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"Honneur", fierté", le Nobel de la paix donne du baume au coeur aux Tunisiens
(AFP) - Un "honneur", un "encouragement", un prix qui "nous oblige": des Tunisiens ont exprimé leur "fierté" vendredi après l'attribution du Nobel de la paix sans pour autant oublier les lourdes difficultés sécuritaires et économiques du moment.
"C'est un honneur et une fierté pour la Tunisie et pour tous les Tunisiens!", s'exclame Sabri Berrich, propriétaire d'une agence de location de voitures, rencontré dans le centre de Tunis.
Ce prix "renvoie une bonne image à un peuple qui souffre et peine à se lever après avoir été secoué par plusieurs catastrophes mais qui, malgré tout, veut vivre dignement", renchérit-il.
Après l'immense enthousiasme de la révolution du 14 janvier 2011 qui mit fin à des décennies de dictature, les Tunisiens ont vécu des moments difficiles.
En 2013, l'assassinat de deux opposants de gauche ont créé un choc dans la société.
Puis, en 2015 les attentats sanglants revendiqués par des jihadistes au musée du Bardo et à Sousse, ont coûté la vie à 60 personnes dont 59 touristes, portant un coup violent au tourisme, véritable poumon économique du pays.
"Au moins une bonne nouvelle après une série de mauvaises! Cela nous oblige à montrer au monde que nous sommes à la hauteur de ce prix", s'exclame Naïma Oueslati, une opticienne.
Le Nobel de la paix a été attribué à un quartette d'organisations composé du puissant syndicat UGTT, de l'organisation patronale l'UTICA, de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH) et de l'Ordre des avocats. Formé en 2013, ce quartette avait mené un dialogue national pour dépasser la profonde crise politique qui minait alors la démocratie tunisienne naissante.
Cette récompense constitue "un élément encourageant pour les partis politiques, pour qu'ils croient à la démocratie et qu'ils ne s’accaparent pas le pouvoir. C’est ça qui honore la Tunisie et son peuple", juge Chokri Ben Nacif, un quinquagénaire.
Au diapason, le président Béji Caïd Essebsi s'est réjoui, dans un message vidéo, d'une récompense "méritée". "La Tunisie n'a pas d'autre solution que le dialogue malgré les désaccords idéologiques", a-t-il prévenu.
- 'Et alors?' -
L'enthousiasme n'est cependant pas partagé par tous après des années de marasme économique et des perspectives peu encourageantes pour 2015 avec une croissance qui ne devrait pas dépasser 1%.
Dans un des cafés bondés de l'avenue Habib Bourguiba, coeur battant de la capitale et symbole de la révolution, de nombreux jeunes affichent leur indifférence. Plusieurs heures après l'annonce, certains avouent n'être même pas au courant.
"Ah Bon! Bien, bien... Et alors?", commente avec nonchalance Jaber Majeri, un étudiant de 22 ans. "Est-ce que ça va changer quelque chose? Est-ce que ce prix va éradiquer la pauvreté, le chômage et va nourrir les ventres?", lâche-t-il amer, avant de tourner le dos pour reprendre sa conversation avec des amis.
Alors que des conflits sociaux grondent, Safia Shabani, gérante d'une boutique d'horlogerie, partage cette amertume. "Ce prix ne change rien à la situation médiocre du pays, nous sommes devenus malheureux et stressés! Nous attendons un changement concret pour croire en notre futur et non un prix qui n'ajoute rien aux Tunisiens!, lance-t-elle.
"Quand nous serons récompensés de la meilleure mentalité du monde, de la meilleure économie et de la meilleure condition de vie, à ce moment-là nous partagerons cet enthousiasme exagéré de nos politiciens", renchérit à ses côtés Fethi Marsaoui, un collègue commerçant.
Visiblement irritée, une femme Fatma Kahlaoui, intervient. "Malgré nos difficultés, nous gardons toujours l'espoir d'un avenir meilleur. Que ce Nobel soit le début d'une série de bonnes nouvelles pour la Tunisie!", clame-t-elle.
Avant de quitter la boutique, elle lance: "Nous avons besoin d'ondes positives, il y en a marre des gens pessimistes!".