BABACAR DIALLO SE JETTE A L’EAU
Depuis quelques semaines, l’usine de farine et d’huile de poisson Barna Sénégal, rebaptisée Touba protéine marine, est au cœur d’une nouvelle bataille judiciaire après la plainte du collectif «Taxawou Cayar»
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Depuis quelques semaines, l’usine de farine et d’huile de poisson Barna Sénégal, rebaptisée Touba protéine marine, est au cœur d’une nouvelle bataille judiciaire après la plainte du collectif «Taxawou Cayar». En attendant le délibéré prévu le 3 nombre prochain, Boubacar Diallo, président de Touba protéine marine, balaie ces accusations et livre sa version des faits.
M. Diallo, pourquoi les usines de farine de poisson sont mal vues ?
Il y a surtout des Ong qui s’attaquent aux usines de farine de poisson pour préserver leur influence. Elles sont financées pour combattre ces usines, en disant qu’elles épuisent les petits pélagiques et que les Sénégalais n’auront plus de poissons à consommer. Après, il y a des jeunes qui sont aussi manipulés pour porter ce combat. Or en regardant la télévision, tu découvres des jeunes, avec des pancartes, des banderoles, et un avocat dire que l’usine pollue et qu’ils ne dorment pas la nuit. Ce sont des contre-vérités. Je vis ici du lundi au vendredi. Actuellement, l’usine est en production et vous n’entendez et ne sentez rien. Alors que la loi parle de 500 m, les premières habitations étaient à 2 km quand on débutait la construction de l’usine. C’était en 2017. Cinq ans plus tard, il n’y a pas de maisons aux alentours. Il n’y a que des dunes et des filaos tout autour. Cayar se trouve à au moins 4 km d’ici. Or, ces jeunes disent : «Oui à Cayar, on ne dort pas, on ne respire pas bien.» Ce sont des mensonges.
J’ai acheté des machines de dernière génération. Pour éviter cette situation, j’ai acheté le terrain qui polarise l’usine. Je fais de l’agriculture et utilise l’engrais organique. J’ai les meilleures patates et arachides de la zone. J’en fais cadeau aux populations.
Comment faites-vous pour éviter que les odeurs se répandent ?
Nous avons une machine de traitement des odeurs, qui asphyxie toutes les odeurs de poisson qui se trouvent dans les machines à hauteur de 40 mille m3 d’air. Elle asphyxie et traite toutes les odeurs. Ils accusent Barna d’épuiser le poisson. Or, cela fait six mois qu’il n’y en a pas. Où je trouve le poisson ? J’utilise des déchets, des filets de poisson qui nous viennent du Port. Après avoir enlevé les chairs de poisson, les sociétés d’exportation devaient jeter les résidus. Ce sont ces déchets que nous recyclons pour en faire de la farine et de l’huile de poisson.
Par ailleurs, ils parlent aussi de la pollution du lac de Mbawane alors que le lac se trouve à Keur Abdou Ndoye. Ils parlent de Mbawane parce qu’il y a deux activistes qui viennent de ce village. Ils n’osent pas mêler les populations de Keur Abdou Ndoye à leurs histoires. Sinon elles allaient dire que ce n’est pas vrai. Nous déversons nos eaux dans une décharge communale où sont rejetées les eaux des fosses septiques par des camions de vidange. Je dis que nous avons l’une des meilleures usines en Afrique de l’Ouest. Nous avons une machine qui traite aussi les eaux usées. Au lieu de rejeter l’eau brute du poisson qui stagne, nous la traitons pour en faire de l’engrais organique. Parce que la machine extrait tous les résidus et il ne reste que de l’eau clarifiée. Et cette eau a été analysée par Lanas (Laboratoire national d’analyses). Selon ses résultats, elle est conforme aux normes. Alors qu’on pouvait déverser au niveau de cette zone tampon, n’importe qu’elle eau. On a décidé de la traiter avant de la déverser sur le site.
Pourtant, ils soutiennent que cette eau est infectée ?
Faites la remarque, depuis que ces accusations sortent, aucun service technique n’a fait une descente au sein de l’usine. On parlerait d’une situation d’urgence parce que cela impacterait la santé des populations. Ce sont des jeunes manipulés par des Ong qui disent qu’«on ne dort pas bien, on ne mange pas bien, on est malades». Nous sommes dans un pays sérieux, une situation pareille ne peut pas perdurer. Ils ne sont pas plus de 50 jeunes alors qu’il y a 20 mille habitants dans la commune de Cayar.
Alors que nous qui vivons dans l’enceinte de l’usine, nous ne sommes pas malades, les travailleurs qui sont là ne sont pas malades. Ils disent que cela impacte l’eau de la commune alors que le forage se situe à 5 kilomètres de la décharge communale, il a une profondeur de 300 m. Ils disent que c’est seulement l’eau de poisson de Barma qui doit faire autant de distance pour aller souiller la nappe du forage.
