chance, par imprudence ou par défaut de vigilance qu'ils ont trouvé dans sa poche ma lettre qui disait : - voici le plan de substitution que je te propose. C'était du pain béni pour Senghor et Jean-Collin (à l'époque tout puissant ministre de l'Intérieur) qui se sont arrangés avec le putschiste malien, Moussa Traoré pour qu'on extrade Omar et Paloma pieds et poings liés", raconte Dialo Diop.
Omar Blondin Diop et ses compagnons sont ensuite extradés du Mali vers le Sénégal où ils prendront la place de Dialo Diop et ses co-détenus à la prison de Gorée, après un passage au Fort B situé à côté de l'autoroute, près de l'échangeur de Hann.
Omar sera jugé puis condamnés à trois ans de réclusion pour " atteinte à la sûreté de l'Etat" par un tribunal spécial, le 23 mars 1972.
À SUIVRE…