C'EST APRES DIX ANS DE CHAUMAGE QUE J'AI COMMENCÉ A TRAVAILLER
Diaw Guèye, présidente de la section communale des handicapées se confie
La démarche lente, la tête bienfaite, Diaw Guèye est la présidente de la section communale des handicapées. Membre de plusieurs organisations de femmes et très imprégnée de la cause féminine, la native de Bango se confie à «L’As». Elle est revenue sur les difficultés rencontrées durant son cursus scolaire.
«J’ai rencontré d’énormes difficultés durant mon cycle primaire, parce qu’à l’époque, j’avais déjà du mal à être reçue dans les établissements scolaires. J’étais âgée de 9 ans. Le seul motif, c’était que les enseignants ne peuvent pas prendre en charge un handicapé lourd. Mais compte tenu de ma volonté et de mon insistance, ils ont finalement accepté. J’avais dépassé le niveau du CI, grâce à l’appui de mes frères et sœurs. J’étais orpheline de père, par conséquent, je ne disposais d’aucun soutien, ni de ressource.
Pis, les établissements de Saint-Louis étaient en étage. Donc, il m’était difficile d’emprunter les escaliers. Je devais prendre deux véhicules pour arriver à destination. J’allais au lycée Ameth Fall. Donc j’étais obligée de passer la journée à l’école sans manger. N’empêche, je faisais toujours des meilleures élèves de ma classe. Après le Bac, j’ai été orientée à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis et je faisais partie de la première promotion. A l’université, les difficultés ont considérablement augmenté.
L’environnement était hostile, tout était en chantier. Je faisais presque quarante-cinq (45) minutes de ma chambre aux salles de cours sans compter l’inaccessibilité des bâtiments. Au bout de trois ans, j’ai quitté pour faire une formation diplômante à Dakar. Au bout du compte, j’ai obtenu mon diplôme de comptabilité. Je suis revenue après à Saint-Louis à la recherche d’un stage ou d’un emploi, mais ce n’était pas facile. Les employeurs refusaient systématiquement de me confier un poste dès qu’ils voyaient mon handicap.
Mais je ne me suis jamais découragée. C’est ainsi que j’ai décidé de me reconvertir en faisant du commerce. Je gagnais ma vie et j’aidais ma mère. Je n’ai jamais voulu tendre la main pour subvenir à mes besoins. C’est après dix ans de chômage que j’ai commencé à travailler dans une mutuelle d’épargne et de crédit avant d’être enfin recrutée au niveau de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. J’en ai profité pour m’inscrire et au bout de trois (3) ans, j’ai obtenu ma Licence Professionnelle de Gestion (LPG) avec la mention Très Bien. Maintenant, je fais partie des cadres de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis et j’occupe le poste de comptable à la Maison de l’Université».
«La femme handicapée n’accède pas à la terre »
«Nous avons une association composée de femmes handicapées et nous abattons un excellent travail. Nous organisons beaucoup d’activités durant l’année. Au niveau associatif, nous travaillons beaucoup pour accéder à l’autonomisation des femmes handicapées. Nous insistons sur la scolarisation et la formation de nos membres, en passant par le renforcement de nos capacités. S’agissant des financements, nous sollicitons une ligne de crédit ou un quota dans les différents programmes de financement de l’Etat du Sénégal, tels que la DER, le Fonds de crédits Femme, l’Anpej, la Micro finance, en vain.
Les rares financements que nous recevons proviennent de la Direction générale de l’Action sociale à travers le Programme national de Réadaptation à Base communautaire (PNRBC) à travers les services déconcentrés. Nous déposons des correspondances partout, mais rares sont les partenaires qui réagissent positivement. Il faut une ségrégation positive. Nous menons, entre autres activités, de la teinture, de la couture, de la coiffure et du petit commerce pour lutter contre l’oisiveté, le chômage et la mendicité. Mais, des efforts doivent être consentis par les partenaires et l’Etat pour inverser la tendance. La femme handicapée n’accède même pas à la terre».
Prise en charge médicale des personnes handicapées véritable casse-tête
«Pour travailler, il faut être en bonne santé. La prise en charge sanitaire des personnes handicapées est très timide. Nous éprouvons d’énormes difficultés par rapport à la santé de la reproduction. Les infrastructures sont inaccessibles (salles, tables) parfois inadaptables à la femme handicapée. Une femme handicapée en état de grossesse doit être suivie par un gynécologue dès le troisième (3ème) mois.
Cependant, la plupart accouchent souvent par césariennes. Même si l’acte est gratuit, le coût des médicaments est exorbitant. Il y a la Loi d’Orientation Sociale qui a été votée, mais il reste son application. Il y a certes les programmes de filets sociaux comme la Carte d’Egalité des Chances, les Bourses de Sécurité familiale et la Couverture Maladie Universitaire, mais l’enrôlement pose problème.
Seule l’application peut résoudre les difficultés des personnes handicapées. L’emploi n’est pas garanti alors que les personnes handicapées représentent 15%. Il urge aujourd’hui d’appliquer ce quota au niveau de la fonction publique».