L’HEURE DE TRANCHER
La Constitution consacre depuis sa version de 2001 le statut de l'opposition et de son chef. Mais jusqu'à présent, le Sénégal reste suspendu à l'adoption d'une loi en vue de déterminer les critères. Un débat que la prochaine législature pourrait évacuer
La Constitution consacre depuis sa version de 2001 le statut de l'opposition et de son chef. Mais jusqu'à présent, le Sénégal reste suspendu à l'adoption d'une loi en vue de déterminer les critères. Un débat que la prochaine législature pourrait trancher.
Entre Amadou Ba et Macky Sall, qui doit occuper le poste de chef de l'opposition ? La question reste entière au sortir des élections législatives. Le premier est arrivé deuxième lors de la dernière élection présidentielle tandis que la liste que le second a dirigée est devenue la première force politique de l'opposition à l’Assemblée nationale. Toujours est-il que jusque-là, aucun des deux concernés n'a publiquement revendiqué le statut. Mais Ousmane Sonko qui a relancé le débat semble avoir une préférence. Le leader du parti Pastef / Les Patriotes, par ailleurs Premier ministre, penche pour Macky Sall. Et pour cause, selon lui, c'est l'Assemblée nationale qui doit déterminer le chef de l'opposition. «J’avais dit dans le débat qui avait été agité sur le statut du chef de l’opposition que c’est la représentation parlementaire qui, en principe, doit déterminer le statut du chef de l’opposition parce que le débat politique se tient d’une manière continue au-delà des élections à l’Assemblée nationale», a déclaré, dimanche à Saly, la tête de liste du parti au pouvoir aux dernières élections législatives lors d’un séminaire de formation des députés issus de son camp.
Toutefois, il faut dire que le flou juridique persiste sur le statut de chef de l'opposition. Même s'il est consacré par la charte fondamentale, le Sénégal attend toujours la loi qui doit l'organiser. Elle devrait déterminer si le statut de chef de l'opposition revient au candidat classé deuxième à l'élection présidentielle ou à la liste arrivée deuxième aux Législatives. Déjà avec la constitution de 2001, le Président Abdoulaye Wade, après 26 ans d'opposition face au régime socialiste, a cherché à élever l'opposition. Mais il n'est jamais allé jusqu'au bout de son idée. Le Président Macky Sall a tenté de lever le flou avec une révision constitutionnelle intervenue en 2016 qui traite à son titre V le statut de l'opposition.
Ainsi, la Constitution dispose en son article 58 : « La Constitution garantit aux partis politiques qui s’opposent à la politique du Gouvernement le droit de s’opposer. La Constitution garantit à l’opposition un statut qui lui permet de s’acquitter de ses missions. La loi définit ce statut et fixe les droits et devoirs y afférents ainsi que ceux du Chef de l’opposition». Mais depuis cette réforme qui est venu consolider le rôle de l'opposition, les choses sont restées en l'état. Il faut tout de même relever que le dialogue national voulu par Macky Sall après sa réélection en 2019 avait permis d'aboutir à la rédaction d'un texte, même si la classe politique à l'époque était divisée sur le rang protocolaire du chef de l’opposition. Il stipulait : «Le candidat arrivé deuxième à l’élection présidentielle est désigné́ comme chef de l’opposition. Ce dernier a rang de président d’institution de la République».
Toutefois, ce texte qui devrait subir le toilettage nécessaire en vue de son adoption n'est jamais arrivé devant l’Assemblée nationale. L'adoption de cette loi organique pourrait être l'un des chantiers de la prochaine législature dont l'installation est attendue dans les prochains jours. D’ailleurs, dans son premier discours à la nation, le chef de l'État avait annoncé son intention d'organiser de larges concertations avec les partis politiques et la société civile pour réfléchir sur le système politique, notamment le processus électoral, la rationalisation et le financement des partis politiques. Mieux, le pouvoir actuel qui vient de s'emparer de la majorité des sièges à l'Assemblée nationale a les coudées franches pour légiférer. Et si le régime actuel avec ses moyens politiques et sa volonté combinées avaient l’heur de trancher le débat sur le statut du chef de l'opposition ?