FATOU N'DIAYE, L'ÉCLAIREUSE DE LA BEAUTÉ NOIRE
Originaire du Mali et du Nigeria, la Parisienne de 43 ans est l’une des premières blogueuses à avoir sublimé la beauté des femmes noires de France dès 2007
Son histoire rappelle la chanson de Nina Simone, To be young, gifted and black (« Etre jeune, doué et noir »). Un des hymnes qui a célébré le mouvement de la fierté noire aux Etats-Unis dans les années 1970. D’ailleurs c’est cette fierté-là qui résonne dans les phrases de Fatou N’Diaye.
La Parisienne de 43 ans, fille d’un père malien et d’une mère nigériane, est l’une des premières blogueuses qui a écrit sur la beauté des femmes noires en France, il y a près d’une quinzaine d’années. Aujourd’hui encore, son site « Black beauty bag » enregistre, selon elle, 200 000 pages vues chaque mois. Et avec plus de 150 000 abonnés sur Instagram, et 130 000 sur Facebook, cette « créatrice de contenus », comme elle préfère se définir, a su se faire un nom, respecté par la jeune génération d’influenceurs comme par l’ancienne. D’ailleurs, ses fans n’ont de cesse de la remercier pour avoir mis en avant la « beauté noire » et la liberté de s’affirmer telle quelle.
Mais il lui en a fallu de l’obstination pour parler de cette thématique hautement inflammable et résister aux critiques qui l’estampillaient de « militante », de « black panther », de « communautaire », ou encore d’« Angela Devis de la beauté ». Quand elle a commencé à écrire son journal intime sur Skyblog, le 7 juillet 2007, Fatou N’Diaye ne s’était pas rendu compte à quel point la « beauté noire » était dépréciée. A cette époque, ce n’était même pas un sujet : ces deux mots se conjuguaient à peine, raconte-t-elle aujourd’hui, fichu sur la tête, installée sur son canapé pour notre entretien vidéo. Etait-ce alors si étonnant d’entendre des « compliments » du genre « tu es belle pour une Noire » ? « Quand j’ai créé mon blog, c’était pour dire “Je suis noire, je m’aime, et j’ai envie de parler de la réalité d’être une femme noire dans une société qui n’est pas faite pour elle”, explique-t-elle. Ça va au-delà d’une histoire de rouge à lèvres. »
« Je n’apparaissais nulle part »
Elle le dit sans hésiter : elle aurait bien voulu avoir 20 ans aujourd’hui, se balader dans les couloirs d’un grand magasin de maquillage et trouver facilement toutes les nuances de fond de teint faites pour les peaux sombres, n’avoir que l’embarras du choix… Car comme elle le résume, « on est passé de rien du tout à beaucoup trop ».
Quand Fatou avait 20 ans et qu’elle avait besoin de conseil sur la façon de prendre soin de sa peau ou de ses cheveux, elle avait bien du mal à trouver des modèles. « Quand je regardais les magazines, je ne voyais personne me ressembler. J’avais l’impression que la femme noire n’existait pas dans l’espace public. On me disait que j’étais française mais je n’apparaissais nulle part », se souvient-elle. Et… « si les femmes noires n’étaient pas représentées, cela signifiait qu’on ne nous considérait pas comme des personnes qu’on avait envie de voir », assène-t-elle. D’où son envie de contribuer à les rendre visibles tout en rappelant « qu’être noire n’est pas une malédiction ». « Les gens avaient besoin d’entendre ça », se souvient-elle.
Car, au-delà de partager ses astuces et conseils beauté, le travail de Fatou a été de déconstruire tout un discours que « même les Noirs » avaient « intériorisé ». « Beaucoup ont la haine de soi », regrette-t-elle et, pour preuve, elle rappelle que le premier acte de beauté au sein de la diaspora africaine est de se défriser les cheveux. « Etre belle, c’est forcément avoir les cheveux lisses et non crépus parce qu’on les considère comme moche », déplore-t-elle.