SONKO, UNE MARQUE PUISSANTE
Là où Mamadou Dia ou Cheikh Anta Diop touchaient principalement l'intelligentsia, il a su populariser un discours politique exigeant grâce aux nouveaux médias. Son positionnement unique résonne auprès d'une jeunesse connectée
En remportant les élections législatives avec une victoire éclatante dans 41 des 46 départements favorables à la liste Pastef et environ 130 députés élus sur un total de 165, la marque-leader Sonko et la marque-parti Pastef ont confirmé leur puissance sur l’échiquier politique.
Ousmane Sonko fait désormais partie des figures majeures du leadership politique au Sénégal. Son influence dépasse les frontières nationales, lui conférant une notoriété significative à l’échelle continentale. Le Pastef s’impose aujourd’hui comme une force politique incontournable. Cette montée en puissance pourrait entraîner le retrait de certains leaders traditionnels et, éventuellement, la disparition de certains partis politiques historiques.
Autrefois, remporter une élection nécessitait un long travail de construction d’un réseau étendu de leaders d’opinion, s’appuyant sur un processus progressif de visites de terrain. Ces leaders, proches des électeurs, organisaient des meetings et des caravanes, ponctués par une forte présence médiatique pour développer la notoriété. Cependant, l’avènement et la démocratisation des smartphones, offrant un accès immédiat à une information variée, ont bouleversé les dynamiques électorales. Les électeurs, désormais plus matures, se montrent plus exigeants vis-à-vis des offres politiques. Bien qu’ils n’examinent pas toujours en détail les programmes des partis, ils s’intéressent de plus en plus à leurs orientations générales.
Paradoxalement, les médias traditionnels, souvent critiques à son égard, ont largement contribué à accroître la notoriété de la marque Sonko. Les nouveaux médias, de leur côté, ont permis de consolider son capital sympathie auprès de différents segments de l’électorat. Fort de son expérience, Sonko, qui avait déjà contribué à l’élection de maires, de députés et même d’un président de la République, a su reproduire cette dynamique pour faire élire les députés de la liste Pastef.
Un positionnement différenciant
L’engouement des électeurs pour Sonko et le parti Pastef s’explique en grande partie par leur positionnement précis et distinctif. Ces deux marques incarnent :
- le patriotisme dans le sens d’une prise en charge autonome du destin national et la reconquête de toutes les souverainetés (économique, monétaire, politique, militaire) ;
- la bonne gouvernance, associée à une image d’honnêteté et d’intégrité.
Tout parti tentant d’adopter ce positionnement serait perçu comme une simple imitation. Ousmane Sonko reste l’original.
Historiquement, d’autres leaders ont défendu ces idéaux. Mamadou Dia et Cheikh Anta Diop incarnaient respectivement le nationalisme (dans un sens patriotique, non populiste) et le panafricanisme. Cependant, leurs idées trouvaient un écho limité à l’intelligentsia petite bourgeoise, une minorité.
Sonko, en revanche, a émergé à un moment où les réflexions sur le parachèvement des souverainetés nationales s’intensifiaient dans la sous-région. Si Abdoulaye Wade avait partiellement défié l’ordre établi avec l’ancienne puissance coloniale, il n’avait pas réussi à résoudre les problèmes internes du Sénégal, certains estimant même qu’il les avait amplifiés.
Grâce à la diffusion massive de ces débats via les smartphones, la marque Sonko s’est imposée non seulement par la pertinence de son offre politique, mais aussi grâce à plusieurs facteurs distinctifs.
Facteurs clés de succès de la marque Sonko
- Une personnalité singulière et marquante :
- un courage dans l’épreuve et une constance qui inspirent l’admiration des électeurs ; malgré les exactions subies, Sonko est resté fidèle à ses convictions ;
- une humilité et un sens du dépassement, comme en témoigne sa proposition de faire de Bassirou Diomaye Faye, ancien secrétaire général du Pastef, le candidat à l’élection présidentielle, alors qu’ils étaient tous deux en prison ;
- des principes novateurs basés sur le respect de la citoyenneté et une organisation rigoureuse, rompant avec les anciennes pratiques des partis classiques en matière de mobilisation et de financement.
- Une communication innovante :
- le parti Pastef a exploité de manière stratégique les plateformes numériques (Facebook, X, YouTube, TikTok, etc.), permettant une interaction directe avec les électeurs.
- Des alliances stratégiques :
- avec YAW (2022 et 2023), la coalition Diomaye (2023-2024) et d’autres acteurs politiques, Sonko a su tisser des partenariats qui lui ont permis d’évoluer et de mieux comprendre le jeu politique.
Défis et interrogations pour l’avenir
Malgré ce succès, plusieurs défis restent à relever.
- Les attentes des jeunes électeurs : leur enthousiasme perdurera-t-il si les problèmes liés à l’emploi et au pouvoir d’achat persistent ?
- La confiance des entrepreneurs : resteront-ils engagés si les opportunités économiques se réduisent ?
- Les résultats à mi-parcours du référentiel Sénégal 2050 : un faible niveau de mise en œuvre pourrait susciter des désillusions.
- La gestion interne du parti : le Pastef devra évoluer en maîtrisant ses contradictions et en surmontant les obstacles organisationnels.
- Les risques de procès à répétition : bien que la reddition des comptes reste pertinente, ces démarches pourraient accaparer l’énergie et ralentir les avancées.
Les marques Sonko et Pastef se sont rapidement imposées dans le paysage politique sénégalais. Toutefois, leur capacité à maintenir cet élan dépendra de leur aptitude à répondre aux aspirations et attentes des électeurs, ainsi qu'à surmonter les défis à venir. L’avenir politique du Sénégal repose désormais sur leur habileté à concilier transformation et stabilité, ambition et pragmatisme, démocratie et ordre républicain, patriotisme et panafricanisme, évolution des mentalités et respect de nos traditions.