LE CINÉ MAN
PROFIL - Alain Gomis, réalisateur sénégalais lauréat du grand prix du FESPACO 2017
À 45 ans, il est la nouvelle étoile du cinéma africain et s'impose déjà comme l'un des héritiers des géants que furent Ousmane Sembène et Djibril Diop Mambéty. Coup de projecteurs sur Alain Gomis.
Avouons-le tout de suite, on n'a pas (encore) vu Félicité, le film qui vient de remporter l'Étalon d'or de Yennenga à la 25e édition du Fespaco. Mais on a vu le tout aussi beau Tey, également Yennenga d'or en 2013. On raconte à ce propos que Félicité tiendrait d'ailleurs un peu de Tey. Comme Satché qui s'apprête à mourir, Félicité a ressuscité à l'âge de deux ans.
Alain Gomis a ceci de particulier qu'il aime célébrer la mort. Son talent, néanmoins, n'est pas près de mourir. Au contraire. Il se répand comme une énergie qui irradie un cinéma africain moribond. Qui marche sur une jambe, comme dirait le cinéaste Daouda Coulibaly.
Grand, le cinéaste aux dreadlocks commence à prendre ses habitudes dans les grands rendez-vous du 7e art. Ours d'argent, il y a quelques semaines, à la Berlinale en Allemagne, il est la nouvelle star du Fespaco. À Ouaga comme à Dakar, on ne parle que de lui. La critique est dithyrambique. Alain Gomis est un garçon brillant, l'un des cinéastes africains les plus doués et captivant, entend-on.
Il a commencé sa carrière en réalisant des vidéos et des courts-métrages, dont Petite Lumière (2003), qui raconte l'histoire touchante d'une petite fille qui croit qu'il suffit de fermer ses yeux pour faire disparaître ses tracas. Son premier long-métrage, l'Afrance, présente l'itinéraire d'un jeune étudiant sénégalais parti faire ses études en France et confronté à des problèmes de titres de séjour. Lesquels le conduiront à séjourner dans un centre de rétention. Ce film obtient Léopard d'argent 2001 du meilleur film au festival de Locarno (Suisse). Sept ans plus tard, Andalucia dresse le portrait d'un homme qui vit dans une caravane et cherche un emploi.
Un cinéaste engagé
En 2013, Alain Gomis reçoit l'Étalon d'Or de Yennenga au Fespaco pour Tey (aujourd'hui). Le film retrace le dernier jour d'un homme sur terre, qui sait qu'il va mourir. 2017, Félicité, dresse le portrait d'une chanteuse de Kinshasa (RDC) qui se bat pour faire soigner son fils, victime d'un accident de moto. Suprême bonheur, il décroche à nouveau l'Étalon d'or à la 25e édition du plus grand Festival de cinéma panafricain. En une décennie, il s'impose comme la nouvelle passionaria du cinéma africain.
Né à Paris le 6 mars 1972, d'un père sénégalais et d'une mère française, le diplômé en histoire de l'art à la Sorbonne a grandi entre deux cultures. Il s'intéresse à l'actualité dans le pays de son pater. Dans Tey, il braque la caméra sur les violences électorales de 2012, dénonce le Sénégal de la lutte et du Youza (une danse à la mode à l'époque). Il comprend l'importance de donner les moyens aux jeunes pour se réaliser.
En 2013, il s'engage et participe depuis à "Up Courts-Métrages", qui forme les jeunes cinéastes à Dakar. Il y milite aussi pour la réouverture d'un centre culturel dans la capitale africaine. Ce 4 mars à Ouagadougou, il a d'ailleurs rappelé la nécessité pour les jeunes Africains de se battre, estimant que le cinéma est en danger. "On parle de moins en moins de culture et de plus en plus de commerce", a-t-il dénoncé. Alain Gomis ne le cache pas. Il est un cinéaste engagé. Son vœu : que le cinéma africain ne soit jamais à court.