UN LONG CHEMIN VERS UN DERNIER ADIEU
PRETORIA, 11 déc 2013 (AFP) - Le chant d'un oiseau trouble à peine le silence. Malgré la fatigue et les années, Rebecca Maleka accélère subitement le pas et s'approche de l'estrade où repose celui qui l'a libérée, Nelson Mandela.
"C'est une occasion de le voir dormir dans son cercueil, dit-elle. Je voulais venir en personne le voir dormir dans ce cercueil". Dans la cour d'honneur de la présidence sud-africaine, qui surplombe la capitale Pretoria, une structure provisoire a été érigée pour abriter la dépouille du père de la Nation arc-en-ciel.
Des militaires en uniforme blanc se tiennent tête baissée, sans ciller, autour de son cercueil, où le bois a été remplacé au niveau du visage par une surface transparente. Les yeux fermés, habillé d'une de ses traditionnelles chemises à motifs, Nelson Mandela a les traits au repos.
Rebecca, une ancienne institutrice âgée de 70 ans, ne verra pas grand'chose de plus: la file avance et elle doit poursuivre son chemin malgré l'émotion. Quelques pas plus loin, elle croise un militaire avec une boîte de mouchoirs en papier.
"Mon père est mort au même âge, 95 ans", parvient-elle à articuler à la sortie de l'édifice. "Nelson Mandela était notre père à tous."
Fille d'un militant de l'ANC, le parti de la lutte contre l'apartheid, elle a toujours entendu parler de Mandela et a suivi toutes les étapes de sa vie: militant anti-apartheid, prisonnier politique pendant 27 ans, négociateur, premier président noir de l'Afrique du Sud.
"Aujourd'hui, ce n'est pas pareil"
Depuis sa mort, jeudi, elle a suivi les commémorations à la télévision, notamment la cérémonie officielle en présence d'une foule de dirigeants mardi à Soweto. "Mais aujourd'hui, ce n'est pas pareil. C'est un moment solennel, émouvant", dit-elle. Une occasion de rendre un hommage personnel au grand homme.
Dès 08H00, elle s'est donc placée dans la file d'attente sur le campus de l'université de Pretoria où des bus devaient effectuer des navettes vers l'Union Buildings dans l'après-midi. Sous un soleil éclatant, des centaines de personnes ont patienté comme elle, échangeant entre elles, certains chantant ou esquissant un pas de danse.
Six heures plus tard, des membres de l'organisation ont repéré les personnes âgées et Rebecca s'est retrouvée dans un car. Pendant les 15 minutes de trajet jusqu'à la présidence, l'ambiance est restée légère, un policier rappelant les règles à suivre: éteindre son téléphone portable, ne pas prendre de photo, ne pas avoir de "mouvement inapproprié".
A l'arrivée, encore quelques marches, et, en file indienne, les passagers contournent la structure qui abrite Nelson Mandela. Ils ont une vingtaine de secondes pour passer le long de son cercueil, sous l'oeil de l'aîné de ses petit-fils, Mandla, et repartent.
Dans le bus du retour, le silence est de mise. Rebecca a le regard perdu dans le vide. La fatigue ? L'émotion ? "Les deux". Elle vient de réaliser que son héros est vraiment parti.