LA MENUISERIE, UN METIER AU FOND DU TROU
Le secteur de la menuiserie est en voie de disparition dans la région de Ziguinchor.
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Le secteur de la menuiserie est en voie de disparition dans la région de Ziguinchor. Les années fastes sont loin derrière les pratiquants. beaucoup d’ateliers sont à l’arrêt. Les menuisiers qui résistent encore triment pour confectionner des meubles, à cause de la rareté de la matière première, due en grande partie à l’interdiction de la coupe de bois en Casamance. Les acteurs qui sont au bord du gouffre lancent un SOS
Khadim Guèye est menuisier ébéniste de profession. Aujourd’hui, il a troqué sa scie, sa raboteuse et ses autres outils de travail contre une moto tricycle. « Quand je croise des gens qui m’ont connu dans la menuiserie, ils expriment leur étonnement de me voir conduire un tricycle. Mais je ne pouvais faire autrement, compte tenu de la situation que nous vivons depuis des années maintenant. Pour avoir cette moto, j’ai d’abord commencé par en louer une journalièrement. Et c’est avec les bénéfices que j’ai pu me procurer un tricycle », relate-t-il.
Ce changement de cap est dû aux difficultés que rencontre le secteur de la menuiserie dans la région de Ziguinchor. « Il n’y a plus de bois ici. On ne parvient plus à honorer nos engagements avec les clients. Certains même ont fini au tribunal à cause de ça. Je n’avais plus d’argent pour payer le loyer de l’atelier. Et quand on est père de famille, on ne peut pas rester sans donner la dépense quotidienne », déclare M. Guèye qui signale avoir mis la clé sous le paillasson. Il signale avoir perdu tous ses employés, qui se sont convertis en conducteurs de motos Jakarta. « Avant la fermeture de l’atelier, j'étais tout seul. Je ne pouvais pas raboter, scier et monter les meubles en même temps », signale Khadim Guèye.
Ces problèmes qui plombent le secteur de la menuiserie dans la région de Ziguinchor découlent de l’interdiction de la coupe du bois en Casamance, décrétée par le Président Macky Sall quelques années après son accession au pouvoir. La mesure a d’ailleurs été corsée au lendemain du massacre de Boffa Bayotte survenu en janvier 2018, qui avait coûté la vie à 14 exploitants forestiers dans la forêt du Bayotte-est, selon Sadibou Bodian, président de l’Union régionale des menuisiers de Ziguinchor. Ce dernier n’a pas encore plié bagages, mais reconnaît les difficultés. «Je souffre énormément, parce que le bois est presque introuvable dans la région et si on en trouve, le prix est hors de portée. Pire encore, on est obligé de nous cacher pour travailler comme si on était des trafiquants de drogue », déplore M. Bodian.
Ce dernier dit ne se contenter que de bricolages depuis un bon moment. Il renseigne avoir perdu tous ses employés parce que n’ayant pas les moyens de les payer. « Quand tu as une commande pour un lit, entre la recherche de bois et la confection du meuble, tu peux faire un mois et demi. Et après livraison, tu te retrouves avec un petit bénéfice de 30 000 francs CFA. Avec ça, tu ne peux retenir personne », déclare le président de l’union régionale des menuisiers de Ziguinchor, qui tient depuis plus de 30 ans son atelier.
A la Chambre des métiers de Ziguinchor, on liste les abandons par dizaines, à cause des difficultés des acteurs à trouver du bois pour faire convenablement leur travail. « Le produit n’est plus disponible depuis l'événement de Boffa Bayotte. D’autres menuisiers ont dû déménager pour aller s’installer à Sédhiou ou à Kolda », informe Fabacary Sané, président de la chambre des métiers de Ziguinchor.
Selon lui, beaucoup d’acteurs qui gagnaient bien leur vie dans le secteur sont aujourd’hui dans la débrouillardise et ils sont écartelés entre le chômage et les charges familiales. M. Sané prévient que si des dispositions ne sont pas prises pour permettre aux menuisiers de travailler convenablement, le métier risque de disparaître sous peu dans la région de Ziguinchor. C’est pourquoi il invite l'Etat à revoir l’interdiction totale de la coupe de bois en Casamance et à revenir sur le système de quota.