NI COMPLOTEURS NI TERRORISTES
Lorsque la jeunesse se met au service de la République pour prôner les valeurs positives d'éducation civique et d'engagement pacifique dans le débat politique et démocratique, elle est saluée

Kinshasa et Goma (Rdc), Dakar (Sénégal), Ouagadougou (Burkina Faso), 18 avril 2015
Nous sommes une nouvelle force citoyenne qui a fini d’émerger en Afrique. Les longues détentions, les harcèlements et la répression ne nous feront pas reculer. Nous sommes Filimbi. Nous sommes Lucha. Nous sommes Balai citoyen. Nous sommes Y’en a marre.
Nous sommes ceux qui ont remplacé les armes par leurs voix, leurs balais et leurs sifflets pour la démocratie. Nous sommes ceux qui placent la bonne gouvernance, la responsabilité de l’Etat et le respect des libertés fondamentales au cœur de leurs revendications. En Rdc et partout en Afrique, nous sommes fiers de contribuer à l’éveil civique de jeunes Africains.
Le 15 mars dernier, réunis dans le centre Eloko Makasi de la commune de Masina, à Kinshasa, en République démocratique du Congo (Rdc), nous avons été stupéfaits de la réaction brutale des autorités congolaises contre une conférence de presse pacifique du mouvement Filimbi. Pourtant, l’activité ne marquait que la clôture de deux jours d’atelier pour sensibiliser les jeunes sur l’importance de l’engagement civique dans les processus démocratiques.
Ailleurs, lorsque la jeunesse décide de se mettre au service de la République pour prôner les valeurs positives d’éducation civique et d’engagement pacifique dans le débat politique et démocratique, elle est saluée. La prise de conscience de ses acteurs est louée, car ils représentent l’avenir d’un continent.
En Rdc, nous avons été arrêtés sans respect de la procédure légale. Malmenés par des Forces de l’ordre, certains d’entre nous ont passé plusieurs nuits en détention dans les cellules de l’Agence nationale des renseignements.
Nous étions environ une trentaine de personnes arrêtées le 15 mars. Au moment où nous écrivons ces lignes, nous sommes sans nouvelle de trois de nos camarades : Fred Bauma, Sylvain Saluseke, Yves Makwambala sont toujours détenus sans droit de visite, ni de membres de leur famille ni de leurs avocats, cela en parfaite violation de l’article 18 de la Constitution congolaise de 2006 qui, tout en fixant les conditions d’arrestation et de détention (la garde à vue ne peut pas excéder 48h), exige que les motifs de toute arrestation soient notifiés aux intéressés.
Nous avons été traités de terroristes et de comploteurs contre la République démocratique du Congo par le ministre de l’Information, Lambert Mende. Et pourtant, en foulant le sol de la Rdc, nous n’avions aucune arme dans nos valises, et aucune mauvaise intention ne figurait dans nos consciences de jeunes Africains, à part cet idéal de partage de bonnes pratiques pour montrer aux jeunes Congolais qu’il était important de s’engager de manière pacifique et de défendre les valeurs démocratiques.
Au-delà de la brutalité des actes, la détention illégale, les qualificatifs de «terroristes et de comploteurs» contre nous, les autorités de la Rdc veulent étouffer l’enthousiasme déjà solidement ancré chez les jeunes.
Les autorités pensent anéantir la bravoure de nos collègues de la Lucha à Goma. Quatre d’entre eux subissent un traitement inhumain dans la prison de Muzenze. Ces intimidations ne font que renforcer notre détermination à poursuivre notre lutte pour un Congo libre où les droits de l’Homme sont respectés.
Mais l’engagement civique des jeunes dans le débat politique en Afrique n’est plus à démontrer, de même que leur rôle dans les élections et le plaidoyer pour le respect des droits fondamentaux.
C’est une telle approche que Y’en a marre et Le Balai citoyen ont déjà développé en menant des campagnes populaires pour pousser les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales, à mieux s’informer, à lutter contre l’injustice et l’inégalité pour exiger des réponses à des ruptures sociales et des manquements de nos gouvernants.
Nous nous sommes engagés dans une voie pacifique, car pour nous, elle est la seule par laquelle nous pouvons contribuer à renforcer les acquis démocratiques et créer un mouvement populaire dont les actions obligent les Etats à rendre compte.
Nous en appelons donc au gouvernement de la République démocratique du Congo de mettre fin à la détention illégale au secret de nos camarades de Filimbi. Leur place est celle de tous les jeunes dont les initiatives progressistes font bouger le continent, leurs voix doivent compter pour la construction d’une vraie démocratie en Rdc.
Le silence des institutions africaines reste inquiétant, mais nous ne pouvons ne pas leur rappeler les valeurs fondatrices de l’Union africaine que sont la solidarité et le respect des libertés. Ce silence est coupable. Il trahit la jeunesse de la Rdc et à travers elle tout le continent africain. Alors qu’il est établi que les jeunes sont ceux qui tiennent le destin de tout un continent sur leurs épaules.
Les institutions africaines doivent publiquement affirmer et soutenir que la jeunesse est incontournable dans la consolidation des acquis démocratiques dans le continent. Elles doivent appeler à la libération de nos camarades détenus au secret à Kinshasa et au respect des libertés fondamentales en Rdc.
Nous avons un devoir moral envers les jeunes encore détenus et envers nous-mêmes en tant que citoyens africains. Rejoignez-nous dans nos actions pour la libération de nos camarades.
Nous sommes Filimbi. Nous sommes Lucha. Nous sommes Balai citoyen. Nous sommes Y’en a marre. Nous sommes ceux qui ont remplacé les armes par leurs voix, leurs balais et leurs sifflets pour défendre la démocratie. Ni comploteurs ni terroristes, nous sommes la jeunesse africaine émancipée.