LES FEMMES INVITEES A S’IMPOSER
L’institut Panos Afrique a tenu hier, mardi 8 septembre 2020, un séminaire, dans le cadre son projet «Femmes: occupez les medias!», sur la «Couverture médiatique sensible au genre de la Covid-19»
L’institut Panos Afrique a tenu hier, mardi 8 septembre 2020, un séminaire, dans le cadre son projet «Femmes: occupez les medias!», sur la «Couverture médiatique sensible au genre de la Covid-19». Cette rencontre qui a pour objectifs, entre autres, de sensibiliser les organisations de médias sur les écarts et amener les professionnelles des médias à prendre elles-mêmes des mesures correctives pour lutter contre la désinformation et l’abondance de l’information dans les médias, en s’imposant.
«Nous savons tous qu’en tant de crise, les médias jouent un rôle important. Et, en cette période de Covid-19, leur rôle est devenu plus important. Son apparition était inconnue pour tout le monde, personne ne savait comment s’y prendre aussi bien dans la sensibilisation que dans le traitement. Mais, il faut s’en féliciter car les médias sénégalais ont su jouer un rôle important malgré quelques dérapages notés dans la diffusion sinon la reprise des nouvelles qui créent plus la panique, la désorientation, le fait que les populations ne respectaient plus les mesures barrières», affirme le chef de Division presse et information du ministère de la Culture et de la Communication, Amadou Kanouté. Et de relever que «tout cela a dû être corrigé au fur et à mesure que nous comprenons davantage sa propagation et les mesures barrières».
LA PLACE DES FEMMES N’EST PAS REPRESENTATIVE DANS NOTRE SOCIETE
En ce qui concerne la place des femmes dans les médias, il dira : «nous constatons et déplorons cette place car elle n’est pas représentative des femmes dans notre société». Pour lui, «les femmes ne prennent pas les devants pour s’imposer dans les rédactions. Souvent, elles se contentent des places qu’on leur donne ou alors elles s’intéressent à des sujets qu’on pourrait qualifier de mineurs, même si ce n’est pas toujours le cas. Il appartient aux femmes de s’imposer aussi bien dans les rédactions, d’être plus visible et, en tant que journalistes, de s’intéresser aux femmes leaders. Il y’en a beaucoup dans ce pays ; prendre ces femmes leaders, les mettre devant la scène et essayer d’avoir leur avis sur les questions majeures qui nous occupent aujourd’hui». Eugénie Rokhaya Aw, ancienne directrice du CESTI, abonde dans le même sens. «Je pense que les journalistes font un travail assez remarquable. Ils sont aussi tributaires des sources qu’ils ont, qui, de mon point de vue, ne sont pas forcément les plus fournies, les plus adaptées. Je suis sûre que quand ils veulent aller plus loin sur certaines questions, et qu’on estime que c’est des questions sensibles, en ce moment les portes se ferment». Selon elle, il appartient aux journalistes de regarder comment ils peuvent s’alimenter eux-mêmes parce qu’il y’a un certain nombre de sources qui existent, un certain nombre d’études qui ont été faites par des organisations qui sont reconnues.
Eugénie Rokhaya Aw de souligner que «les journalistes sont également heurtés au fait qu’il y a un certain nombre de perceptions quand on arrive au niveau des communautés qui font que souvent les gens vont dire que c’est des histoires de blancs ; ça n’existe pas. Nous, on n’est protégés pour des raisons religieuses. Les journalistes doivent exercer une parole critique mais qu’ils soient aussi critiques par rapport à l’information qu’ils donnent».
SUJETS CONVENUS ET SOCIAUX
Mieux conseille-t-elle, «il faut considérer ces informations sur la pandémie comme du journalisme scientifique, avec toutes les précautions qui s’imposent, parce qu’on cherche encore un vaccin pour le virus. L’hyper médicalisation de la pandémie, l’information que l’on donne, provoquent la négation du côté des communautés d’autant qu’on travaille dans un contexte où les gens vivent dans l’extrême pauvreté, la précarité. Les gens ont besoin de travailler pour arriver à survivre. Et puis, il y a toute les croyances qui interviennent», avance Mme AW. Et l’ancienne directrice du Cesti de poursuivre : «en ce qui concerne le traitement concernant les femmes, je préfère parler de genre parce que ça me permet de parler aussi de cette relation entre les hommes et les femmes dans la société. On a vu un média annoncer que les femmes comme actrices, c’est 3,6 %, donc moins de 5%. Même s’il y a eu énormément de progrès, de plus en plus de femmes dans les médias, elles restent encore cantonnées à des sujets convenus et sociaux», regrette-t-elle. «Dans notre société, les gens pensent que, comme la pandémie est une question scientifique, ça ne doit pas intéresser les femmes. Il y a beaucoup plus de violence envers les femmes parce que les hommes se trouvent toujours enfermés dans le même espace que les femmes, ils se trouvent dans un espace traditionnellement considéré comme l’espace des femmes, l’espace privé domestique. Ils vont essayer de s’imposer et se défouler sur les femmes» ajoutera-t-elle.
ALLER VERS LA SPECIALISATION
A son avis, «les journalistes doivent se rapprocher des organisations de la société civile pour savoir un peu plus le quotidien des femmes. Ces dernières sont toujours au niveau des marchés ; ce sont elles qui assurent la production vivrière. Donc, il est évident que ça crée encore plus de risque pour elles. Tout cela est dû aux idées reçues. C’est aux journalistes de donner la parole aux femmes et de les rendre beaucoup plus visibles parce qu’elles constituent plus 50% de la population». Quant au président du Conseil pour l’observation des règles de déontologie dans les médias au Sénégal (CORED), il a salué le traitement médiatique de la Covid-19 dans les médias. Toutefois, Mamadou Thior n’a pas maqué de fustiger des dérapages qui ont eu çà et là dans la presse. M. Thior «recommande fortement aux journalistes la spécialisation car ça participe à la bonne maîtrise du sujet. Parce que quand on traite la question de la santé, le journaliste gagnerait à se rapprocher de la Faculté de médecine»