ITINÉRAIRE D'UNE PASSIONARA
Dans «Mon combat pour le Sénégal : De l’université au cœur des politiques publiques» qu'elle vient de publier, Ndioro Ndiaye raconte son parcours de femme et de décideur. Avec en toile de fond, les luttes pour l’émancipation de la femme sénégalaise
Dans l’ouvrage préfacé par le Professeur Abdoulaye Elimane Kane qu’elle vient de publier chez L’Harmattan Sénégal et intitulé : «Mon combat pour le Sénégal : De l’université au cœur des politiques publiques» (316 p.), Mme Ndioro Ndiaye, l’ancienne Ministre sous le magistère du Président socialiste, Abdou Diouf, raconte son parcours de femme et de décideur. Avec en toile de fond, les grandes luttes pour l’émancipation de la femme sénégalaise, africaine et du monde.
Il y a à la fois quelque chose de charmant et de rassurant chez Ndioro Ndiaye. Au fil des années, cette femme aux convictions fortes, a su cultiver progressivement une image de «tata nationale», mêlant engagement et bienveillance. Fruit d’un long combat pour l’émancipation de la femme, de l’enfant… de la famille tout court. C’est ce parcours riche et brillant que Ndioro Ndiaye raconte dans son ouvrage autobiographique qui vient de paraître chez L’Harmattan Sénégal sous le titre : «Mon combat pour le Sénégal» (316 pages). Elle y retrace ses origines, sa vie de femme et de militante, mais aussi et surtout, comme l’indique le sous-titre – «De l’université au cœur des politiques publiques» – son expérience exaltante de Ministre du Développement social puis Ministre de la Femme, de l’Enfant et de la Famille sous le gouvernement socialiste (1987-1995). À y réfléchir, le destin de cette femme issue d’une grande famille politique – son père est l’un des premiers compagnons de Léopold Sédar Senghor et l’architecte de l’implantation du Parti socialiste à Rufisque – était tout tracé. En dépit du fait qu’elle n’avait pas fait preuve d’engagement militant jusqu’à sa nomination dans le gouvernement, elle a donc piqué très tôt le virus de la politique. Et comme le lui dira le Président Abdou Diouf, lorsqu’il l’a reçue en consultation pour lui signifier sa décision de lui confier le ministère du Développement social, l’État la suivait. Toutefois, elle aurait préféré le département de la Santé, son domaine – elle est la première Sénégalaise agrégée d’odontologie.
Un épisode illustre parfaitement l’engagement de Ndioro ; ce qu’elle appelle «le miracle de Podor». Alors que l’avion qui l’amenait à cette ville du Nord du Sénégal avait fait un crash, le Premier ministre Habib Thiam envoie un autre appareil pour venir la récupérer à Saint-Louis. Mais Ndioro avait préféré prendre la route. Instinct de femme ? Probablement, parce que l’appareil qui était venu la récupérer tombera en mer, emportant son équipage et deux enseignants de l’Ugb. Mais son vrai baptême de feu fut la gestion de la crise mauritanienne. Elle avait notamment en charge le dossier des rapatriés. Elle raconte comment l’appui du Khalife général de Tivaouane, Abdoul Aziz Sy Dabakh, lui a été précieux. Une première expérience de gestion des frontières qui lui sera très utile plus tard lorsqu’elle sera nommée Directrice générale adjointe de l’Organisation internationale des migrations (Oim), de 1999 à 2009.
Dans la lignée de femmes puissantes
C’est au sein du Groupe d’études et de recherche (Ger), le laboratoire d’idées du Ps, que Ndioro a fait ses débuts en politique. Cette ligne directrice d’une action fondée sur la réflexion la guidera tout au long de son mandat ministériel. Avec un code de conduite tiré de son éducation et des valeurs traditionnelles : « mandute », « njubte », « ànd ag sago », « yërmande », « xel ak xalat », « am-jom », « am-fayda ». La finalité, écrit-elle, était d’engager un processus de transformation décisive des rapports entre l’homme et la femme en vue d’aboutir à une meilleure acceptation de leurs rôles respectifs. Mais loin de renier en bloc la tradition, il s’agit «d’accommoder ce que la tradition m’offrait avec ce que je savais et appréciais de l’Occident». Ndioro Ndiaye tire un bilan satisfaisant de son passage au gouvernement dans la mesure où elle réussi à transformer ce ministère (du Développement social, puis de la Femme, de l’Enfant et de la Famille) pour en faire plus qu’un département de distribution de moulins à mil et de création de puits. «Nous avons mis vingt-cinq ans pour que la femme devienne centrale dans tous nos projets», se réjouit-elle. Cependant, elle a une pointe de regret : «le soutien de mon gouvernement m’a fait défaut à la fin de ma mission» (p. 177). Mais l’essentiel avait été fait dans la mesure où les graines, déjà semées pour la plupart, ont germé et tenu la promesse des fleurs.
Dans la dernière partie de l’ouvrage, l’auteure retrace le parcours de grandes figures féminines qui ont marqué la vie politique sénégalaise. Elles ont pour noms : Caroline Faye Diop, Mantoulaye Guène, Maïmouna Kane ou encore Fatoumata Ka qui a été son mentor au Ps. Écrire l’histoire de ces «passionarias» était pour elle non seulement un «devoir de mémoire», mais aussi un message destiné à la génération qui doit assurer la relève. Nul doute aujourd’hui que Ndioro Ndiaye a rejoint ce cercle prestigieux de femmes puissantes !