SEULEMENT 350 ADMIS AU CONCOURS DIRECT D'ÉLEVES-MAITRES (CREM) 2021, CONTRE 5000 «REPÊCHÉS» L'ANNÉE DERNIÈRE
Les leaders syndicaux de l'élémentaire s'indignent et comptent engager la lutte pour, disent-ils, protéger le système éducatif national.

Sur les quelque 30 000 candidats au concours de recrutement d’élèves-maitres (CREM) 2021, seuls 275 enseignants «option français» et 75 arabisants ont été recrutés dans la Fonction publique. Soit 350 concurrents admis par voie de concours contre 5000 enseignants recrutés sur demande l’année dernière. Les leaders syndicaux d’enseignants de l’élémentaire à l’instar des secrétaires généraux du Sels (Syndicat des enseignants libres du Sénégal) / Authentique, Abdou Faty, du Sels, Hamidou Diédhiou, et Mouhamou Moustapha Ségnane du SNELAS (Syndicat national des enseignants en langue arabe) FC, se disent à la fois surpris et déçus de ces résultats. Aussi, ils comptent engager la lutte pour un enseignement de qualité au Sénégal.
Pour la première fois, depuis 2015, les résultats du concours de recrutement d’élèves-maitres (Crem) ont fait réagir presque tous les acteurs de l’élémentaire qui jugent « catastrophique » le très faible quota de cette année. Sur 34 103 candidats sélectionnés, seuls 350 ont réussi à l’examen. Soit un taux de réussite d’environ 1 % aussi bien pour le français que pour l’arabe. Ces futurs enseignants sont au total 275 élèves-maitres français et 75 arabisants qui viennent s’ajouter aux 5000 enseignants recrutés l’année dernière sur demande du ministère de l’Education nationale. Interpelés sur le sujet, les enseignants en rigolent même pour dire que la tutelle a certes permis à 350 Sénégalais d’embrasser le métier d’enseignants par la voie légale. Cela dit, ils dénoncent le fait qu’en parallèle, les autorités aient fait aussi dans le «clientélisme politique» en repêchant 5000 autres.
Saloum Sonko dit ne toujours pas comprendre qu’»avec tout ce déficit criard d’enseignants à l’école, on prenne à la volée 5000 enseignants et seulement 350 par voie de concours». Une manière, pour lui et ses collègues, de fustiger ce qu’ils qualifient de promotion de la médiocrité à l’école. Ce qui ne saurait prospérer, selon le secrétaire général du Sels Authentique, Abdou Faty. «Ce quota ne présage rien de bon. C’est du n’importe quoi ! Le Sénégal a des impératifs de recruter des élèves-maitres parce que le déficit est criard. L’année dernière, les autorités ont fait des efforts en recrutant 5000 enseignants. Au lieu de s’inscrire dans cette dynamique pour de bons résultats à l’école, ils essayent de nous conduire à travers un recrutement «yaama nekh». Ils veulent fouler au pied les règles du recrutement pour prendre la voie des enrôlements farfelus. Nous ne pouvons pas tirer toutes les conséquences de cet état de fait parce que nous n’en connaissons pas encore les soubassements. Mais une chose est sûre.
Le profil d’entrée de l’enseignement est important. Des ministres comme Serigne Mbaye Thiam se sont battus pour un profil d’entrée sélectif, si les services de Mamadou Talla veulent maintenant se mettre dans une autre dynamique d’entrée, ce serait tout simplement catastrophique. Ce que nous n’accepterons pas. Nous appelons d’ailleurs tous les parents d’élèves à faire face. Nous comptons même organiser une marche pour qu’on ne tue pas l’école sénégalaise», nous confie cet enseignant. Le secrétaire général du Sels, Hamidou Diédhiou, s’inscrit lui aussi dans la même dynamique et entend même interpeler ses camarades du G7 (Groupe des sept syndicats les plus représentatifs du secteur de l’éducation) pour, dit-il, résister afin de protéger le système. Ne mâchant pas ses mots, il estime que l’intrant le plus important, c’est-à-dire l’enseignant, doit être recruté sur la base de la qualité. C’est pourquoi, et revenant sur la faiblesse du quota relatif au recrutement des élèves-maitres, il affiche d’emblée un sentiment de déception. «Je suis déçu d’autant que le recrutement ne se fait pas sur la base de sentiment ou d’humeur mais selon un besoin exprimé et connu. Le besoin est estimé à plus de 35 000 enseignants. Partout, dans toutes les académies, les enseignants comme les autorités académiques reconnaissent le déficit. Ce même si l’Etat n’avait pas reconnu ce déficit avant. Mais maintenant, ils ont la bonne information et le reconnaissent avec le recrutement de 5000 enseignants l’année dernière. Aujourd’hui, ils reviennent pour ne prendre que 350 dont 75 dans l’arabe pour ensuite faire un autre recrutement spécial sous des allures politiciennes. Ça pose problème. J’ai des craintes parce que le ministère n’a pas communiqué sur le nombre. En tant que syndicat, nous n’avons pas été associés et nous ne connaissons pas les soubassements de cette diminution du nombre des admis. Au moins 2500 enseignants étaient attendus. C’est le minimum. Si on théorise, c’est parce qu’on veut mettre en avant un clientélisme politique et fouler au pied la qualité. Or le recrutement, basé sur les diplômes et le niveau, c’est ce qui va positivement impacter sur la qualité de l’enseignement. Nous n’allons pas rester les bras croisés. Nous, du Sels, allons le partager avec nos camarades du G7. Il faudra résister. Ce système, nous devons le protéger».
Aliou Sadia Sall de la plateforme «Forum des Enseignants et Enseignantes du Sénégal» emboite le pas à Hamidou Diédhiou pour dire que le mode de recrutement pose problème, et qu’il sera difficile pour les jeunes Sénégalais d’avoir un emploi par voie de concours. «Des concours sont organisés pour donner des chances au maximum de Sénégalais. Mais voilà qu’en parallèle, le ministre emprunte d’autres voies alors que le recrutement normal, ça donne le droit à toutes les personnes de se présenter. Le concours, c’est la voie normale pour accéder à la fonction enseignante. Mais aujourd’hui, on recrute des gens sur demande. Et la majeure partie de ces nouvelles recrues sur demande n’aura pas le niveau. Pour ces 350 dont 75 arabisants, c’est un nombre insignifiant par rapport aux candidats et au déficit d’enseignants à l’école», a-t-il fustigé. Par rapport au quota d’enseignants, option arabe, le secrétaire général du Snelas Fc, Mouhamadou Moustapha Ségnane, affiche également un sentiment de déception. «D’après ses dires, le ministère aurait justifié la baisse du nombre par le recrutement de 5000 enseignants fait l’année dernière. C’est la justification du ministère. Mais comparativement à la situation sur le terrain, le nombre ne devrait pas connaitre une baisse. Au contraire, il devait augmenter d’autant que les classes multigrades et les doubles flux sont toujours là encore qu’on a déjà affecté tous les 5000 enseignants recrutés l’année dernière. En tout cas, pour ce qui est des enseignants d’arabe, si on avait besoin de 100 enseignants, on en a pris que 20 nouveaux. Or, chaque école de six classes doit avoir un enseignant arabe. Et chaque école de 12 classes, deux enseignants pour 24 heures de cours dans la semaine voire 30 heures si on y ajoute les cellules pédagogiques...».