LE MARCHE SANDAGA, UNE BOMBE A RETARDEMENT EN PLEIN COEUR DE DAKAR
PATRIMOINE ARCHITECTURAL CONSTITUANT UN DANGER

Le marché Sandaga, ce grand édifice commercial, croulant sous le poids de l’âge préoccupe l’Etat. Après plusieurs années de mise en garde et d’avertissement, Macky Sall a finalement décidé de désactiver la «bombe à retardement» que constitue le marché Sandaga, niché au coeur de Dakar où, au quotidien, se retrouvent des milliers de personnes
La surcharge des voitures, le non-respect des lois et règlements, la vétusté des bâtiments, sont autant de menaces sur la sécurité des populations. Le marché Sandaga, jadis considéré comme un bijou architectural, croule, aujourd’hui, sous le poids de l’âge. En état de délabrement très avancé, il est de nos jours dans une situation lamentable, même s’il constitue un patrimoine classé.
En effet, édifice vieux de 63 ans, le marché Sandaga présente partout des fissures. Prenant pour prétexte un problème de site pour exercer leur commerce, les locataires de cet édifice s’entêtent dans leur refus de quitter les lieux, même au péril de leur vie. Situé au coeur de Dakar, il est un lieu de forte concentration. Aux alentours, des marchands ambulants produits à la main. De l’extérieur, peu d’éléments trahissent l’état de délabrement avancé de cet édifice. Il suffit de débarquer sur les lieux pour constater l’ampleur des dégâts. La dalle cède, de temps en temps, avoue certains. Quant aux murs parsemés d’innombrables fissures, ils ont, plus d’une fois, fait l’objet de travaux de réfections. Concernant les escaliers, ils sont si obscurs qu’ils font peur, d’autant qu’ils sont dans un état de délabrement inquiétant.
Le scénario est désolant lorsqu’on franchit cette bâtisse divisée en deux. En bas, nous avons des commerçants haoussas originaires du Sahel et des bouchers d'autres nationalités qui s’activent dans la vente de la viande. Au niveau du premier étage, logent les restauratrices, les tailleurs et d’autres qui exercent de petits métiers. Insalubrité, odeur nauséabonde, fissures profondes, toiles d’araignées, campent le décor. Malgré tout, les habitués des lieux poursuivent, comme s’il n’y a pas une menace qui plane sur leur tête, leurs activités dans ce marché où une catastrophe peut arriver à tout moment
VIVANT SOUS LA MENACE D’UN EFFONDREMENT
LES OCCUPANTS DU MARCHE SANDAGA REDOUTENT UN «LE JOOLA» BIS SI…
Les occupants du marché Sandaga ne comptent pas vider les lieux, malgré le danger permanent qui les guette. Dans ce lieu public où se donnent rendez-vous tous les jours des milliers de personnes, commerçants et usagers continuent de vaquer tranquillement à leurs occupations au péril de leur vie.
Sous un soleil de plomb, nous nous sommes rendus au marché Sandaga pour faire l’état des lieux. De loin, c’est l’odeur des eaux usées et d’autres insalubrités qui piquent les narines. Dans l’enceinte dudit marché, c’est encore pire. Ce qui n’empêche pas les vendeurs de rivaliser de stratégies, chacun voulant attirer les clients à son étal.
Dans cet édifice qui menace ruine à plus d’un endroit, sont logés, entre autres, des tailleurs. Karim Diagne, tailleur au marché Sandaga depuis plus de 10 ans et originaire du Saloum, a expliqué pourquoi ses collègues et lui tardent encore à vider les lieux. «Nous sommes obligés de rester dans ces locaux, malgré le danger qui nous guette tous les jours, parce qu’on n’a pas où aller», confiet-
il. Quadragénaire, il minimise le danger et estime qu’il faut juste «mettre une couche de peinture et réparer les fissures pour rendre le bâtiment attrayant».
