UN FMI EN PERTE DE SÉRÉNITÉ
La révélation d’une dette non déclarée de plus de 4000 milliards de francs CFA, place l’État sénégalais face à une crise de transparence et de gouvernance, et met aussi en lumière un trouble perceptible au sein du FMI dont la sérénité semble vaciller

La situation des finances publiques sénégalaises sur la période 2019–2024 continue de susciter de vives inquiétudes. La révélation d’une dette non déclarée, estimée à plus de 4000 milliards de francs CFA, place non seulement l’État sénégalais face à une crise de transparence et de gouvernance, mais met également en lumière un trouble perceptible au sein du Fonds monétaire international (FMI), dont la sérénité semble vaciller.
Institution censée incarner la rigueur budgétaire et le respect des principes de bonne gouvernance économique, le FMI se retrouve aujourd’hui dans une posture ambivalente. En dépit des nombreuses missions dépêchées à Dakar, les contours de cette dette dissimulée n’ont toujours pas été clairement définis. Ce flou alimente une impression de flottement dans la communication du Fonds, lequel peine à affirmer avec autorité son rôle d’arbitre et de partenaire vigilant.
L’appel réitéré du FMI à l’endroit du gouvernement sénégalais, l’enjoignant de fournir des « clarifications », reste certes fondé, mais souffre d’un déficit de fermeté. En l’absence d’un discours clair et d’un mécanisme de contrôle plus rigoureux, cette injonction perd de sa portée. Que penser d’une institution qui suspend l’ouverture de discussions à l’élucidation d’une crise dont elle n’ose pas confirmer les faits ? Cette prudence, qui frôle parfois la réserve diplomatique, contribue-t-elle pas à fragiliser l’image du FMI ?
Ce malaise est d’autant plus patent que, dans un premier temps, le FMI avait clairement indiqué attendre les conclusions de la Cour des comptes censées confirmer ou infirmer les constats de l’Inspection générale des finances (IGF) avant toute prise de position. À la suite de ce rapport, une mission a bien été envoyée à Dakar pour en prendre connaissance. Les représentants du Fonds avaient alors déclaré que le document serait examiné en marge des Assemblées de printemps, prévues du 21 au 26 avril, en vue d’un nouveau cadre de collaboration. Pourtant, alors que cet examen n’a pas encore eu lieu, le FMI multiplie les déclarations publiques, comme celle, toute récente, de M. Abebe Aemro Selassie, sans qu’aucun élément décisif ne soit véritablement apporté au débat.
Dès lors, l’on est en droit de s’interroger sur la logique de cette sur-communication, qui finit par créer une cacophonie diplomatique. Tantôt, le FMI dit saluer les efforts de transparence des nouvelles autorités sénégalaises ; tantôt, il semble s’arc-bouter sur une exigence de clarification, sans prise de position claire. Ce double discours alimente la confusion, alors qu’un cap lucide et cohérent serait plus que jamais nécessaire.
En définitive, cette affaire met au jour les failles de la gouvernance financière interne, tout autant qu’elle révèle les limites structurelles de la supervision multilatérale. Si le FMI souhaite restaurer son aura et préserver la confiance de ses partenaires notamment celle des peuples concernés, il devra impérativement adopter une posture plus lisible, plus exigeante et fondée sur des mécanismes de reddition de comptes renouvelés, une transparence renforcée et une réforme sincère de ses outils de suivi. Pour s’en convaincre, des chefs d’Etat intervenus sur la tribune de la 78ème Assemblée générale des Nations-Unies avaient clairement plaidé pour la réforme des institutions internationales aux fins de prendre en charge les aspirations des nations.