UNE ADOLESCENTE, ACCUSÉE D'AVOIR TUE SON MARI, ATTEND SON VERDICT
NORD DU NIGERIA

Gezawa (Nigeria), 16 mars 2015 (AFP) - Accusée d'avoir tué son mari de 20 ans son aîné, Wasila Tasi'u, 14 ans, apparait au dernier jour de son procès pour la première fois sous un niqab. Elle ne sait ni lire, ni écrire.
Silencieuse devant la justice du nord musulman nigérian, elle attend désormais d'être fixée sur son sort. Originaire d'une famille musulmane pauvre, l'adolescente est poursuivie pour homicide volontaire pour le meurtre de son mari, Umar Sani, 35 ans, empoisonné à la mort aux rats deux semaines après leur mariage en avril dernier.
L'accusation a requis la peine de mort. La défense, elle, a plaidé pour son acquittement après plusieurs mois de procès. "Nous vous exhortons, votre excellence, de bien vouloir acquitter l'accusée", a plaidé lundi son avocate, Hussaina Aliyu devant la Haute cour de Gezawa, en périphérie de Kano, la plus grande ville du nord du Nigeria.
Selon la police, Wasila a avoué avoir empoisonné Sani au cours de la réception organisée pour le mariage dans le village d'Unguwar Yansoro, situé à une soixantaine de km de Kano.
Mais au cours d'une audience précédente, il a été établi que la déposition de la jeune fille avait été signée avec une empreinte de son pouce, car elle ne sait ni lire, ni écrire.
Pour la défense, l'accusation a échoué à établir un lien entre la cause de la mort de M. Sani et la tentative de meurtre de celui-ci par la jeune Wasila. L'avocate a également mis en cause la crédibilité d'un des témoignages clés du procès, à cause de l'âge du témoin, une petite fille de sept ans qui dit s'appeler Hamziyya et qui vivait dans la maison de Wasila et M. Sani au moment des faits.
- Polygamie et charia -
La petite fille a été présentée comme la soeur de la "co-épouse" de Wasila, c'est-à-dire la femme que Sani avait épousée précédemment. La polygamie est très répandue dans le nord du Nigeria, majoritairement musulman.
Hamziyya a déclaré avoir reçu de l'argent de Wasila pour acheter de la mort aux rats dans un magasin du quartier le 5 avril, le jour de la mort de M. Sani. Mais l'avocate de Wasila a estimé que le parquet avait enfreint la loi en convoquant un enfant de sept ans comme témoin.
Des défenseurs des droits de l'Homme du Nigeria ont réclamé que Wasila soit considérée comme une victime, mettant en avant le fait que, vu son âge, les rapports sexuels qu'elle a eus avec son mari peuvent être considérés comme des viols.
Mais dans le Nord du Nigeria, majoritairement musulman, les mariages d'adolescentes avec des hommes beaucoup plus âgés qu'elles sont très répandus, en particulier dans les zones rurales pauvres. Selon certains, la loi islamique (charia), en vigueur depuis 2000 dans cette région, n'interdit pas le mariage de filles très jeunes.
- Mariages fréquents à 14 ans-
Mais les lois fédérales nigérianes s'appliquent également dans le Nord, ce qui crée un système légal hybride dans lequel la police de la charia travaille avec les autorités gouvernementales. Les familles des époux ont toutes deux nié que Wasila ait été mariée de force, rappelant que dans cette région, les filles se marient fréquemment à l'âge de 14 ans.
Aucun mineur n'a été exécuté au Nigeria depuis 1997, du temps de la dictature militaire de Sani Abacha, selon Human Rights Watch. Wasila, elle, doit être fixée sur son sort le 31 mars, date à laquelle la Cour doit déclarer si les poursuites sont abandonnées ou pas.