LA MAUVAISE MINE DES ORPAILLEURS
FERMETURE DES DIOURAS

Les orpailleurs de la région de Kédougou étaient sur le point de retrouver le sourire, plus de sept mois de fermeture des sites, après le passage de Aly Ngouille Ndiaye. Malheureusement, la promesse du ministre de l’Industrie et des Mines de rouvrir les mines d’or traditionnelles à la fin du mois de février n’est pas encore tenue. Les exploitants attendent toujours la distribution des cartes d’orpaillage. Ceci tarde à voir le jour.
La mine des orpailleurs laisse briller des inquiétudes. L’Eldorado est toujours dans l’expectative. Le sevrage est amer et dépeuplant. Par un arrêté daté du 14 août 2014, le gouverneur de la région de Kédougou fermait tous les sites d’orpaillage communément appelés diouras. Depuis sept mois, les orpailleurs ont été interdits de fréquenter les fosses «dorées».
Ce chômage technique a vidé Kharakhéna de la plupart de ses hôtes intéressés par la mine. Du coup, le village agonise. L’économie locale se meurt. Au pied des collines aux roches convoitées, les centaines de taudis se superposent et chancellent.
Au sommet de la montagne, des gendarmes, patrouillant sous plus de 40° C à l’ombre, armes à la main, interdisent l’activité d’extraction. Faute d’activité alternative dans la contrée, chacun vit de ses économies.
A défaut, il faudra chercher onces ailleurs, au Mali ou en Guinée. Certains ont préféré décamper ou squatter les diouras de Moussala, un village de la frontière sénégalo-guinéenne.
Sourire accueillant, le commerçant Mamady Sow entonne le refrain le mieux «parcœurisé» depuis l’arrivée de Macky Sall au pouvoir : «L’argent ne circule plus.» Le marchand d’onces transpose ce constat à Kharakhéna qu’il fréquente depuis des années. «Ce village est mort. La fermeture des diouras est un désastre», se désole-t-il.
3 800 cartes disponibles à la gouvernance
Cet habitant de Guédiawaye était en train de construire sa vie dans le business de l’or extrait avec des moyens artisanaux. Subite ment, l’activité est suspendue.
Toutefois, une tournée officielle a suffi pour que l’espoir renaisse. Le 16 février dernier, le ministre des Mines et de l’industrie a ponctué une visite de la région de Kédougou pour présider un comité régional de développement.
A cette occasion, Aly Ngouye Ndiaye a annoncé la réouverture des sites d’orpaillage à la fin de ce mois de février. Les autorités administratives ont été publiquement appelées à prendre toutes les dispositions nécessaires pour rendre effective une telle décision.
«Il nous a donné des instructions allant dans le sens de rouvrir les diouras à la fin du mois (de février)», reconnaît le préfet de Saréya, Pape Alioune Ndao.
Après deux semaines, les diouras restent fermés et surveillés par les bérets bleus. En tous cas, jusqu’au 4 mars dernier, l’accès est interdit. Les orpailleurs de Kharakhéna attendent encore de voir la couleur des cartes.
La réouverture risque d’être lente. Le gouverneur de la région et le chef de service régional des Mines et de la géologie doivent soumettre les exploitants traditionnels à un préalable, celui du retrait de la carte d’orpailleur.
Le ministre Aly Ngouille a annoncé la confection de 3800 documents numérisés. Mieux, ces pattes blanches sont disponibles à la gouvernance de Koudougou.
Elles ont été confectionnées à Dakar, à la suite d’un déplacement d’une équipe technique dans la région.
Treize couloirs à ouvrir, baisse des transferts d’argent
Sur la possibilité de libérer des diouras, le vendredi 27 février, une dernière évaluation s’est tenue autour de la première autorité administrative. A la fin, un rapport a été envoyé au ministère de tutelle.
Au même moment, les membres de la fédération des orpailleurs de la région sont en assemblée générale à Kédougou. Son président, Mamadou Dramé, décrie leur manque d’implication dans le processus d’organisation de l’activité d’orpaillage.
Le mémorandum déposé à la gouvernance attend encore une suite. Devant le ministre de tutelle, il a été retenu que la distribution des cartes doit se faire par couloir d’orpaillage, c’est-à-dire d’un site à l’autre officiellement identifié par l’autorité en charge des Mines et de la géologie.
