CONSIDÉRER L'IMAGE GLOBALE DU PSE ET NON SES DÉRIVÉES
Un pays dont l’économie va droit dans le mur ne peut se permettre de développer concomitamment son capital physique, humain et technologique, tout en se permettant d’assister autant ses agriculteurs, ses pêcheurs, etc.
En mathématiques, il est unanimement admis qu’une somme d’optima n’est pas nécessairement un optimum. Ce théorème a été la base de la théorie des contraintes utilisée dans la formulation de stratégies gagnantes de développement économique, qui s’articulent dès lors autour d’une approche systémique. Dans tout système, il y a en effet une ressource-contrainte dont la performance déteint sur celle plus globale du système.
A partir des années 1980, trois économistes désormais entrés dans l’histoire : Lucas, Romer et Barrow, considérés comme les théoriciens de la croissance endogène, ont démontré de manière séparée que le processus de croissance économique une fois enclenché, pouvait s’auto-entretenir et être ainsi durable, si le processus cible de manière intelligente et coordonnée le capital physique, le capital humain et le capital technologique.
Loin de s’opposer, ces trois composantes du capital (le physique, l’humain et le technologique) se complètent en réalité dans un processus de fertilisation croisée. Leur développement synchronisé doit être la résultante du capital public qui s’exprime à travers le budget d’un Etat stratège ; le capital public étant décrit comme l’ensemble des infrastructures mises à la disposition de l’économie nationale (autoroutes, routes, ponts, pistes rurales, réseaux maritimes et ferroviaires, réseaux énergétiques, numériques et hydrauliques...), pour doper la production et réduire le coût des transactions commerciales.
Le président Macky Sall, président de la République du Sénégal ne s’y est pas trompé quand il décida dans la matrice des politiques publiques qu’est le Plan Sénégal Emergent (PSE) pour l’horizon 2035, de consacrer 66,5 % des ressources du premier programme d’actions prioritaires, le PAP 2014-2018, à l’axe 1 du PSE dédié à la transformation structurelle de l’économie sénégalaise. Il s’agit là en effet de la ressource-contrainte qui a toujours manqué à notre économie et qui détermine tout le reste.
En travaillant sur la productivité globale de notre économie, nous travaillons en même temps sur le capital physique, humain et technologique. Pour preuve, les deux mille cinq cent (2.500) kilomètres de fibre optique qui ont été mis en service dans ce cadre dans notre pays, constituent autant de facilités pour augmenter le niveau de savoir de nos concitoyens grâce à une meilleure connectivité Internet.
Bien entendu, par la suite, après la mise à niveau des infrastructures, les contraintes vont changer car l’économie est dynamique et d’autres secteurs vont connaître des allocations supplémentaires de ressources. Ce virage est déjà entamé par le président Macky Sall avec le budget 2018 qui a vu la consécration de l’année budgétaire en « année sociale », les ressources allouées à l’axe 2 du Plan Sénégal Emergent, soit le capital humain, ayant été relevées de manière considérable et ce mouvement ira en s’amplifiant.
Si j’ai décidé d’apporter cette contribution en ma qualité de chef du gouvernement, c’est moins dans un souci de polémique, à la suite d’une tribune publiée dans Le Monde Afrique sous le titre « Le Plan d’infrastructures de Macky Sall envoie le Sénégal droit dans le mur ». C’est davantage pour restaurer la perspective globale de développement endogène et inclusif porté par le Plan Sénégal Emergent et rétablir en même temps la vérité des faits pour nos compatriotes et vis-à-vis du marché ; ce marché qui vient encore le 15 juin 2018, par l’agence de notation Standard and Poor’s (S&P), de relever la note du Sénégal qui passe de B+ avec une perspective stable, à B+ avec une perspective positive.
