À GAZA, L'ENFER VU PAR 65 SOIGNANTS AMÉRICAINS
Des enfants abattus d'une balle dans la tête. Des nouveaux-nés mourant de faim. Des hôpitaux sans eau ni électricité. Les témoignages, recueillis par le New York Times, dressent un tableau glaçant de la situation humanitaire dans l'enclave palestinienne
Dans un article publié par le New York Times, 65 professionnels de santé américains ayant travaillé à Gaza entre octobre 2023 et avril 2024 livrent des témoignages bouleversants sur la situation humanitaire catastrophique dans l'enclave palestinienne. Ces médecins, infirmiers et ambulanciers, venus porter assistance dans les hôpitaux gazaouis, dressent un tableau alarmant des conditions sanitaires et de l'impact dévastateur du conflit sur la population civile, en particulier les enfants.
L'un des aspects les plus choquants révélés par ces témoignages concerne les blessures infligées aux jeunes enfants. Le Dr Feroze Sidhwa, chirurgien traumatologue ayant travaillé à l'hôpital européen de Khan Younis en mars-avril, rapporte avoir vu "presque chaque jour un nouvel enfant blessé par balle à la tête ou à la poitrine, dont la quasi-totalité sont décédés" par la suite". Au total, il a traité 13 cas de ce type en seulement deux semaines.
Ce constat est corroboré par de nombreux autres soignants. Le Dr Mohamad Rassoul Abu-Nuwar, chirurgien de 36 ans, témoigne : "Une nuit aux urgences, dans l'espace de quatre heures, j'ai vu six enfants âgés de 5 à 12 ans, tous avec une seule blessure par balle au grue." Le Dr Irfan Galaria, chirurgien plasticien, évoque quant à lui "quatre ou cinq enfants, âgés de 5 à 8 ans, tous touchés par des tirs uniques à la tête. Ils sont tous arrivés aux urgences en même temps. Ils sont tous morts. "
Ces témoignages soulèvent de graves questions sur la nature de ces blessures, ciblées, infligées à de jeunes enfants.
Malnutrition généralisée et conditions sanitaires désastreuses
La quasi-totalité des soignants intégrés (63 sur 65) font état d'une malnutrition sévère touchant les patients, le personnel médical local et la population générale. Le Dr Ndal Farah, anesthésiste, décrit des patients "rappelant les camps de concentration nazis, avec des traits squelettiques". Abeerah Muhammad, infirmière de 33 ans, rapporte que "tout le monde avait perdu entre 9 et 27 kilos. La plupart des patients et du personnel avaient l'air émacié et déshydraté."
Cette situation dramatique touche particulièrement les nouveaux-nés et leurs mères. Le Dr Arham Ali, pédiatre de soins intensifs, témoigne : « Des mères affamées se présentaient aux soins intensifs en suppliant pour obtenir du lait maternisé pour nourrir leurs nouveau-nés. Des bébés de quelques heures ou jours arrivant à l'hôpital gravement déshydratés, infectés et en hypothermie. Beaucoup de bébés sont morts de ces conditions, qui étaient des décès 100% évitables.
Les conditions d'hygiène catastrophiques amplifient ce désastre sanitaire. Le Dr Ayman Abdul-Ghani, chirurgien cardiothoracique, décrit : "La situation était horrible au bloc opératoire. Il y avait des mouches partout. Il y avait des eaux usées sur le terrain de l'hôpital où les gens s'abritaient." Le Dr Mohammed Al-Jaghbeer ajoute : "Pour la première fois de ma carrière, j'ai vu des asticots sortir des plâtres."
Un système de santé anéanti
Les témoignages convergents pour décrire un système de santé totalement effondré, dénué des équipements et fournitures les plus basiques. Le Dr Ndal Farah raconte : "Nous avons fait des opérations sans champs opératoires ni blouses chirurgicales. Nous avons réutilisé du matériel qui devrait être jetable. J'ai été dans d'autres zones de guerre, mais c'était exponentiellement pire que tout ce que j'ai jamais vu."
Monica Johnston, infirmière spécialisée dans les brûlures, détaille : "Pas de bouchons pour les cathéters centraux, laissant le port ouvert et exposé aux germes. Pas de savon ni de démontage pour les mains. Pas de matériel pour nettoyer les patients au lit après qu 'ils se soient salis."
Cette pénurie généralisée a des conséquences dramatiques, comme le souligne le Dr Adam Hamawy, chirurgien plasticien : "Presque tous les enfants dont je me suis occupé souffraient de malnutrition sévère. Cela a entraîné des difficultés de cicatrisation après la chirurgie et des taux d'infection Le taux de mortalité des enfants blessés dont je me suis occupé était de près de 80%.
Un impact psychologique dévastateur sur les enfants
Au-delà des blessures physiques, les soignants témoignent de l'impact psychologique terrible du conflit sur les enfants. Le Dr Mimi Syed, médecin urgentiste, évoque le cas d'une fillette de 4 ans gravement brûlée : "Elle était complètement dissociée. Elle regardait dans le vide, fredonnant une berceuse. Elle ne pleurait pas, mais tremblait et était en état de choc total."
De nombreux témoignages font état d'enfants exprimant le souhait de mourir. Le Dr Tanya Haj-Hassan, pédiatre en soins intensifs, rapporte les propositions d'un enfant ayant perdu toute sa famille : "Tous ceux que j'aime sont au ciel. Je ne veux plus être ici."
Un appel à l'action
Face à cette situation catastrophique, le Dr Feroze Sidhwa, auteur principal de l'article, lance un appel pressant : "L'horreur doit cesser. Les États-Unis doivent arrêter d'armer Israël." Il souligne que la combinaison létale de violences militaires indiscriminées, de restriction délibérée de l'aide alimentaire et humanitaire, de déplacement quasi-généralisée de la population et de destruction du système de santé a l'effet calamiteux que de nombreux spécialistes de l'Holocauste et du génocide avaient prédit il y a près d'un an.
Ces témoignages accablants, publiés dans un grand quotidien américain, constituent un cri d'alarme lancé par des professionnels de santé ayant été témoins directs de la situation à Gaza. Ils appellent à une action urgente pour mettre fin aux souffrances de la population civile gazaouie, en particulier des enfants, principales victimes de ce conflit dévastateur.