LE SECRET D’UNE SOCIETE HEUREUSE RESIDE DANS L’EPANOUISSEMENT DES FEMMES
En ce 8 mars destiné à mettre en avant les femmes de médias, Bés bi donne la parole à Oumy Régina Sambou, journaliste active dans la préservation des droits des femmes
En ce 8 mars destiné à mettre en avant les femmes de médias, Bés bi donne la parole à Oumy Régina Sambou, journaliste active dans la préservation des droits des femmes. Elle revient entre autres sur la récurrence des agressions visant les femmes de médias et la nécessité de sensibiliser les forces de l’ordre et de porter plainte en cas d’abus. Aussi, elle donne des conseils à ses consœurs et raconte une anecdote sur la fois où elle a été accusée et virée d’une salle d’audience pour une histoire de drague qui a mal tourné.
Quelle est votre réaction face à la violence exercée récemment contre des femmes journalistes ?
Une grande déception ! La preuve qu’on est aussi dans une société de plus en plus violente contre tous ses membres. On croyait qu’être une femme met à l’abri de certains abus. Ce n’est absolument pas le cas. Ces dernières années, on a assisté à l’agression de plusieurs femmes de médias qui sont des professionnelles aguerries. Elles ont été formées sur la question de la sécurité des femmes sur le terrain. L’Association des femmes de médias dont je suis la chargée de communication en a fait son cheval de bataille. Nous avons organisé plusieurs sessions sur cette question, nous avons eu aussi des rencontres afin de transmettre certains «Soft skills» aux femmes sur le terrain. Malgré tout cela, nous constatons et déplorons ces attaques récurrentes et nous indexons nos forces de sécurité. Pour nous, autant il est important de former les professionnels de l’information, autant il est important de former les forces de sécurité qui ne doivent pas être dans une logique de défiance vis-à-vis de la presse. La presse n’est là ni pour les forces de sécurité ni pour les manifestants surtout en cas de manifestations non autorisées. C’est son devoir de rendre compte de ce qui se passe sur le terrain. Ces forces de sécurité sont très corrects vis-à-vis des médias occidentaux, elles devraient encore faire preuve de plus de correction avec leurs médias locaux ne serait-ce que par patriotisme.
Au-delà de votre profession de journaliste, vous êtes aussi active dans la défense des femmes. En quoi consiste ce combat ?
Ce combat consiste à faire entendre la voix des femmes, leur point de vue. Faire en sorte que les femmes jouent leur rôle dans le développement de notre société, que les femmes soient considérées à leur juste valeur, qu’elles puissent avoir accès au minimum syndical et assurer leur autonomie pour le bien-être de la famille. Le secret d’une société heureuse réside dans l’épanouissement des femmes.
Qu’est ce qui est à l’origine de cet engagement ?
Défendre les femmes est tout à fait naturel chez moi. J’ai grandi entouré par des femmes qui se soutenaient. Ma mère a toujours bénéficié du soutien de ses sœurs, de sa maman, et quand l’une d’entre elles devait se battre, toutes les autres étaient là. J’ai été entourée de femmes battantes sur tous les plans qui gèrent plusieurs fronts en même temps et en menant leurs combats, elles tendent la main et soutiennent d’autres femmes à travers les Gie, les tontines et autres. En grandissant, on prend conscience de ce microcosme féminin qui nous entoure et une fois sortie de notre bulle, on prend conscience à quel point on est privilégiée. Et personnellement, tout ce à quoi j’ai accès, je veux que ça soit le cas pour toutes les femmes.
Au cours de votre carrière, avez-vous, vous-même, été la cible de violences, menaces ou de l’irrespect ?
Bien sûr. C’est d’une banalité. On s’y habitue finalement. Parfois on pique des colères noires, d’autres fois on respire et on avance parce que l’information n’attend pas. C’est pour une histoire de drague qui a mal tourné qu’on m’a accusée et virée de la salle d’audience numéro 4 lors d’un grand procès. Je ne me suis pas laissée faire. J’ai traité les gendarmes de tous les noms d’oiseaux avant de partir. Les gendarmes m’ont dit : «c’est pas grave, je reviens le lendemain…» C’est ce qui m’a fait arrêter les chroniques judiciaires par mesure de prudence. Très vite, on vous accuse d’outrage alors que c’est eux qui attaquent parce que très souvent, forts de la tenue, ils croient qu’ils peuvent se permettre tous les excès.
Comparé aux premières générations de journalistes, est-ce qu’il y a une avancée ou un recul de la condition des femmes journalistes ?
Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de femmes dans les rédactions. C’est une avancée. La seule que je vois d’ailleurs. Les premières générations de journalistes, quand je les entendais parler, c’étaient des journalistes POINT. Pas de journalistes femmes qu’il faut traiter comme un verre parce que fragile. Elles allaient sur le terrain, se battaient et s’imposaient autant que les hommes. Aujourd’hui, très souvent, les hommes dans les rédactions veulent être dans des postures de «kilifeu (de décision)» et s’imposent aux femmes. Ce qu’aucune femme ne devrait accepter. Pour cela, il faut se départir de son éducation traditionnelle et savoir qu’on est journaliste.
Quelles mesures doivent être prises dans les rédactions pour aider les femmes journalistes à s’épanouir dans ce métier ?
Je ne pense pas qu’il y ait des mesures à prendre pour aider les femmes journalistes à s’épanouir. Ce serait renforcer les biais sur les contraintes qu’imposent le fait d’être une femme et journaliste. Elles ont droit à des congés de maternité, des heures d’allaitement… Leur statut de femmes ne devrait pas les limiter. Elles doivent elles-mêmes s’imposer, ne rien attendre. Elles peuvent tout prendre, quitte à l’arracher. Elles sont brillantes mais très bien éduquées pour être dans certains types de rivalité sur le plan professionnel. Ce qui est dommage. Chaque femme journaliste doit être ambitieuse, prendre une ancienne journaliste comme repère et se dire : ‘’je vais faire plus et mieux qu’elle’’, et naturellement elles s’imposeront dans les rédactions.
Comment mieux protéger les journalistes sur le terrain ?
Pour mieux protéger les journalistes sur le terrain, il faut mieux sensibiliser les forces de l’ordre, porter plainte aussi en cas de bavures. La corporation doit s’organiser afin de mener ces combats. Certes, il vaut mieux un mauvais arrangement qu’un bon procès mais il faut qu’on apprenne à aller jusqu’au bout afin de nous faire respecter, régler les bavures à l’amiable, que la victime retire sa plainte a montré ses limites. Il faut durcir le ton et passer à la vitesse supérieure.
En quoi l’intuition et la sensibilité féminine sont importantes dans la pratique du journalisme ?
Un bon journaliste doit avoir du flair, une belle plume, une certaine sensibilité… Être une femme nous avantage-t-elle ? Je n’en ai aucune idée. Je ne sais pas si ma sensibilité féminine a un quelconque impact sur ma pratique du journalisme. Je travaille dur pour avancer professionnellement et c’est ce que je conseille à mes consœurs. Travailler plus et surtout être dans une logique de perpétuelles formations, utiliser toutes les sources de savoirs afin de faire un travail de qualité.