«LES FEMMES SE DEMANDENT CE QU’ELLES GAGNENT À FORMALISER LEUR BUSINESS»
Yacine Dia Ndiaye, fondatrice de la plateforme «Ma Féminité», promeut l’entrepreneurial des femmes en Afrique francophone, revient sur les écueils qui freinent l’ascension de ces dernières dans les affaires

Dans cet entretien, la fondatrice de la plateforme «Ma féminité», qui promeut l’entrepreneurial des femmes en Afrique francophone, revient sur les écueils qui freinent l’ascension de ces dernières dans les affaires. Regrettant le fait qu’elles soient beaucoup plus présentes dans le secteur informel, Yacine Dia Ndiaye a soutenu que de nombreuses femmes pensent qu’elles n’ont aucun intérêt à formaliser leurs activités.
«L’AS» : Les femmes sont en général très dynamiques et travailleuses au Sénégal. Mais vivent-elles dignement de leur travail ?
YACINE DIA NDIAYE : C’est vrai qu’il y a un réel dynamisme à saluer à ce niveau; mais cela ne suffit pas pour vivre décemment. Il faut être dans la pérennité et savoir que quand on met en place un business, il faudrait qu’il soit à forte valeur ajoutée et qu’il réponde vraiment aux besoins du marché. Il faut aussi et surtout être dans l’optique de créer une entreprise viable et génératrice d’emplois.
Comment évaluez-vous aujourd’hui l’entrepreneuriat féminin dans le pays ?
Les femmes sénégalaises ont toujours été entreprenantes et actuellement on voit de très belles avancées, de l’innovation et de la valeur ajoutée dans ce qu’elles font. Mais, il y a encore beaucoup de défis à relever notamment l’accès à l’information, les mécanismes de création d’entreprise et autres opportunités. L’accès à la terre notamment dans les zones rurales est également une vraie préoccupation. Sans compter les difficultés d’accéder aux crédits. A vrai dire, les femmes se rabattent le plus souvent dans les microcrédits dont les taux d’intérêts sont assez élevés. Elles ont également des problèmes de compétences techniques et managériales afin de pouvoir continuer à innover et à répondre aux besoins du marché. Il faut ajouter dans la foulée les barrières socioculturelles. Donc, il y a pas mal de freins qui sont liés à l’entrepreneuriat féminin.
Les femmes investissent plus le secteur informel. Qu’est-ce qu’il faudrait pour inverser cette tendance ?
En effet, dès qu’on parle d’entrepreneuriat féminin, on pense directement au secteur informel. Les femmes sont beaucoup plus présentes dans ce secteur-là. Et c’est dommage. Notre combat au quotidien, c’est de pousser les femmes à formaliser leurs activités entrepreneuriales pour pouvoir bénéficier des avantages que cela procure. Mais, il y a pas mal de barrières qui nous empêchent d’y arriver. Les femmes se demandent souvent ce qu’elles gagnent vraiment à formaliser leur business. Elles sont aussi très réticentes dans tout ce qui est fiscalité. Ces entrepreneures éprouvent énormément de difficultés en ce qui concerne les paperasses administratives. Par exemple, pour qu’une femme qui est dans une zone rurale, il faut qu’elle parte au niveau départemental ou régional pour créer juste son entreprise. Donc, il faudrait encore décentraliser pour faciliter l’obtention de papiers administratifs. Et on voit que l’Etat commence à faire beaucoup d’efforts dans ce sens.
Quel plaidoyer faites-vous pour une meilleure prise en compte des femmes dans le domaine des politiques publiques dédiées l’entrepreneuriat ?
Nous voudrions qu’en termes de politiques publiques que l’Etat renforce les capacités entrepreneuriales des femmes à travers des formations et des mentorats en prenant en compte les barrières linguistiques. C’est aussi faciliter l’accès au financement en développant les compétences financières et les instruments financiers qui seront mis en place. Il faut promouvoir également l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et l’accès à la protection sociale.