UNE DIPLOMATIE ÉCONOMIQUE AMBITIEUSE
MAROC - EXPANSION AFRICAINE

"L'économie marocaine, dont les deux tiers sont orientés vers l'Europe qui vit actuellement une période de récession, a actuellement besoin de diversifier ses débouchés tant au niveau des échanges commerciaux que des investissements. C'est dans ce cadre que le Maroc a mis en œuvre une politique africaine basée sur plusieurs éléments…".
Cette analyse de Jawad Kerdoudi, Président de l'Institut Marocain des Relations Internationales (IMRI), lors d'une communication présentée au dernier Forum de Bamako, donne le fil conducteur d'une politique africaine impulsée par le Roi Mohamed VI.
Le Maroc développe, depuis plusieurs années, une politique africaine ambitieuse en misant sur une connaissance assez fine des besoins de développement socio- économiques de ses partenaires africains, notamment ceux de son voisinage proche. Une volonté politique affirmée visant à conforter la position du royaume en tant que puissance régionale géostratégique ouverte sur l'Europe et aussi, de plus en plus, sur son environnement africain immédiat avec lequel il peut partager son expérience en matière de réformes institutionnelles, d'approfondissement des processus de décentralisation et de régionalisation et de réponses endogènes aux questions de développement.
Il convient de rappeler que le Maroc a annulé la dette des pays africains les moins avancés et exonéré des droits de douane leurs produits sur son territoire. Une série de conventions de coopération technique, culturelle ainsi que plusieurs accords commerciaux ont permis d'intensifier les échanges et les investissements jusqu'à conférer au Maroc la position de second émetteur d'IDE africains sur le continent après l'Afrique du Sud, le premier investisseur dans les régions ouest (UEMOA) et centre (CEMAC). Les échanges commerciaux ont atteint un milliard de dollars.
Les stratégies déployées par les grands opérateurs tels que l'Office Chérifien des Phosphates, les banques Attijariwafa Bank, BMCE et BCP, la compagnie Royal Air Maroc, les groupes dans l'Immobilier, la Pharmacie, les Assurances, les TIC, pour ne citer que ces secteurs, en pleine croissance, attestent de la percée réelle et significative des entreprises marocaines sur les marchés africains.
Cette volonté expansionniste est à retrouver, quelque part, dans le cursus académique du guide chérifien dont le sujet de mémoire de fin d'études à la Faculté des Sciences juridiques et économiques de Rabat : "L'union arabo-africaine et la stratégie du royaume en matière de relations internationales". Le but avoué était d'amener les fleurons du pays à boxer dans le même ring que les multinationales, sur le marché marocain, comme à l'étranger. Et dans ce cadre, Mohamed VI dispose d'atouts majeurs comme une diplomatie économique avant- gardiste. Aujourd'hui, les fruits ont tenu la promesse des fleurs. Des conventions de coopération touchant les domaines technique et culturelle ainsi que plusieurs accords commerciaux ont permis d'intensifier les échanges et les investissements. Actuellement, Maroc est incontestablement le second émetteur d'Investissements Directs Etrangers (IDE) africains en Afrique après l'Afrique du Sud.
Pour bien affiner sa stratégie, le Maroc fait dans l'originalité en organisant, sur ses terres, des forums économiques et salons commerciaux qui voient défiler la plupart des décideurs politiques et hommes d'affaires du continent. C'est ainsiqu'ilfautcomprendrel'organisation du Forum Afrique Développement, sous l'égide de Attijariwafa Bank et de Maroc Export (le bras armé du Royaume pour la promotion des exportations) sur le thème, si évocateur : "Le temps d'investir en Afrique". Ce forum international, qui en est à sa 3ème édition, s'est imposé, avec le temps, comme un rendez-vous majeur avec plus de 1 200 participants, pour l'essentiel des décideurs politiques et économiques, issus de 17 pays du continent et réunis pendant 2 jours, à Casablanca. Au final, plus de 4 500 rendez-vous BtoB ont permis aux acteurs de terrain d'échanger sur les opportunités d'affaires.
