L'INFLEXIBLE RÉISTANCE DE MOHAMED BAZOUM
Détenu depuis plus de 4 mois et placé sous étroite surveillance dans sa résidence présidentielle, l'ex-chef de l'État nigérien tient bon et continue de résister aux pressions des putschistes malgré l'abandon progressif de son soutien international

Plus de quatre mois après son renversement par un coup d'État militaire, Mohamed Bazoum refuse toujours de démissionner de la présidence du Niger. Détenu dans des conditions de plus en plus strictes dans sa résidence de Niamey, l'ancien dirigeant tient tête de manière inflexible aux militaires qui l'ont renversé. Sa résistance prolongée interroge sur la suite de la crise politique dans ce pays sahélien instable.
Emprisonné depuis le 26 juillet, Mohamed Bazoum subit une surveillance étroite qui se durcit au fil du temps, selon les témoignages recueillis par Le Monde auprès de son entourage. Ses conditions de détention se résument désormais à une résidence présidentielle transformée en prison de luxe, où seul un médecin est autorisé à lui rendre visite, ainsi qu'à son épouse et leur fils également séquestrés. Les militaires réclament sa démission pour justifier leur coup de force, mais il s'y refuse catégoriquement.
Ancien militant historique de la démocratie au Niger, formé dans les années de lutte contre le régime autoritaire de Seyni Kountché, Mohamed Bazoum fait preuve d'une résilience rare face aux injonctions des putschistes. Alors que d'autres dirigeants déchus comme Ibrahim Boubacar Keïta au Mali ou Roch Marc Christian Kaboré au Burkina Faso ont rapidement cédé, lui tient bon depuis plus de quatre mois dans des conditions de détention de plus en plus strictes.
Sa détermination s'explique par son parcours et sa vision de l'alternance démocratique. Elu en 2021, il était le premier président nigérien à succéder à un autre dirigeant sorti des urnes, incarnant un modèle que les putschistes remettent désormais en cause. Sa volonté affichée de lutte contre la corruption au sein même de son parti a aussi suscité des inimitiés. Mais sa résistance témoigne de son attachement aux principes démocratiques qu'il promeut depuis des décennies.
Cette posture lui vaut un soutien certain dans son camp et auprès d'une partie de la société civile nigérienne, mais isole également le pays sur la scène internationale. Car si la Cedeao a condamné le coup d'État et multiplie les appels au retour à l'ordre constitutionnel, elle semble avoir renoncé à une intervention musclée face à la détermination des militaires. D'autant que le mentor historique de Mohamed Bazoum, l'ex-président Mahamadou Issoufou, est soupçonné d'être l'instigateur du putsch, un revers psychologique majeur pour le dirigeant captive.
Au fil des mois, sa résistance bute donc sur un pouvoir de fait qui se renforce dans la durée face à une communauté internationale désarmée. Si Mohamed Bazoum reste inflexible et que les putschistes refusent toujours de le libérer ou de convoquer des élections, le Niger semble s'enfoncer dangereusement dans une crise institutionnelle et démocratique durable.