Dans la région de Kédougou, treize couloirs d’orpaillage (et trois à Tambacounda) ont été officiellement sélectionnés, concordent le président des orpailleurs et le préfet de Saréya, Pape Alioune Ndao.
Ce dernier reconnaît les conséquences néfastes de la fermeture des diouras sur le pouvoir d’achat des populations. Au bureau de la Poste de Kédougou, les transferts d’argent ont considérablement chuté.
La baisse mensuelle est comprise entre 25% et 75% depuis la fermeture des sites, apprend-on d’une source au fait des opérations. Le patron du département le justifie par un besoin d’organisation et de sécurisation de l’activité. Il se trouve que la région comptait plus de 100 diouras.
Des orpailleurs expriment ainsi leurs inquiétudes de voir les couloirs autorisés insuffisants. «Les orpailleurs risquent de se concentrer dans ces couloirs dont certains ne font pas une teneur en or encourageant», indique M. Dramé.
Aucun service ne dispose de statistiques sur la population d’orpailleurs. Le chef du service régional des Mines et de la géologie l’estime à dix mille personnes.
Nationalisation de la filière, les mineurs out
L’autre inquiétude concerne la nationalisation de la filière. En effet, pour obtenir une carte d’orpailleur, il faudra prouver sa nationalité sénégalaise. Le dossier de candidature exige une copie d’identité nationale, un casier judiciaire, deux photos et une somme de 5 000 francs Cfa.
Les orpailleurs de Saréya déplorent le fait de parcourir plus de 330 km pour décrocher un casier judiciaire, étant donné que Kédougou ne dispose pas encore de Tribunal régional. Il leur est précisé que l’activité est réservée aux Sénégalais.
«Mais il sera possible de recruter des étrangers», relativise Mamadou Lamine Diakité, un tomboulman (agent de sécurité) dans un dioura de Kharakhéna. Par ailleurs, les mineurs ne seront plus tolérés dans l’activité d’orpaillage.
Les autorités administratives ne cessent de le signifier aux acteurs. La ruée des enfants vers l’exploitation traditionnelle de l’or est un frein à l’éducation universelle.
Au lycée de Saréya, 60 abandons ont été constatés cette année. Le Préfet mise sur la sensibilisation pour atténuer ce phénomène. «Quand je suis arrivé ici en 2013, j’ai effectué une tournée économique pour inviter les populations à retourner vers l’agriculture. L’or est une ressource qui n’est pas éternelle», indique M. Ndao.
De nos jours, il préside un comité départemental de protection de l’enfant. Ce projet, dit-il, est réalisé avec le concours de l’Ong World vision et de l’Usaid. «Dans chacun des deux arrondissements du département, nous avons mis en place un comité local de protection de l’enfant. Nous voulons créer dans chaque village,
un comité qui va sensibiliser davantage les parents d’élèves», ambitionne le Préfet.
Ansoumana Keïta : «J’ai gagné 4 millions de francs Cfa»
Le défi risque d’être une tâche de Sisyphe. Pour certains qui se sont frottés à l’orpaillage, le gain est parfois surprenant.
Au lycée de Saréya, Ansoumana Keïta est arrivé à reléguer les cours au second plan. Cet élève en classe de première a gagné de l’extraction d’or, «4 millions de francs Cfa en une seule campagne».
«J’ai obtenu cette somme après la répartition des roches extraites des damas. C’est un hasard.» Les orpailleurs utilisent le mercure ou le cyanure pour ressortir le précieux minerai. Le censeur du lycée regrette que le jeune garçon n’étudie plus.
L’enfant millionnaire n’attend que la réouverture des diouras pour plonger dans les damas (fosses). A l’école élémentaire de Kharakhéna, le directeur Amath Sène se réjouit de garder ses élèves depuis le début de l’année.
«Ici, les parents ont quand même accepté de laisser leurs enfants dans les classes», salue-t-il. Toutefois, ses propos ne font pas l’unanimité car, ouvert en 2009, l’établissement ne compte que 66 élèves. Il compte trois salles pour six classes pédagogiques.
A en croire le Préfet du département, les exploitants de Kharakhéna n’auront droit qu’à un seul couloir. Le reste de la réserve sera accessible à une société minière en phase de recherche. Il s’agit de Afrigold.