On nous dit que le Sénégal sous le président Macky Sall est en train de sauter des étapes, que nous n’avons pas besoin en réalité d’entrer dans la modernité, avec les projets autoroutiers ou ferroviaires en cours de réalisation, tels que le projet Ila Touba, une dorsale qui relie Dakar à l’hinterland d’Ouest en Est et qui ouvre un potentiel certain de développement au Nord et au Nord-Est du pays, en attendant que démarrent en 2019-2020 d’autres projets aussi structurants comme l’autoroute Mbour-Fatick-Kaolack (une voie rapide et sécurisée pour aller vers le Sud et l’Est du pays, ou encore le Mali), comme également nous attendons le démarrage de l’autoroute dite « la côtière » qui reliera Dakar à Saint-Louis, optimisant ainsi le chemin vers le pont de Rosso, donc la Mauritanie et le Maghreb.
On nous dit aussi que le Sénégal sous le président Macky Sall est en train de sauter des étapes, que nous n’avons pas besoin en réalité d’entrer dans la modernité, avec un projet comme le Train Express Régional (le TER) qui sera livré le 14 janvier 2019, premier jalon d’un réseau ferroviaire interurbain appelé à s’étendre, qui au-delà de la desserte de l’aéroport international Blaise Diagne de Dakar, assure la desserte d’une grande partie de la banlieue de Dakar à travers quatorze gares dont les principales sont connectées à un système de transfert par bus diffuseurs, à l’heure où la population de notre pays double tous les vingt cinq ans. Ne pas réaliser à bonne date de tels systèmes de transport de masse comme le TER ou le projet Bus Rapid Transfer (BRT) qui reliera le Sud au Nord de la ville de Dakar, c’est faire demain de l’agglomération de Dakar, la capitale ouest africaine des embrouillages et de la pollution automobile, avec sa superficie de 0,28% du territoire national, hébergeant plus du quart de la population du pays.
Manager c’est prévoir, dit-on. Tous ces projets structurants dont il faudrait se réjouir, ont été inscrits dans l’axe 1 du Plan Sénégal Emergent, avec des budgets planifiés et mobilisés, pour préparer le pays et les générations futures à accéder au développement, hors scénario « pétrole et gaz ». Qu’il s’agisse des 113 kilomètres de l’autoroute Ila Touba (Thiès-Touba), des 195 kilomètres de l’autoroute côtière Dakar-Saint-Louis ou des 100 kilomètres de l’autoroute Mbour-Fatick-Kaolack dont les travaux démarrent en début d’année 2019. Rappelons simplement que le Président Macky Sall a trouvé en 2012 dans notre pays, trente deux (32) kilomètres d’autoroutes réalisés en cinquante deux (52) ans d’indépendance, au moment où la Côte d’Ivoire en comptait 224 kms, le Maroc 1.649 kms et l’Algerie 1.700 kms. L’ambition réelle que porte le Plan Sénégal Emergent du président Macky Sall est de faire du Sénégal, une des sept premières économies africaines.
Cet important travail de rattrapage infrastructurel, décrit ici en matière d’autoroutes, aurait pu l’être également à travers les importants chantiers présidentiels d’aménagement et d’équité territoriale portés par un programme tel que le PUDC (programme d’urgence de développement communautaire) entièrement financé par l’Etat. Déjà avec sa première phase lancée en 2015, cinq cents (500) kilomètres de pistes sont déjà ouvertes à la circulation, désenclavant 552 villages. Dans le volet hydraulique du PUDC, 229 forages ont été réalisés et livrés, permettant l’accès à l’eau potable à plus de 300.000 de nos compatriotes. En matière d’électrification rurale, plus de 35.000 personnes ont pu avoir accès à l’énergie grâce au PUDC. Le programme sera renforcé au cours du second programme d’actions prioritaires du PSE, le PAP 2019-2024 à venir et 300 milliards FCFA, soit 600 millions de dollars sont déjà mobilisés pour le financement du PUDC II. L’objectif ultime des programmes comme celui-ci, ou le PUMA dédié à la modernisation des axes frontaliers, ou encore PROMOVILLES qui met à niveau les villes secondaires du pays, est d’orienter le grand potentiel économique de l’espace rural vers la satisfaction de la demande sociale en matière de production et de consommation des produits du terroir et des services qui leur sont attachés.
