UCAS JAZZ BAND, NOSTALGIE D'UN PASSÉ HAUT EN RYTHMES
Il fut un temps où le groupe était incontournable sur la scène musicale sénégalaise. Avec la disparition de plusieurs des membres, les prestations sont rares. L'occasion de préparer la relève pour préserver le patrimoine
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Amadou Lèye Sarr, ce nom est bien familier aux Séedhiois. À Sédhiou, n’importe qui des générations 1960, 1970 ou 1980 pourrait apporter une pluie de témoignages et d’anecdotes sur l’homme. En effet, Amadou fait partie de la deuxième génération de l’orchestre de l’Ucas Jazz band. Enveloppé dans un boubou traditionnel, traits du visage tirés par l’âge, l’artiste vit toujours la passion de ses débuts. Ses yeux valsent entre ses interlocuteurs et ses carnets de notes où sont couchés les dates et moments de gloire du groupe. C’est l’expression de la passion. Malgré une corde vocale affaiblie, Amadou Lèye Sarr n’hésite pas à fredonner quelques airs de vieilles chansons en manding.
Le groupe Ucas Jazz band de Sédhiou a été créé le 4 octobre 1959. « C’est l’un des premiers orchestres africains à combiner instruments traditionnels et modernes. Nous avons très tôt adopté ce savant dosage», soutient l’artiste musicien. Aux heures de gloire, les 16 membres de ce groupe avaient proposé une douzaine d’albums aux mélomanes et des tournées internationales dont cinq en Europe. Hélas, son aura a été freinée par le décès de douze des seize membres fondateurs. « La plupart de nos compagnons sont décédés. Il n’en reste que quatre, le bassiste Ibou Diayité, le batteur chanteur Diams, un autre et moi-même », informe Amadou Lèye Sarr qui, durant toute sa carrière, a chanté en Peul, en Mandingue, en Balante, en Diola, en Français et en Espagnol, le plus souvent, avec de grands noms de la musique sénégalaise dont Alias Diallo. Le passé de l’orchestre Ucas Jazz band de Sédhiou, il le raconte avec une grande fierté tant les expériences sont belles et croustillantes.
La relève se prépare
La dernière prestation du groupe Ucas Jazz band à Dakar remonte à 2010. Même si les musiciens encore actifs se sont produits lors du festival international de Sédhiou, en février dernier, le dynamisme n’est plus le même. Mais il est hors de question, pour Amadou et ses camarades, de laisser mourir ce qui est l’incarnation même de la culture de Sédhiou. Et pour perpétuer le legs, quoi de mieux que l’intégration progressive mais sûre des jeunes musiciens dans l’orchestre ? C’est la stratégie adoptée par les doyens en tout cas. « L’expérience de plus d’une moitié de siècle accompagne petit à petit la jeune génération. C’est comme une sorte de phase de transition. Nous sommes en train de passer le flambeau aux plus jeunes. La transition se fait à plusieurs niveaux. Il s’agit d’abord de faire en sorte que les jeunes de Sédhiou puissent s’intéresser à la culture, pour ensuite pérenniser le groupe », soutient Amadou Lèye Sarr.
Même s’il joue toujours, il est plus tourné vers la formation. « Je suis plus dans l’encadrement pour préserver le patrimoine. Nous formons les gosses, car beaucoup d’entre eux jouent bien mais n’ont pas la justesse qu’il faut. Ils passent souvent à côté, concernant les battements des temps », regrette-t-il.
Quand Mobutu les a confondus à des Congolais
Les souvenirs des spectacles sont encore frais dans la mémoire d’Amadou Lèye Sarr. C’est avec une joie et un sourire large qui laisse apparaître une dentition clairsemée qu’il replonge dans les instants de gloire de ce mythique orchestre. L’anecdote qui l’a sans doute le plus marqué, c’est la prestation du groupe à Ziguinchor. À l’époque, se souvient-il, le Président du Zaïre (actuel Rdc) était venu à Ziguinchor, hôte d’Assane Seck. Et il fallait lui faire découvrir une facette de la culture sédhioise. « C’est en cours de route entre Vélingara et Ziguinchor que nous avons composé deux chansons. L’une était un morceau de bienvenue, l’autre une reprise d’un célèbre morceau d’un mythique groupe congolais. C’était vraiment top. Nous l’avons réalisé en moins de deux heures. Le spectacle était impressionnant », se souvient-il. Selon lui, la reprise du morceau congolais était tellement réussie que Mobutu dit à son hôte, qu’il ne s’attendait pas à trouver des Congolais au Sénégal. Assane Seck lui répondit que ce n’étaient pas des Congolais, mais bien des Sénégalais.
Cet épisode est d’ailleurs loin d’être le seul instant de gloire de l’orchestre Ucas Jazz band de Sédhiou. Amadou Lèye Sarr et les autres musiciens ont, plusieurs fois, participé à des compétitions couronnées de succès. « Nous sommes la deuxième génération de l’orchestre fanion de Sédhiou. Nous avons remporté les médailles d’or du festival de la jeunesse de 1967, 1970 et 1972 », rappelle-t-il. À l’en croire, après ces nombreuses victoires, le groupe musical a été déclaré hors catégorie. L’Ucas a également été le premier groupe à représenter le Sénégal au Festival culturel panafricain d’Alger en 1969. « L’interprétation était notre force. L’autre chance, c’est d’avoir plusieurs leads vocaux », précise Amadou Lèye Sarr.