PLUS DE 34 000 CAS RECENSÉS EN 2020 DONT 6 948 À DAKAR
L’avortement est interdit au Sénégal. Il n’est autorisé que si trois médecins différents constatent que la vie de la mère est en danger. Pourtant le Sénégal a signé et ratifié le protocole de Maputo qui autorise l’avortement en cas de viol, d’inceste.
Les chiffres font froid dans le dos. L’avortement est devenu un fléau au Sénégal. Plus de 34 000 cas d’avortements ont été recensés au Sénégal durant l’année 2020 et la région de Dakar arrive entête avec6948 cas. L’annonce a été faite hier par la chargée de la formation de l’association des juristes sénégalaises (Ajs) Awa Tounkara, à l’occasion d’une session de formation sur les droits de la santé et de la reproduction. Elle souligne que près de 63% des avortements pratiqués au Sénégal sont faits par des personnes non qualifiées.
L’avortement est interdit au Sénégal. Il n’est autorisé que si trois médecins différents constatent que la vie de la mère est en danger. Pourtant le Sénégal a signé et ratifié le protocole de Maputo qui autorise l’avortement en cas de viol, d’inceste. Mais le Sénégal traîne encore les pieds pour l’application de ce protocole. Ce qui n’est pas sans conséquence, selon les juristes sénégalaises. Car il a favorisé l’augmentation des cas d’avortements.
D’après la chargée de la formation à l’Ajs, Awa Tounkara, le nombre d’avortements constatés reste relativement élevé au Sénégal. « La direction de la Santé de la Mère et de l’Enfant fait état d’un cumul de 34 079 avortements constatés en 2020. La région de Dakar caracole en tête avec 6 948, suivie de la région de Thiès 5 300 ; Diourbel vient en 3e position avec 3 704 », a-t-elle détaillé lors d’une session de formation à l’intention des journalistes par planned parenthood global (Ppg). Elle ajoute que plus d’une cinquantaine de cas de viols et d’incestes suivis de grossesses ont été recensés par les boutiques de droits de l’Ajs entre 2014 et 2018. «Depuis janvier 2021, 472 cas de viols sont enregistrés. Au Sénégal, les statistiques révèlent 668 cas de violences sur mineurs, 706 agressions sexuelles et 1 200 cas de viols, rien qu’en 2019. »
Cette situation est à l’origine des cas d’infanticides. A l’en croire, l’infanticide est souvent l’aboutissement d’un avortement manqué. «Les motivations évoquées par les femmes auteures d’infanticides sont principalement les souffrances liées au viol et à l’inceste. Dans l’impossibilité d’accéder à un avortement médicalisé, certaines femmes cachent leur grossesse pour se débarrasser de l’enfant au moment de l’accouchement », souligne-t-elle.
Selon Mme Tounkara, près de deux tiers ou 63% des avortements pratiqués au Sénégal sont faits par des personnes non qualifiées. «Le continent est incontestablement l'un des plus répressifs en termes de législation, ce qui explique pourquoi près de 99% des avortements y sont pratiqués de manière illégale. Bien que souvent cité en exemple en matière de reconnaissance des droits des femmes, le Sénégal s'inscrit dans cette mouvance », affirme-t-elle.
La chargée de la formation à l’Ajs, souligne que le Code pénal adopté en 1962 (art. 305) fait de l'avortement un délit. « La loi sur la santé de la reproduction votée en 2005 (art. 15) confirme cette interdiction, laissant pour seule option aux femmes l'avortement thérapeutique, strictement encadré par le code de déontologie. En attendant, une femme meurt toutes les 9 minutes d'un avortement clandestin dans le monde », révèle-t-elle.