Ont-ils présenté des analyses de laboratoire ?
Ils ont donné des résultats en disant qu’ils ont fait des analyses qui ont montré qu’il y a beaucoup de plomb dans l’eau. Mon avocat a demandé au leur où a-t-il prélevé ces échantillons… ? Est-ce au niveau de la décharge communale ? C’est de l’eau mélangée avec celle des fosses septiques… Au procès, il a changé de version, il dit que j’ai acquis mon agrément frauduleusement, mais c’est insulter l’institution. On va attendre le délibéré le 3 novembre s’il plaît à Dieu.
Comme les bateaux de pêche, il y a cette impression que les usines de farine pillent aussi les ressources halieutiques ?
Il faut que les gens trouvent des boucs émissaires. Mais, les usines de farine ne peuvent pas concurrencer le marché local. A la limite, ce sont des nettoyeurs de plages. Sans elles, où les bateaux allaient jeter ces déchets ? Dans la mer ou dans la nature ? Ce sont les milliers de tonnes qu’ils déversent que nous récupérons pour en faire de l’huile et de la farine de poisson. Et la farine de poisson, c’est pour nourrir le poisson. Et nos minoteries achètent aussi de la farine de poisson pour le bétail, la volaille. Le Sénégal doit développer son aquaculture. Sans elle, on ne peut pas le faire. Il faut demander aux apiculteurs, ils ne s’en sortent pas parce que l’aliment des poissons vient d’Europe. Et cela coûte excessivement cher.
Avez-vous toutes les autorisations, notamment l’étude d’impact environnemental ?
Nous ne sommes pas sortis de nulle part pour installer une usine. Je remercie Dieu après avoir mis autant de temps pour installer l’usine. Ce sont deux ans de bataille pour entériner toutes les procédures légales. Le terrain dont il parle a été validé le 17 décembre 2017 par le ministère de l’Environnement à travers la Deec. J’ai effectué l’étude d’impact environnemental par un cabinet agréé par le ministère de l’Environnement. Nous avons fait un comité technique à Thiès, le 12 février 2018, en présence de tous les techniciens, supervisé par le Préfet de Thiès. Il y a eu un mois (le 14mars 2018) après, comme le prévoit la loi, l’audience publique organisée par la mairie de Cayar et le ministère de l’Environnement, sous la supervision du sous-préfet de Keur Mousseu. Nous avons passé toutes les procédures. Si le projet n’était pas approuvé, nous n’allions pas construire l’usine. Nous avons organisé une réunion au niveau du Service départemental de Thiès. On fait les réunions dans les services étatiques. Seules trois personnes ont levé la main pour dire qu’elles sont contre le projet.
Ce n’est pas la première fois qu’on porte plainte contre l’usine ?
Greenpeace avait porté plainte contre nous au niveau du Tribunal de Thiès à travers un certain Mamadou Diop Thioune, en soutenant que Barna n’a respecté aucune procédure d’enquête publique, notamment l’étude d’impact environnemental. Comment alors avons-nous fait pour avoir les certificats de conformité environnementale ? C’était le 23 avril 2021. Il a été débouté.
Maintenant, il y a une nouvelle plainte (Collectif des jeunes). C’est de la politique politicienne. Qu’est-ce que ça change si le Tribunal a déjà donné sa décision ? Elle ne va pas changer son verdict parce que 20 personnes font du bruit. C’est juste du théâtre. Ils sont instrumentalisés dans un combat qu’ils ne maîtrisent même pas.
Cela ne les intéresse même pas, l’essentiel pour eux est de sortir à la télé… Présentement, il n’y a pas de travail. Au mois de juillet, un maire m’a appelé pour me dire : «Diallo, on doit aller au combat, dans cinq jours, les choses commencent pour toi…»
Aujourd’hui, quelles sont vos relations avec la communauté ?
J’ai d’excellentes relations avec la communauté et je fais beaucoup de Rse. Nous avons accordé des financements à 500 femmes à hauteur de 100 millions de francs Cfa, sans caution ni garantie, construit 4 cabines d’hospitalisation au Centre de santé de Cayar. Nous avons le soutien des populations. Quand ils sont au Tribunal, nous nous réunissons au niveau de l’usine. On envoie aussi des messages parce que ce sont des centaines de personnes qui se retrouvent au sein de l’usine pour discuter. Lors du procès, le 22 septembre dernier, leur avocat avait dit : «Vous êtes juste 22 à venir alors que lui se regroupe avec tout le monde dans l’enceinte de l’usine.» Il faut que les Ong fassent de l’activisme pour obtenir des financements de 2023. On est en fin d’année. Ces agitateurs ont été activés pour porter plainte. C’est toujours à la même période qu’ils se manifestent. Ils ne vont plus à la mer. Il faut attendre le mois de novembre pour faire le constat parce qu’ils seraient tous repartis en mer. Notre matière première, ce sont les déchets de poisson. Partout dans le monde, il existe des usines de farine de poisson. Je ne peux pas être perturbé par les agitations de 20 jeunes au milieu d’un endroit peuplé de 20 mille personnes. Je suis très zen, il ne se passe rien. Cela fait trois ans que cela dure, je les reçois parfois, ils me sollicitent même. Nous n’avons rien à cacher. Tous nos agréments ont été renouvelés.
