MÉDITERRANÉE, C’EST LOIN D’ÊTRE FINI !
Les dirigeants africains, parmi les premiers responsables de ce qui se passe en Méditerranée, ont depuis longtemps déserté toute volonté de changer ce qui se passe dans leurs pays, se contentant de chercher à faire bloc et se défendre

Hier, Le Quotidien s’indignait des 700 naufragés dénombrés avant- hier par les secouristes italiens. Personne ne s’attendait qu’il y ait juste le lendemain, 400 naufragés, toujours venant d’Afrique, qui viennent s’ajouter au nombre. Pire, avec ce chiffre, c’est plus de 1 500 morts décomptés dans la Méditerranée en moins d’une semaine, en tentant de rejoindre l’Europe depuis les côtes de la Libye.
L’hécatombe est si importante que l’un des secouristes italiens se serait écrié que ce chiffre est plus important que celui produit par n’importe quelle guerre. Et pourtant...
C’est vrai que c’est l’instabilité en Libye qui est à la base de cet exode massif, et de l’Holocauste qui frappe essentiellement les Africains que leurs pays et leurs dirigeants semblent avoir oublié et délaissés à leur sort. Nous le disions hier encore, ces personnes, qui quittent l’Afrique de plus en plus jeunes, se répètent ce que les Sénégalais se disaient il n’y a pas longtemps : «L’Europe ou la mort ! Barça wala barsakh !»
Quand le flot de pirogues et de frêles embarcations a arrêté de déferler vers l’Espagne, le Sénégal et ses voisins ont considéré que le problème était réglé et l’ont oublié. Ignorant que la mort de Kadhafi a permis de déplacer le site de voyage. Il ne pouvait en être autrement, car les raisons pour lesquelles ces gens ont décidé de quitter la terre de leurs ancêtres, de laisser derrière eux tout ce qui leur est cher, d’affronter une mort presque certaine, n’ont pas changé.
Les nombres de cadavres, qui transforment la Méditerranée en vaste fosse commune liquide, ont fini par révolter les Européens, qui ont fait pression sur leurs dirigeants, pour qu’ils entreprennent une action quelconque.
Et pourtant, les sondages indiquent, tous les jours, que les Européens deviennent de plus en plus xénophobes, pour ne pas dire racistes, et redoutent ces Africains qu’ils voient venir leur arracher leurs emplois et modifier leur mode de vie. Malgré tout, ces gens conservent leur humanité.
Qu’en est-il de nos dirigeants, de ceux des pays qui perdent le plus leur force et leur jeunesse ?
Aucun dirigeant africain ou arabe n’a encore pris la parole pour s’émouvoir de ce qui se passe à nos frontières. Personne n’a élevé la voix pour dénoncer le traitement dont sont l’objet ses concitoyens, ou pour proposer une solution aux malheurs qui frappent ses ressortissants, ou les victimes des passeurs véreux, ou même faire montre d’humanité.
Aussi choquant que soit le constat, il n’est pas particulièrement surprenant. Les dirigeants africains, parmi les premiers responsables de ce qui se passe en Méditerranée, ont depuis longtemps déserté toute volonté de changer ce qui se passe dans leurs pays, se contentant de chercher à faire bloc et se défendre les uns et les autres. On en a eu la preuve la semaine dernière encore.
Des milliers d’émigrés africains se font massacrer en Afrique du Sud, à l’initiative du roi des Zoulous, Goodwill Zwelethini, et du propre fils de Jacob Zuma, le dirigeant d’Afrique du Sud. Aucun cri d’indignation, aucune protestation.
Juste un gros silence gêné. Plus gêné à Pretoria d’ailleurs qu’à Kinshasa, Dakar ou ailleurs. Seul le vieux Mugabe s’est permis une petite critique très timide.
Et l’on sait que les Occidentaux eux, à la différence des Sud-Africains, détiennent la bourse, l’autorité.
Personne ne va oser se les mettre à mal, juste pour le beaux yeux des gueux qui ont eu la bonne idée d’aller se faire tuer loin de chez eux, épargnant de ce fait aux dirigeants de chez eux, le souci de leur trouver du travail ou de leur assurer une éducation.
C’est dire que, tant que nous aurons les dirigeants que nous avons, le cimetière de la Méditerranée ne cessera pas d’accueillir ses cadavres.