Avec le Plan Sénégal Emergent, notre pays apprend à bien marcher sur ses deux pieds. Au-delà des routes et autoroutes, du chemin de fer en rénovation, des pistes rurales, de l’électrification rurale, du développement du mix énergétique avec la promotion des énergies renouvelables, de l’hydraulique rurale et urbaine, les efforts sont également importants pour bâtir les infrastructures du futur, avec le maillage du pays en fibre optique et l’acquisition d’un super-calculateur de 320 teraflops, un des plus puissants en Afrique subsaharienne hors Afrique du Sud, qui va constituer la base technologique du Centre national de calcul scientifique qui sera érigé à Diamniadio à côté du futur Parc de Technologies Numériques financé par l’Etat et la Banque Africaine de Développement. Nous préparons ainsi notre entrée dans l’économie du savoir.
Toutefois comme je le rappelais au début de cette contribution, l’optimum infrastructurel ci-devant décrit ne constitue pas pour le PSE, une fin en soi. Tout ceci est mis progressivement en place pour doper la productivité et préparer le pays à une émergence économique et sociale inclusive. Il s’agit d’une ressource-contrainte à bâtir pour permettre aux autres ressources de s’inscrire dans l’optimum global qui demeure axé autour de l’homme, c’est à dire l’éclosion et la promotion des talents et du génie créateur des sénégalais.
Les efforts déjà entrepris nous ont permis grâce à une politique budgétaire efficace, de battre des records en matière de production agricole, de pêche et dans bien d’autres secteurs productifs. Les subventions de matériels agricoles à hauteur de 60 % et atteignant même 70 % dans certains cas, les subventions des semences et des engrais à hauteur de 50 %, ainsi que les résultats de la recherche agronomique ont permis au pays d’augmenter en cinq ans la production céréalière de manière significative. Dans le secteur de la pêche et de l’élevage, les subventions allouées aux pêcheurs pour le renouvellement des moteurs de pirogues et aux éleveurs en matière d’acquisition d’aliments de bétail, ont fini de prouver leur efficacité économique. En matière de tourisme, le crédit hôtelier mis en place par l’Etat aura également permis la mise à niveau des réceptifs dans des conditions optimales de financement pour le secteur privé national.
Dans notre pays, depuis 2012, avec le président Macky Sall, des efforts d’une même amplitude ont été réalisés en matière de développement du capital humain, dans les secteurs de l’éducation et de la formation. Il en est de même pour le secteur de la santé et de la protection sociale. Tout comme en matière de promotion de secteurs tels que l’art et la culture avec désormais la consécration de la Biennale de Dakar dans l’agenda culturel mondial ; le cinéma avec les dotations substantielles du Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuelle qui nous ont rapporté des succès au plan africain et international ; les sports et les loisirs avec les infrastructures sportives telles que le Dakar Arena qui placent désormais le Sénégal sur la carte du monde. Tous ces secteurs sont essentiels dans la vie économique et sociale d’une nation.
En matière d’éducation et de formation, l’accès équitable à des conditions d’apprentissage de meilleure qualité pour tous les élèves du pays a été érigée en sur-priorité. C’est pourquoi, dans le cadre du premier programme d’actions prioritaires du PSE, le PAP 2014-2018, au-delà des programmes de réhabilitation des infrastructures scolaires, 9.538 salles de classe, 333 écoles élémentaires, 162 collèges de proximité, 21 lycées et 20 blocs scientifiques et technologiques, ont été construits et équipés pour un investissement total de 132,6 milliards de francs CFA : un record depuis l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale. Est aussi en cours de réalisation en ce moment-même, un ambitieux programme de suppression totale des abris provisoires, ces « vraies-fausses » salles de classe qui étaient encore le modèle utilisé principalement en milieu rural, pour offrir aux acteurs de l’éducation, élèves comme enseignants, un cadre d’apprentissage approprié, pour un investissement global de 100 milliards FCFA.
