MISS ALGÉRIE 2019 : MAIS POURQUOI TANT DE HAINE?
Khadidja Benhamou est la nouvelle Miss Algérie. Originaire du sud du pays, elle a une peau plus foncée. Une différence qui lui a valu une déferlante de messages racistes.
Depuis le 4 janvier dernier, une polémique autour de la nouvelle Miss Algérie fait rage sur les réseaux sociaux. La raison : Khadidja Benhamou, 19 ans, élue Miss Algérie 2019, aurait une couleur de peau trop foncée et serait ainsi trop « noire ». Face à la montée des commentaires haineux et racistes, la nouvelle Miss a décidé de réagir. « Je ne regarde pas les réseaux sociaux. Que Dieu montre le chemin à ceux qui me critiquent et préserve ceux qui m'encouragent », a-t-elle ainsi répondu à ses détracteurs, qui se sont acharnés sur la couleur de sa peau.
-QUE S'EST-IL PASSÉ-
C'est la première fois depuis la création de la compétition dans les années 1980 qu'une candidate originaire du sud-ouest du pays remporte l'écharpe. Originaire de la région de l'Adrar, située à quelque 1 400 km d'Alger, la capitale, Khadidja Benhamou travaille comme hôtesse dans un grand restaurant de la capitale. Élue Miss Algérie 2019 face à treize autres candidates lors d'un gala au théâtre national Mahieddine Bachtarzi d'Alger, elle est depuis lors victime de publications et commentaires racistes sur les réseaux sociaux algériens. Sa peau noire dérange des internautes qui se disent « choqués du choix du jury ». Plus virulentes que l'année dernière où les internautes n'avaient pas non plus appréciés le choix de la gagnante, une reine de beauté blonde aux yeux bleus, les critiques de cette année s'attaquent à la couleur de la peau, mais aussi, à la texture des cheveux de la jeune femme jugée pas assez lisse et donc trop crépu. En réalité, Khadidja Benhamou doit affronter deux problématiques majeures : le colorisme et la négrophobie. Dans les messages qu'on lit, Miss Algérie est jugée « pas assez claire » pour être algérienne. Cela correspond au colorisme soit une discrimination entre les peaux de couleur, favorisant les peaux plus pâles . Un legs de la colonisation et de l'esclavage qui a participé à la création du mythe de la beauté blanche et qui explique en grande partie pourquoi de nombreuses populations issues des anciennes colonies (Inde, Afrique surtout) dans le monde utilisent les produits éclaircissants.
-LE RACISME ANTI-NOIR PERSISTE AU MAGREB-
Et dans la suite des messages, elle est en fin de compte comparée à des personnes noires avec des stéréotypes dégradants sur les cheveux crépus par exemple. C'est une manière directe de refuser l'africanité de la jeune femme et de l'Algérie.
Les messages de soutien se sont multipliés à la suite de ces publications haineuses. Et, fait important à souligner, de nombreux internautes subsahariens disent leur colère face à ce racisme lancinant qui les touchent tout autant. « Soutien total pour Khadidja Benhamou, Miss Algérie 2019, face à la critique raciste sur la couleur de sa peau. Il est déplorable qu'en 2019 certains soient encore discriminés à cause de la seule pigmentation de leur peau. C'est aussi inconcevable qu'intolérable », s'exclame Gilchrist Boni sur Twitter.
Plusieurs médias nationaux ont consacré articles et éditoriaux à ce sujet, appelant à dépasser le cadre de l'élection de Miss Algérie. Pour la journaliste Nidal Aloui, qui publie dès dimanche son édito sur le site d'information TSA, « l'indignation ne suffira pas. Ces comportements doivent trouver une réponse des pouvoirs publics qui nous renvoient sans cesse à l'identité nationale. L'Algérie est diverse. Mais cette diversité n'est pas incarnée dans la représentation politique, dans les médias et dans la production audiovisuelle ».
Malheureusement, le cas de Miss Algérie n'est pas un cas isolé, ni en Afrique, et encore moins dans le monde. On se souvient de l'ex-miss France Alicia Aylies. Lors de son élection, la jeune n'avait pas été épargnée par les propos racistes.