«LE STATUT DU CADRE DES FONCTIONNAIRES DE LA CULTURE N’A PAS EVOLUE DEPUIS 1980»
Horizon Thierno Diagne Bâ, président de l’Adac est Titulaire d’un master en développement, spécialiste des industries culturelles de l’université Senghor à Alexandrie et détenteur aussi d’un master en management de projets et gestion axé sur les résultat
![](https://www.seneplus.com/sites/default/files/styles/section_hero/public/raw_photos/thierno_diagne_ba.jpg?itok=cnbqALd3)
Titulaire d’un master en développement, spécialiste des industries culturelles de l’université Senghor à Alexandrie et détenteur aussi d’un master en management de projets et gestion axé sur les résultats de l’université Alioune Diop de Bambey, Thierno Diagne Bâ est le président de l’Association des animateurs culturels et conseillers aux affaires culturelles (Adac). Dans cet entretien qu’il a accordé au journal Le Quotidien, il décline les axes prioritaires de l’Adac. M. Bâ, conseiller technique à la Direction des arts, lance un appel pressant à l’Etat du Sénégal dans sa volonté de développer les industries culturelles, pour que celui-ci veille au suivi et à l’évaluation des différents fonds ainsi que les projets financés. Il estime également qu’il est important de mettre en place des industries nationales, fortes, dynamiques et qui vont à l’assaut du monde.
Maintenant que vous êtes élu président de l’Association des animateurs et conseillers aux affaires culturelles (Adac), pouvez- vous nous décliner vos axes prioritaires d’intervention ?
L’Adac est une association créée en 1979, regroupant les corps des animateurs culturels et conseillers aux affaires ¬culturelles. Les corporations sont le fer de lance et ¬composent, pour l’essentiel, les cadres du ministère de la Culture et de la communication. Ces deux corps sont régis par les décrets n°61-059 du 8 février 1961 et n°80-717 du 14 juillet 1980, portant statut ¬particulier du cadre des fonctionnaires de la culture. Et depuis 1980, le statut du cadre des fonctionnaires de la culture n’a pas évolué. C’est pourquoi, dans notre plan stratégique, notre premier axe prioritaire est la révision du statut des corps des animateurs culturels et conseillers aux affaires culturelles. Nous pensons que le décret est caduque, le secteur de la culture a évolué et est complètement bousculé par le numérique, avec de nouveaux enjeux et métiers. De cette révision découle inéluctablement la création de nouveaux corps. Au ministère de la culture, il ¬n’existe que cinq corps, à savoir le corps des conseillers aux ¬affaires culturelles, celui des conservateurs de musée, le corps des animateurs culturels, celui des techniciens de musée et le corps des gardiens de musée.
Ils sont certes importants, mais ne sont plus suffisants face à l’évolution drastique du secteur. Les industries ¬culturelles et créatives, bouleversées par le numérique, la ¬dynamique du patrimoine et les politiques culturelles, sont obligées de s’adapter à la mondialisation de la culture.
Notre deuxième axe ¬stratégique concerne la visibilité et la lisibilité de l’Adac à travers l’organisation de ¬panels sur des thèmes qui s’articulent autour des industries culturelles et créatives, le patrimoine, le tourisme, la formation, la diplomatie culturelle, les politiques culturelles.
Il sera aussi mis en place la revue annuelle de l’Adac, afin d’apporter notre modeste contribution à la réflexion et de formuler des recommandations pour le développement du Sénégal. Et enfin, le troisième axe stratégique porte sur l’animation, afin de donner vie à notre association à travers des after-works et notamment une soirée annuelle de la diversité de l’Adac, à travers laquelle nous comptons rendre hommage à nos anciens qui ont tout donné à la culture, des personnes de l’ombre comme les secrétaires, les chauffeurs,…qui sont importantes dans la mise en oeuvre de la politique culturelle, mais aussi aux artistes et acteurs culturels qui participent activement au rayonnement culturel du Sénégal.
Depuis quelques années, les industries culturelles bénéficient d’un fonds de développement. Est-ce que ce fonds est satisfaisant ?
L’Etat du Sénégal a beaucoup fait pour la culture. Il est conscient que les industries culturelles et créatives sont parmi les secteurs les plus florissants au monde. Au Sénégal, il existe différents fonds pour le financement et la structuration de certaines filières. Nous pouvons donner l’exemple du Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Fopica), d’un milliard par an. Le président de la République, Macky Sall, a bien voulu l’amener à deux milliards par an. Ce que je trouve satisfaisant pour mettre en place une industrie cinématographique au Sénégal.
Il y a le Fonds de développement des cultures urbaines (Fdcu), qui est passé de trois cent millions à six cent millions entre 2017 et 2022 ; le Fonds d’aide à l’édition, qui donne beaucoup de satisfaction, comme le Fonds d’aide aux artistes.
Il faut saluer la dotation de ces fonds par l’Etat du Sénégal, dans sa volonté de développer les industries culturelles et d’accompagner les artistes.
Ce que nous recommandons, c’est de veiller au suivi et à ¬l’évaluation des différents fonds ainsi que les projets financés. Le secteur a besoin de statistiques et d’indicateurs fiables pour prouver son poids essentiel au développement ¬économique et social.
Pourquoi estimez-vous qu’il est nécessaire de réformer et moderniser les instruments de politique culturelle afin de les adapter de façon dynamique au numérique ?
Nous assistons à une nouvelle géopolitique de la culture, accentuée par la mondialisation et le numérique. Frédéric Martel n’a pas tort de souligner que «la guerre mondiale des contenus est déclarée. C’est une bataille qui se déroule à travers les médias pour le contrôle de l’information ; dans les télévisions, pour la domination des formats audiovisuels, des séries et talk-shows ; dans la culture, pour la conquête de nouveaux marchés à travers le cinéma, la musique et le livre ; enfin, c’est une bataille ¬internationale des échanges de ¬contenus sur internet.
Cette guerre pour le soft power met en ¬présence des forces très inégales». Et aucun Etat ne peut résister à ce tsunami des industries de contenus, le paysage culturel est dominé par les plateformes numériques (Google, Amazone, Facebook, Netflix, Deezer, Youtube, Hbo max, Disney +, Spotify…) et la diversité culturelle a un autre visage. Les politiques culturelles n’ont jamais été si interpellées car aujourd’hui, la mondialisation, la culture et le numérique opèrent ensemble.
A mon humble avis, les Etats africains doivent relever le défi d’une culture numérique globalisée dans les décennies à venir. Et cela passe, sans aucun doute, par adapter et renouveler les politiques culturelles à l’ère du numérique.
L’univers culturel est complètement bousculé et il appartient à chaque gouvernement de comprendre les enjeux et trouver les bonnes réponses.
La création artistique reste fragilisée. Que préconisez-vous pour améliorer la qualité de certains contenus ?
La création artistique n’est pas fragilisée. Les artistes sénégalais créent de bons produits et certains s’exportent. Par ailleurs, dans le contexte actuel, il est important de mettre en place des industries nationales, fortes, dynamiques et qui vont à l’assaut du monde. Pour y arriver, la base de toute industrie de qualité est la formation.
Il est heureux de savoir que le décret portant création de l’Ecole nationale des arts et métiers a été adopté. Cette école aura un rôle important à jouer dans la production artistique de qualité et devrait tenir en compte les nouveaux métiers. Il serait aussi important d’y mettre un département cinéma et audiovisuel.
Je rappelle toujours que le Sénégal n’a pas suffisamment investi sur la formation d’une industrie technique. Pour répondre à ta question, je dirais que la formation est aujourd’hui le socle d’une industrie de contenus de qualité.