Comme il en est de la carte scolaire, la carte universitaire s’est également renforcée avec tous les programmes de construction et de modernisation entrepris depuis 2012. Le président Macky Sall et son gouvernement ont déjà engagé un important programme de mise à niveau des infrastructures universitaires à Dakar, Saint-Louis, Ziguinchor, Bambey et Thiès, et ont démarré la construction de la Cité du Savoir et de deux nouvelles universités pour un coût de 130 milliards de francs FCA, ainsi que des Instituts supérieurs d’enseignement professionnel (ISEP) dans cinq villes intérieures du pays : Thiès, Matam, Bignona, Diamniadio et Richard-Toll. Quant au programme « Un Étudiant - Un Ordinateur », grâce à une subvention de l’Etat d’au moins 50 % et pouvant aller jusqu’à 75 % pour les étudiants de l’Université virtuelle du Sénégal, il a déjà permis d’équiper 47.100 étudiants. Désormais, tous les campus universitaires bénéficient d’un accès internet avec wifi gratuit et une bande passante de 310 Mégaoctets.
Au plan des infrastructures sanitaires, le maillage du territoire national a été accéléré avec l’ouverture des quatre nouveaux hôpitaux (à Matam, Fatick, Dalal Jamm et Ziguinchor), de 10 nouveaux centres de santé dans les villes de l’intérieur (à Maka Coulibantang, Saraya, Dianké Makha, Médina Gounass, Kidira, Koumpentoum, Pété, Samine, Goudomp et Niakhar), et de plusieurs postes de santé. Huit (8) nouveaux centres de dialyse ont été construits en cinq ans pour assurer une prise en charge déconcentrée des insuffisants rénaux. Seize (16) scanners, 14 appareils de mammographie, 35 tables de radiologie numérique, 50 appareils d’échographie, 10 générateurs de production en oxygène et 3 appareils de radiothérapie ont été acquis et mis en service à travers tous les districts sanitaires du pays. Demain, avec le second programme d’actions prioritaires du PSE, le PAP 2019-2024, est prévue la construction de 267 postes de santé additionnels, de 22 centres de santé, de 3 hôpitaux de niveau 2 à Kaffrine, Sédhiou et Kédougou, d’un hôpital de niveau 3 à Touba, d’un centre national d’oncologie pour un montant de 48 milliards de francs CFA et d’un centre de traitement des brûlés à l’hôpital de Fann à Dakar.
Un pays dont l’économie va droit dans le mur ne peut se permettre de développer concomitamment son capital physique, humain et technologique, tout en se permettant d’assister autant ses agriculteurs, ses pêcheurs, ses éleveurs, ses artisans, son secteur touristique, sa jeunesse et ses femmes à travers les programmes d’appui à l’entreprenariat rapide, et d’asseoir sur la durée des transferts monétaires aux trois cent mille (300.000) familles vivant en dessous du seuil de pauvreté et des subventions aux ménages en matière de soutien au pouvoir d’achat, dans ce contexte particulier de remontée des cours des hydrocarbures au plan mondial.
Pour dire donc que le développement n’est pas la résultante d’efforts à n’entreprendre que dans un secteur particulier. Le développement nous viendra d’une synthèse d’efforts conjugués et complémentaires qui convergent d’une manière harmonisée vers un même même objectif. L’erreur serait d’opposer les secteurs et les politiques sectorielles entre elles, y compris la politique budgétaire. Elles font partie d’un tout et participent à la réalisation d’un même idéal, dérivant toutes de la même matrice de politiques publiques qu’est le Plan Sénégal Emergent.
En dotant le Sénégal pour la première fois de son histoire, d’une vision à moyen et long termes qui se fonde sur une combinaison réfléchie et intégrée d’une transformation structurelle de notre économie et en même temps de la revalorisation de notre capital humain, dans un cadre rénové d’intégrité et de gouvernance publique, le président Macky Sall a véritablement fait le choix d’un Sénégal de tous et d’un Sénégal pour tous qui place notre pays, le Sénégal, de manière irréversible sur la voie d’une émergence inclusive et d’une prospérité retrouvée et partagée.
Les résultats sont déjà tangibles au grand bonheur du peuple sénégalais.
D’autres succès nous attendent.
Mahammed Boun Abdallah Dionne est ingénieur, économiste, Premier ministre du Sénégal