Quel est votre niveau de production ?
Aujourd’hui, le niveau de production est faible compte tenu de la période. Nous ne sommes pas au maximum de nos capacités. Même les petits éleveurs de poissons et de poussins ont du mal aujourd’hui parce que la farine de poisson est la matière première. Ils viennent parler de procès au Sénégal, mais dans le procès, ils ne parlent… La réalité que décrit Greenpeace ne se trouve pas au Sénégal. En Mauritanie, il y en a 35, mais ils n’osent pas en parler alors que toutes les usines ont des licences de pêche. La situation dont ils parlent n’existe pas au Sénégal…
Aujourd’hui, que pouvez-vous faire pour changer la donne ?
On ne change pas la donne, rien ne change, depuis qu’ils parlent, rien ne change. On continue, jusqu’ici, aucun service étatique n’est venu ici pour m’interroger ou me suggérer par exemple de revoir la cheminée. Je ne change rien parce que tout est en ordre. Vu la situation que je suis en train de vivre, les autres sont en train de se moderniser, de changer un peu.
Je vais vous dire un secret … Avant de poursuivre leur combat de l’année dernière et les années passées, cette année, vous verrez des vieux avec des barbes blanches et quelques femmes à côté. Et vous verrez que toutes les années passées, il n’y en avait pas, parce qu’il y a eu des cambrioleurs qui sont entrés dans l’usine et ont pris une clé Usb, 220 mille sur deux agents. Ils ont cambriolé une autre usine et blessé un gardien. Chez moi, il y a plus de 20 caméras de surveillance. Quand les gendarmes sont venus, ils ont visionné les caméras, puis ont arrêté à la fin de leur enquête, six d’entre eux. Il y en a même un qu’on a pris, qui ne fait pas partie de la zone. Ils sont en détention depuis janvier pour vol à main armée commis la nuit. C’est un crime. Après ces arrestations, les gosses sont allés dire que je suis à l’origine de leur arrestation. Maintenant ces familles se mobilisent pour dire que l’usine sent mauvais.
Vous êtes une cible pour ces gens-là ?
Mais, ce n’est pas beaucoup parce que cette commune compte plus de 20 mille habitants. Ce ne sont pas le maire, l’imam, les notables, le Jaraaf, les ministres… Et l’Etat du Sénégal sait que je suis dans mes droits. Mais dans la vie, il faut qu’on ait des ennemis quand même. En tant que musulman, je crois que cela fait partie de la vie. Mais l’essentiel pour moi, c’est d’être dans la droiture, respecter les normes. Avec tout ce bruit, si je ne respectais pas les normes, je n’allais pas exister. Ils parlaient depuis 2018. Ils parlaient bien avant, bien avant la licence, bien avant que la construction de l’usine ne soit terminée. Après, il y a eu l’inspection faite par les services techniques, qui ont approuvé et assuré qu’il s’agissait d’un modèle de dernière génération, un modèle européen. L’investissement d’une usine de fabrication de farine de poisson, c’est un business-plan de 2 milliards. Moi, j’avais prévu un investissement au départ de 7 milliards. Actuellement, il me revient presque à 10 milliards F Cfa.
Pour l’Etat, il faut des motifs clairs pour fermer une usine. Mais, vous n’êtes pas inquiet malgré tout cela ?
Non ! Cela date de quand ? Regardez, on travaille. Ils parlent de Tribunal, pendant ce temps, la production continue. On ne peut pas fermer une usine sur un coup de tête. Nous avons créé 60 emplois directs, il y a des services dans cette usine, il y a plus de 300 emplois indirects. Ils ont un bon salaire, ils ont la couverture maladie pour eux et leur famille, ils sont déclarés à l’Ipres et ont leurs cartes de sécurité sociale et paient leurs impôts à l’Etat. Sur le plan social, ils sont stables depuis deux ans et commencent à construire leurs propres maisons. On peut même parler de jalousie.
Qu’est-ce qu’il faut faire pour davantage moderniser ce secteur-là ?
Il faut investir et il faut essayer de moderniser. Les usines de farine existent en Europe et partout dans le monde.
Par ailleurs, votre production est destinée à l’exportation en Europe ?
Oui, on exporte en Europe aussi… Nous avons des clients au Sénégal, en Europe et partout dans le monde. Présentement, j’ai envoyé la production en Europe.