GÉRALDINE FALADÉ, GARDIENNE DE LA MÉMOIRE DES PIONNIÈRES D'AFRIQUE
La journaliste franco-béninoise consacre un livre aux femmes, trop peu connues, qui ont fait avancer le continent vers l’indépendance et l’unité
Ecouter Géraldine Faladé, 86 ans, raconter sa vie, c’est traverser plus d’un demi-siècle de presse et de combats en Afrique. Son parcours remarquable a secoué le public du festival « Atlantide » de Nantes, mi-juin, surpris d’être jusque-là passé à côté de cette journaliste de terrain dont l’aura et l’engagement pour la cause des femmes évoquent à la fois l’écrivaine guadeloupéenne Maryse Condé et l’autrice nigériane Chimamanda Ngozi Adichie.
Ce décalage entre l’importance de ce qu’accomplit une femme et la place que l’histoire lui réserve se trouve justement au cœur de Turbulentes !, le deuxième livre de Géraldine Faladé, paru en août 2020 aux éditions Présence africaine. Une collection de portraits de pionnières – première maire, première enseignante, première médecin, première ministre, etc. – qui se lit d’une traite, tel un formidable bréviaire de la fabrique tronquée des héros nationaux.
Elles sont mariées ou divorcées, mères de six enfants ou d’aucun, toutes invariablement libres et déterminées. Géraldine Faladé, née en 1935 au Dahomey (l’actuel Bénin), les décrit tandis qu’elles font avancer le continent vers l’indépendance et le rêve d’une Afrique unie.
Des combats méconnus
Parmi elles, des militantes comme la Guinéenne Jeanne Martin Cissé et la Sénégalaise Caroline Faye Diop. « Elles ont participé à la création de l’Organisation panafricaine des femmes, à Bamako en 1962 – un an avant la fondation de l’Organisation de l’unité africaine ! », souligne l’écrivaine. Engagée aux côtés du président guinéen Ahmed Sékou Touré, Jeanne Martin Cissé fut vice-présidente de l’Assemblée révolutionnaire de son pays et son ambassadrice à l’ONU. L’enseignante sera la première femme présidente du Conseil de sécurité des Nations unies, quand la Guinée en occupera la présidence tournante en 1972.
Méconnu aussi, le combat de l’enseignante et militante nigériane Funmilayo Ransome-Kuti (1900-1978). Celle qu’on surnomme « la lionne » d’Abeokuta, sa ville d’origine, distribue des ardoises aux vendeuses du marché et à leurs filles afin qu’elles apprennent à lire, à écrire et à défendre leurs droits. Puis elle sollicite l’aide des jeunes de sa famille pour donner des cours d’alphabétisation. Son neveu accepte, c’est le futur Prix Nobel Wole Soyinka. Plus tard, celle qui est aussi la mère du chanteur Fela Kuti voyage dans le monde entier, rencontre Mao Zedong et Jawaharlal Nehru, et n’hésite pas à quitter son parti politique parce qu’il n’accorde pas assez de place aux femmes.