POSTE DE SANTÉ DE MERMOZ, UN ICP MAL RÉCOMPENSÉ
Nous nous trouvons face à un cas flagrant d’injustice, où les présumés coupables s ‘en tirent à bon compte, alors que l’innocent se trouve arbitrairement sanctionné
Dans l’effervescence entourant la compétition électorale en cours, un événement risque de passer inaperçu. Il s’agit de l’affectation arbitraire de l’infirmier chef du poste (ICP) de santé de Mermoz, dont on se serait plutôt attendu à ce qu’il soit félicité et/ou décoré. De fait, l’histoire de cette structure sanitaire pourrait faire partie des success stories de notre système sanitaire.
Retour sur les soins primaires en milieu urbain
Créé vers les années 90, il fait partie de ces postes de santé urbains, qui ont énormément contribué à faciliter l’accès aux soins des populations de nos villes, dont la plupart, n’ayant pas de protection sociale se sont appauvries, avec le temps.
Si nous prenons l’exemple du quartier Mermoz, il fait partie des cités construites après la deuxième guerre mondiale, pour résorber la crise du logement qui avait atteint le personnel administratif et militaire européen, auquel, les cadres et employés sénégalais allaient se substituer, après l’accession de notre pays à l’indépendance.
Dans les décennies post-indépendance, on pouvait considérer les habitants de ce quartier, souvent actifs dans le secteur moderne de l’Économie et bénéficiant d’une protection sociale (IPM, imputations budgétaires), comme relativement bien lotis, mais deux faits allaient changer la donne.
Il y eut d’abord la crise économique des années 80 consécutive à la sécheresse, qui a donné lieu à un ajustement structurel synonyme de rigueur économique et de fermetures d’entreprises avec pertes massives d’emploi.
Par ailleurs, le profil de la plupart des quartiers résidentiels dakarois allait progressivement se modifier, ayant pour conséquences, l’évolution de la demande de soins, en rapport avec une explosion démographique, le vieillissement des chefs de famille et la cohabitation de plusieurs générations sous un même toit.
Outre les besoins accrus en santé maternelle et infantile, on a noté l’impact de la transition épidémiologique, marquée par l’émergence des maladies non transmissibles.
C’est ainsi que de plus en plus de postes urbains virent le jour au sein du département de Dakar, même si certains d’entre eux étaient peu connus et de ce fait, pas très bien fréquentés. Graduellement, ils vont jouer le rôle de structures de premier niveau pour faire face à l’accroissement de la demande en soins primaires et désengorger les centres de santé et hôpitaux nationaux.
Métamorphose du poste de santé de Mermoz
C’est sous cet angle qu’on peut mieux apprécier les gigantesques progrès obtenus par l’équipe du poste de santé de Mermoz, dans la satisfaction de la demande de soins, depuis maintenant quelques années.
Ces efforts des professionnels de la santé ont trouvé du répondant au niveau des nouveaux managers de la commune qui, avec le soutien de la Fondation SONATEL, ont complètement transformé le visage de la structure, en faisant une sorte de "petit centre de santé" ou "poste de santé amélioré", avec une maternité, un laboratoire. Le maire Barthélémy Diaz a inauguré le poste de santé rénové, le 21 octobre 2020 et l’a baptisé du nom du défunt Cheikh Ababacar Mbengue, homme politique ayant résidé dans la commune de Mermoz et ancien directeur de l’agence de couverture médicale universelle.
Grâce à son entregent et son sens de l’initiative, l’infirmier chef de poste a même réussi à organiser plusieurs vacations de spécialistes, tordant le cou aux normes de la carte sanitaire et autres directives ministérielles, au grand dam des bureaucrates du ministère de la Santé, mais à la grande satisfaction des usagers.
Cette diversification de l’offre de santé, qui nous semble digne d’intérêt en milieu urbain, a induit l’augmentation impressionnante du taux de fréquentation et des recettes.
Exacerbation des contradictions entre techniciens et élus locaux
L’affectation injustifiée de l’infirmier chef de poste de Mermoz découlerait, selon la rumeur d’une demande expresse de l’autorité municipale visiblement mal informée et induite en erreur.
Pourtant, selon les normes de la gestion démocratique du personnel, pour un agent étatique, cette opération aurait dû se faire au sein de la commission régionale de redéploiement du personnel, au sein de laquelle siègent les partenaires sociaux.
Certes depuis 1996, année d’entrée en vigueur de l’acte II, il y a toujours eu de nombreux conflits entre élus locaux et gestionnaires des structures de santé, portant le plus souvent sur le faible taux d’exécution des fonds de dotation décentralisés au profit du secteur de la santé ou sur la gestion des ressources humaines.
Ainsi, le transfert de la compétence santé, qui aurait dû être une opportunité pour les structures de santé du niveau opérationnel, est devenu une lourde contrainte. De plus, la transformation des organes autonomes de participation communautaire que constituaient les comités de santé en comités de développement sanitaire (CDS) inféodés aux collectivités territoriales n’a fait qu’aggraver le problème. En effet, ils servent, la plupart du temps de chevaux de Troie à des préoccupations clientélistes, en porte-à-faux avec les intérêts des professionnels de santé, du personnel communautaire et des populations.
C’est précisément les retards de versements – censés être quotidiens - par la Trésorière, des recettes issues des activités du poste de santé au niveau du compte bancaire, qui sont à l’origine du conflit ayant opposé le chef de poste aux membres du CDS.
Au lieu de porter plainte – ce que la loi lui permet de faire -, et dans un souci de ne pas détériorer davantage le climat social, le chef de poste, qui avait averti aussi bien le préfet de Dakar que le médecin-chef de district, s’est contenté de dessaisir les membres du CDS en fin de mandat de la gestion des recettes qu’il assure, depuis lors, en attendant le prochain renouvellement, qui ne saurait tarder.
Nous nous trouvons donc face à un cas flagrant d’injustice, où les présumés coupables s ‘en tirent à bon compte, alors que l’innocent se trouve arbitrairement sanctionné.
Les autorités sanitaires, administratives et municipales, dont deux candidats au poste prestigieux de maire de la Ville de Dakar feraient preuve de grandeur, en annulant cette décision injuste et en rétablissant l’infirmier-chef de poste de Mermoz dans ses droits.
Dr Mohamed Lamine Ly est ancien MCD du district de Dakar-Ouest, membre honoraire du SDT/3S