Non loin de lui se trouve Aminata Dieng, une cliente venue retirer sa commande. Interpellée, la dame fait savoir qu’il est difficile de rester 30 minutes dans ce marché, vu l’état des lieux. «Il suffit de lever la tête pour voir le danger. Il faut une solution rapide de la part des responsables», indique-t-elle. Les vendeurs de viande reconnaissent n’avoir pas non plus l’esprit tranquille. Par peur de voir le bâtiment s’écrouler sur eux, ils demandent à l’Etat de leur trouver un autre endroit où ils pourront exercer leur métier sans courir le risque d’être victime d’un effondrement.
A ce titre, Ibrahima Mbaye, agé de près d’une trentaine d’années, de confier : «Vous dites que ‘Le Joola’ a fait des milliers de morts, alors il faut que l’Etat réagisse s’il ne veut pas d’un second ‘Le Joola’ ici. Car nous n’avons pas l’intention de quitter ce lieux», annonce-t-il sèchement. Construit en 1950, le bâtiment principal du marché Sandaga risque de s’effondrer, si l’Etat du Sénégal ne prend pas les devants. A noter qu’au cours de cette visite, il a été constaté la détresse des commerçants récalcitrants, vivant sous une menace permanente
PREMIER ADJOINT AU MAIRE DE DAKAR, CHEIKH GUEYE SUR LE MARCHE SANDAGA
«ON A OPTE POUR LA REHABILITATION ET LA RESTAURATION, MAIS SA DEMOLITION IMPLIQUE PLUSIEURS ACTEURS»
Onze ans après, le drame du bateau le «Joola», certaines infrastructures publiques constituent toujours des menaces pour la population. Parmi ces édifices, figure en bonne place le marché de Sandaga. Lieu d’échange situé en plein coeur de la capitale, il pourrait être à l’origine d’une catastrophe, si rien n’est fait.
Préoccupées par cette menace, les autorités politiques commencent à entreprendre des actions. Ainsi, les instructions données par le Président Macky Sall, qui veut «un audit technique, sans délai» de cette vieille bâtisse, ont beaucoup soulagé la mairie de Dakar. «Nous avons, auparavant, sollicité un bureau d’étude pour nous aider à voir, de façon scientifique, les considérations techniques, pour savoir sur quoi
se fonde-t-on pour dire que le bâtiment est vieux. Et comme c’est un patrimoine historique, on avait opté pour la réhabilitation et la restauration afin de garder toute l’architecture, mais en veillant à la sécurité publique», a confié Cheikh Guèye. Ce dernier, premier adjoint au maire de Dakar, a aussi précisé que «le marché central est géré par la ville de Dakar, mais l’édifice central du marché Sandaga est un patrimoine classé.
Donc, sa démolition implique plusieurs acteurs dont les autorités compétentes de l’Etat. C’est pourquoi nous saluons ces mesures entamées par le président de la République pour la modernisation des marchés», a-t-il précisé. Cependant, même si les nouvelles autorités ont pris en charge la lancinante question de la «sécurité civile des bâtiments», à travers la mise sur pied d’un dispositif central auquel la mairie de Dakar fait partie, Cheikh Guèye dit avoir, avec son équipe, anticipé la démarche en prenant l’avis des spécialistes avant toute action isolée, dans un dossier qui implique l’Etat, la mairie de Dakar et les commerçants du marché. «C’est pourquoi, au niveau de la mairie, on a sollicité à nouveau un bureau d’étude dédié à cette cause qui, sur la base d’une expertise scientifique avec des arguments solides, peut nous dire ce qu’il y a mieux de faire. Si le bureau pense qu’il faut démolir une partie du bâtiment - comme on l’avait fait avec le marché Kermel ou bien, s’il faut tout raser- nous suivrons et transmettrons les conseils», renseigne Cheikh Guèye. Il estime, par ailleurs, qu’au Sénégal et comme partout dans le monde, il y a des édifices qui contribuent à la sauvegarde du patrimoine national. Donc, il serait référable, selon lui, de les entretenir et réfectionner, ne serait-ce que la configuration architecturale. Toutefois, M. Guèye a tenu à rappeler que la mairie de Dakar est un démembrement de l’Etat et sur ce point, ils ont plusieurs initiatives complémentaires dans beaucoup de domaines.