ARTISANES DE LA PAIX, MAIS «BANNIES» DES NÉGOCIATIONS
Victimes et couches vulnérables de la crise armées en Casamance, les femmes de la Casamance se sont toujours illustrées dans la résolution des conflits et plus particulièrement le conflit casamançais
Victimes et couches vulnérables de la crise armées en Casamance, les femmes de la Casamance se sont toujours illustrées dans la résolution des conflits et plus particulièrement le conflit casamançais. Une implication qui trouve toute son origine dans des soubassements culturels et traditionnels. Malheureusement, ces artisanes de la paix ont le sentiment d’être «bannies» des négociations. Une mise à l’écart qu’elles déplorent, confortées en cela par le fait que tous les accords signés, sans leur présence, sont tombés dans l’eau.
«Notre implication dans la résolution des conflits et notre engagement dans le règlement des conflits date de très longtemps. Car, dans notre société, la femme a toujours été au devant dans le règlement des conflits. Nous héritons cette casquette d’artisane de la paix des réalités culturelles et traditionnelles de notre région», nous confie Madame Ndeye Marie Thiam Diedhiou, Coordonnatrice de la Plateforme des femmes pour la Paix en Casamance (PFPC). Et de poursuivre : «le conflit en Casamance a éclaté en 1982. En 2000, il y a eu la Résolution 13.25 (des Nation unies – ONU, ndlr). Mais, bien avant, à travers des organisations de femmes ici comme Kagamen, Kabonketor, Usoforal, les femmes du Bois sacré…, nous nous sommes levées pour nous impliquer dans la résolution du conflit. Donc, notre engagement ne date pas d’aujourd’hui», martèle Madame Thiam. A travers de fortes mobilisations, ces femmes de la Casamance, mères et victimes, s’activent constamment dans la recherche de la Paix dans cette partie Sud du pays qui tangue depuis des années entre accalmie précaire et insécurité.
«NOUS DEPLORONS DE TOUTE NOTRE FORCE LE FAIT QUE DES NEGOCIATIONS SE FONT SANS L’IMPLICATION DES FEMMES ET…»
Toutefois, ces femmes qui se sentent exclues des négociations réclament une implication concrète dans celles-ci. «Nous ne sommes pas impliquées. On ne sait pas ce qui se dit, ce qui est en train de se négocier. Qu’est ce qui est en train de se dire ? Si c’est pour nous qu’on négocie, au moins qu’on nous dise ce qui est en train de se faire ; quelles sont les décisions qui sont prises ? Cela nous permettra de mieux orienter notre travail», déplore la Coordonnatrice de la PFPC. Aussi exprime-t-elle toute son amertume sur cette mise à l’écart des femmes dans le processus de négociations. «Nous déplorons de toute notre force le fait que des négociations se font sans l’implication des femmes et des organisations de la société civile. Il est vrai que c’est l’Etat du Sénégal et le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc) qui sont en conflit, qui se battent, mais c’est nous, populations, qui subissons les affres de ce conflit». Et Mme Thiam d’insister : «donc, je pense qu’après tout le travail abattu par les femmes, nous avons droit au chapitre. Nous devons être impliquées dans la résolution de ce conflit parce qu’elles (les femmes, ndlr) ont leurs préoccupations qui leur sont propres, leur vécu qui leur est propre et qu’on devrait prendre en compte lors des négociations», souligne la responsable des femmes qui s’activent dans la paix en Casamance qui s’insurgent contre leur non implication dans le discret processus de négociations.
«COMME A BANJUL, OU LES FEMMES ONT FORCE LA PORTE POUR PRENDRE LA PAROLE… NOUS CONTINUONS LE TRAVAIL POUR NOUS IMPOSER»
D’ailleurs, ces mêmes femmes sont d’avis qu’elles sont complétement «bannies» dans les négociations. Et tous les accords signés, sans leur présence, sont tombés dans l’eau. Les femmes, qui ont subi des violences et toutes sortes de brimades, exigent une place centrale dans les négociations. L’heure est au forcing maintenant, semble dire Madame Thiam, qui lance : «nous avons beaucoup travaillé pour que la paix revienne. Néanmoins on n’entend pas leur voix. Les femmes n’ont jamais été impliquées dans la résolution du conflit en Casamance. Résultats, tous les accords qui ont été signés ont été nuls, il n’y a pas eu de débouchés, pas de suivi». La coordonnatrice de la PFPC rappelle que «c’est seulement à Banjul que les femmes se sont imposées. Elles ont forcé la porte pour prendre la parole, alors qu’elles y étaient en tant qu’observatrices. Nous continuons à faire le travail. Et nous allons nous imposer», lâche Madame Thiam.
«DE FAÇON CONCRETE, LE MFDC A COUPE AVEC TOUTES LES ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE, MAIS…»
A la question de savoir si le Mfdc les écoute, Ndeye Marie Thiam Diedhiou répond : «de façon concrète, le Mfdc a coupé avec toutes les organisations de la société civile. Mais je sais qu’il suit les évènements. Il y a des franges les plus accessibles que nous rencontrons souvent. Maintenant, concernant l’Etat du Sénégal, il faut dire qu’à chaque fois que le chef de l’Etat vient en Casamance, il nous reçoit», déclare-t-elle. Aujourd’hui, ces femmes de la Casamance regroupées autour de la Plateforme pour la paix en Casamance (PFPC) exigent leur implication dans le processus de négociations. Et, en ce 8 mars, marquant la Journée international dédiée aux femmes dans le monde entier, un fort plaidoyer sera déroulé par ces femmes. Pour cela, elles comptent sonner la mobilisation non seulement pour dérouler le thème de cette célébration mais aussi en profiter pour interpeller les différentes parties prenantes sur leur implication nécessaire au processus de négociations en Casamance.