Promouvoir un label "Made In Africa"
Grâce à la mise en place de partenariats public/privé bien élaborés entre les pays du continent, les Africains pourront eux-mêmes saisir les opportunités pour développer le continent. Lors du Forum Afrique Développement, la Directrice générale de Maroc Export va plus loin, en proposant la mise en place d'un label "made in Africa", qui serait la bannière des produits africains localement fabriqués, et ayant une forte valeur ajoutée. Elle assure que cette proposition fait partie des discussions au sein du réseau africain d'Organismes de promotion du commerce(OPC), lancé en décembre dernier et regroupant une dizaine de pays africains.
Aujourd'hui, avec un taux de croissance de 5% depuis 10 ans, l'Afrique est devenue très attractive. Or, selon des données récentes, les entreprises françaises ne fourniraient plus que 4,7% des importations de l'Afrique subsaharienne, contre 10,1% il y a dix ans. De nouvelles opérations de "triangulation" intelligentes sont aussi le fait d'entreprises mondiales et françaises, notamment, qui capitalisent sur les atouts du Maroc pour en faire une plate-forme et une base de production pour leur "entrée" sur le marché africain.
Lors du lancement de la Fondation Afrique- France pour la croissance, revenant sur les relations avec l'Afrique, le ministre marocain de l'Economie, Mohamed Boussaïd, a indiqué que le Maroc prône le développement de la coopération Sud-Sud et d'une approche de partenariat, rappelant que le discours royal d'Abidjan illustre l'engagement du Royaume en faveur de ce continent. "L'avenir, c'est l'Afrique", dira-t-il, invitant la France à saisir l'opportunité qu'offre la présence d'entreprises marocaines en Afrique dans plusieurs secteurs dont les télécoms, le secteur bancaire et les assurances. "Le Maroc, la France et l'Afrique peuvent faire de très belles choses ensemble", a assuré Boussaïd, mettant l'accent à cet égard sur le rôle que peut jouer la place financière de Casablanca (Casablanca Finance City) pour drainer les investissements vers le continent.
L'État marocain ne se contente pas d'insuffler des dynamiques, il effectue un suivi régulier de l'avancée de ses entrepreneurs sur le continent. L'État n'accorde pas d'avantages spécifiques aux entreprises désirant s'installer en Afrique, mais leurs dossiers sont généralement traités avec bienveillance. Pas de faveurs directes comme en Turquie, mais de la prévenance et de l'accompagnement. Jeune Afrique nous apprend que Mohammed VI a demandé à son Conseil des ministres de créer un Comité Afrique, chargé de suivre les projets engagés sur le continent.
Une sorte de comité de direction, présidé par le diplomate en chef du royaume, Salaheddine Mezouar, et qui compte les ministres impliqués ainsi qu'une dizaine d'hommes d'affaires marocains, déjà installés en Afrique ou qui s'apprêtent à le faire.
Parmi eux, Mohamed El Kettani (Attijariwafa Bank), Mostafa Terrab (OCP), Othman Benjelloun (FinanceCom), Mohamed Hassan Bensalah (Holmarcom), Saïd Alj (Sanam Holding), Abdeslam Ahizoune (Maroc Télécom), Saïd Ibrahimi (Casablanca Finance City Authority)… Le Comité procède à un suivi régulier des projets engagés, statue sur les blocages et fait le point sur ce qui a été réalisé le mois précédent. Un rapport est ensuite transmis au roi. Une attention que les champions lui rendent bien…
D'ailleurs, un an presque jour pour jour, après le périple royal en Afrique, l'année dernière, qui avait une forte dimension économique, le ministre marocain des Affaires étrangères, a repris son bâton de pèlerin. Il était parti faire le point dans les différents sur le bilan d'étape et l'état d'avancement des conventions signées.
D'autre part, la politique africaine du Maroc se base sur l'aide publique au développement, la coopération technique et universitaire puisque des milliers d'étudiants africains fréquentent les campus du royaume.
Aussi, devant l'afflux d'immigrants subsahariens estimés actuellement à des dizaines de milliers, le Maroc est en train de mettre en œuvre une nouvelle politique d'immigration en vue de la protection effective de leurs droits".