AU COEUR DES DAHIRA D'ÉTUDIANTS
A quoi ressemble le campus social de l'Ucad les soirées de jeudi et vendredi ? Pour un habitué des lieux, la réponse coule de source : un espace vibrant au rythme des chants religieux, à l’initiative d'associations musulmanes d’étudiants
A quoi ressemble le campus social de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar les soirées de jeudi et vendredi ? Pour un habitué des lieux, la réponse coule de source : un espace qui vibre au rythme des chants religieux et autres zikrs, à l’initiative des associations musulmanes d’étudiants, lesquelles, au-delà d’un simple effet de mode, sursaut de foi ou soif de religion, demeurent aussi des cadres d’épanouissement social et pédagogique pour leurs membres.
En dehors comme au sein du campus, véritable reflet de la société sénégalaise, ces associations communément appelées ‘’Dahira’’ restent des espaces de solidarité et d’encadrement, de renforcement mutuel des connaissances et de capacitation pour leurs membres sur les questions religieuses. Mais à Cheikh Anta Diop, le ‘’Dahira'' permet aussi à ses adhérents de prolonger les cours après les Amphis.
Pour dérouler ses activités, un ‘’dahira’’ peut disposer de plusieurs commissions dont une chargée des questions pédagogiques, quoi de plus normal, dirait-on, dans un milieu universitaire.
Pour Dahirou Guèye, étudiant en licence 3 au département arabe et président de la commission culturelle de la Dahira des étudiants tidianes (DET) de l’UCAD, ‘’il faut juste une bonne organisation pour allier les études et les activités’’ de l’association.
Guèye confie qu’il se réveille tous les jours vers 4 heures du matin afin d’accomplir ses obligations dans la tariqa tidianya, la voix mystique suivie par les disciples de cheikh Ahmed Tidiane chérif.
’’L’âme est comparable à un bébé. Tant qu’il n’est pas sevré, il continuera toujours à vouloir téter’’, prêche-t-il, habillé d’une chemise blanche assortie d’un pantalon super cent noir, le chapelet roulé sur le poignet de main.
Selon lui, la commission culturelle de leur association, ’’organise régulièrement des séances de capacitation pour les étudiants membres de la Dahira’’.
‘’Parmi les membres de la Dahira, il y a des doctorants, des maitrisards et même des enseignants. Ce qui constitue un véritable atout pédagogique’’, soutient-il.
Trouvé dans le hall du pavillon Ibrahima Diallo et quelques membres de son Dahira s’apprêtent à aller au restaurant central. Ils venaient juste de terminer leur séance de récital appelée wazifa qui se fait après la prière de timis (crépuscule).
Pour Diallo, président de la Dahira des étudiants Tidianes de Baye Niasse, la pratique religieuse ‘’n’entrave en rien’’ les études.
Vêtu d’un boubou traditionnel de couleur jaune, il affirme : ‘’Chaque chose en son temps. Notre pratique religieuse n’entrave en rien la bonne marche de nos études, au contraire’’.
Cet étudiant au département de lettres modernes assimile le Dahira à ‘’une école de formation. ‘’Il y a des choses qu’on n’apprend pas dans les amphis ; du coup la Dahira constitue une chance de se rattraper grâce à nos échanges’’, insiste Ibrahima.
Sur la question des rapports entre les différentes Dahiras au sein du campus social, Sémou Dabo, actuel ‘’’dieuwrigne’’ (responsable) du ‘’Daara sant sérigne Saliou bou wa keur Cheikh Béthio’’ rassure : ’’Nous entretenons de bonnes relations avec les autres Dahiras. Lorsque nous organisons nos activités, toutes les autres Dahiras sont représentées.’’
’’Pour nous, de la même manière que les études sont une obligation, la pratique religieuse aussi doit avoir sa part dans notre quotidien’’, soutient le trentenaire trouvé assis sur une natte non loin du Pavillon B.
Égrenant son chapelet, l’ancien étudiant au département de Droit estime que les Dahiras s’inscrivent dans le principe constitutionnel de la liberté de culte.