BENNO BOKK YAKKAR, EN QUETE DE SURVIE POLITIQUE
En attendant la formation d’un nouveau gouvernement après la réélection pour un deuxième et dernier mandat du président Macky Sall, la coalition Benno Bokk Yakaar semble vivre ses derniers mois.

Malgré les efforts de certains de ses membres pour ralentir le chrono et maintenir la cohésion, la mouvance présidentielle est consciente de l’inéluctabilité de son implosion. Le Témoin soumet ainsi à la loupe des analystes l’état de ce patient en situation critique. Décryptage !
Au-delà de la formation, attendue dans quelques jours, d’un nouveau gouvernement après la réélection du président Macky Sall au soir du 24 février dernier, tous les yeux sont rivés vers le futur de la coalition Benno Bokk Yaakar (Bby). Sommes-nous au crépuscule de cette alliance politique qui l’a soutenu en un bloc compact sept ans durant ? Benno Bokk Yaakar a-t-elle sa raison d’être au cours de ces cinq dernières années du président Macky Sall au pouvoir ? Les positions des observateurs soit pour le moins mitigées. Ainsi, selon le journaliste et analyste politique Ibrahima Bakhoum, un diagnostic des composantes de cette alliance, s’impose d’emblée. « Macky Sall a trois générations de compagnons. Il y a ceux qui sont allés avec lui dès la naissance de l’APR pour ensuite mettre en place la coalition « Macky 2012 » et il y a ceux venus dans l’entredeux tours de l’échéance présidentielle de 2012 comme les Niasse, Tanor et autres puis enfin nous avons les arrivées de la dernière heure qu’on peut appeler les ralliés, venus la plupart du PDS sous la casquette de transhumants », énumère-t-il pour camper le sujet. Le tableau représentatif de ce cartel politique est ainsi peint à travers différentes vagues en mouvement composées par des « alliés et des ralliés ».
Depuis l’annonce de la victoire du président Macky Sall au soir du 24 février 2019, la scène médiatique est secouée par une guerre de positionnement. Si certains hommes politiques veulent monter en épingle leur contribution « décisive » supposée à la réélection du président sortant, d’autres essayent de s’exonérer de toute faute ayant conduit à la défaite du candidat de Bby dans leur bastion. Immédiatement après, a suivi le débat sur une éventuelle anticipation des élections législatives, prévues pour 2022, pour un couplage avec les municipales devant se tenir en décembre prochain. Une proposition faite par la dernière ralliée au pouvoir, l’avocate Aïssata Tall Sall, par ailleurs mairesse de Podor et leader du mouvement « Oser l’avenir ». Une proposition jugée « inopportune » et « prématurée » par le Parti socialiste, un des géants de la mouvance présidentielle, dont Me Aïssata Tall Sall était une figure de proue. Au bout du fil, le journaliste et analyste politique Ibrahima Bakhoum voit dans ce débat sur le couplage une querelle ayant pour but de se positionner dans les listes des élections législatives et municipales à venir.
Selon le vétéran de la presse, « tous les gens qui s’accrochent autour du maintien de Benno savent que, sans la coalition, ils ne représenteront plus rien du tout. Donc, en ce sens, ils ont raison de dire : ‘restons ensemble pour les échéances locales’ ». Poursuivant, notre interlocuteur met l’accent sur la question de la représentativité de la jeunesse qui semble être mise de coté dans les postes stratégiques du régime en place. Selon Ibrahima Bakhoum, en effet, « actuellement, les jeunes militants du parti au pouvoir estiment qu’il y a une relève politique qui existe au sein même de l’Alliance pour la République (APR). Et ils s’estiment lésés au profit de la vieille classe politique de la coalition Benno Bokk Yaakar composée des barons de partis traditionnels». Les couleurs d’une alternance générationnelle se voient ainsi annoncées. Macky Sall compte-t-il se plier à cette volonté « légitime » de cette frange de son parti ? En tout cas, le journaliste Bakhoum assure qu’une éventuelle fracture au sein de la mouvance présidentielle est prévisible. « Les alliés de Macky savent eux-mêmes que le compagnonnage ne va pas perdurer. Ce qui intéressait le président, c’est son deuxième mandat » explique-t-il. Quant au spécialiste en la matière, Assane Samb, lui, il précise et donne date. « Actuellement, Macky a besoin de l’appareil Benno Bokk Yaakar car il ne voudra pas s’inscrire dans une dynamique de cohabitation à l’horizon 2022 aux législatives. A partir de ce moment, il sera question pour lui de réfléchir sur la réorganisation de son parti ». Le temps du cartel politique est donc compté.
Vers un gouvernement de technocrates…
La fin des manigances politiques laisse place à l’expertise. C’est ce que soutient l’analyste politique Assane Samb, donnant son opinion sur la réorientation de l’exécutif qui se profile « Il ne s’agit plus de nominations politiques, mais Macky gagnerait à privilégier les compétences et mettre fin au fractionnement des ministères en mettant en place un gouvernement compétent et non pléthorique. Pour ce faire, le président doit se tourner vers les cadres et il y en a dans son entourage » soutient-il. Cependant, Assane Samb, en tant qu’observateur, dit ne pas s’attendre à des changements majeurs d’ordre structurel surtout dans des postes clés telle la primature
« Macky Sall doit faire preuve d’initiative, d’audace et de courage dans un environnement des affaires internationales très difficile »
Dans son analyse des enjeux socio-économiques actuels, Assane Samb estime que le chef de l’Etat doit faire œuvre d’une forte volonté politique pour sortir le pays du gouffre. A l’en croire, les jeunes attendent Macky Sall au tournant sur sa promesse de créer un million d’emplois durant son dernier mandat. Egalement, la problématique de l’éducation reste à résoudre surtout la situation des grèves cycliques dans laquelle est plongée le pays ainsi que la lancinante question des étudiants orientés dans le privé. Une forte demande sociale qui fait dire à l’analyste que « Macky Sall doit faire preuve d’initiative, d’audace et de courage dans un environnement des affaires internationales très difficile ». C’est dire que les difficultés sont partout et bousculent les coalitions politiques jusqu’à les mettre à genoux.