NOTRE CAPACITE REELLE DEPASSE LES 6260 ECHANTILLONS ANALYSES EN 2022
Dr Bakary Diatta, directeur du Laboratoire national d'analyse et de contrôle (Lanac), évoque les contraintes et les défis à relever
Ayant pour mission le contrôle officiel de la qualité des produits alimentaires et non alimentaires au stade de la production, de la commercialisation, de l’importation et de l’exportation, le Laboratoire national d'analyse et de contrôle (Lanac) a analysé près de 6 260 échantillons en 2022. Un chiffre considérable mais insuffisant, selon le directeur du laboratoire, Dr Bakary Diatta qui, dans cette interview accordée à «L'As», évoque les contraintes et les défis à relever par Lanac.
Vous avez reçu, il y a quelques jours, des experts de l'Oms dans le cadre du programme antitabac. Pouvez-vous revenir sur cette mission?
La mission des experts de l'Organisation Mondiale de la Santé (Oms) s'est déroulée dans le cadre du programme de lutte antitabac. L'Oms s'est proposée de nous appuyer pour pouvoir analyser les produits du tabac, les produits émergents du tabac, des produits tels que la cigarette électronique. On est en train de préparer une requête à soumettre à nos partenaires de l'Oms pour un appui, notamment pour ce qui concerne les substances de référence. L'avantage qu'on a au niveau de Lanac, c’est que nous avons déjà les équipements. Ce qui manque un peu, c'est du matériel complémentaire et les réactifs utilisés dans l'analyse des paramètres du tabac, c'est-àdire le goudron, la nicotine, le monoxyde de carbone fondamentalement dans un premier temps. Après, on va étendre à d'autres paramètres toxiques qui sont dans la fumée du tabac
Quelle est sa pertinence par rapport aux enjeux nationaux ?
La pertinence, c'est de pouvoir analyser. Les produits n'étaient pas analysés. Maintenant, on va pouvoir un peu sérier le marché. Il y a une loi antitabac qui a fixé les niveaux à respecter pour ces paramètres que je viens de citer. Il s'agira pour nous de contrôler pour voir si les produits du tabac respectent ces recommandations.
Par ailleurs, quel est le bilan de l'année 2022 par rapport au contrôle de la qualité des produits ?
Pour 2022, nous sommes à 6 260 échantillons tandis qu'en 2021, on était à 6 063 échantillons. Il y a presque une augmentation de 200 échantillons de plus que l'année dernière. C'est déjà une performance.
Mais est-ce suffisant par rapport au territoire national et à vos capacités réelles ?
Ce n’est pas suffisant, parce que nous avons un problème de visibilité. Il y a beaucoup de clients qui ne viennent pas vers nous. Certains par méconnaissance, d'autres font l'analyse juste par contrainte. Nous sommes en train de voir avec les services de la Direction du Commerce Intérieur et des autres ministères techniques la possibilité d'imposer cela et pour que les gens fassent beaucoup plus d'analyses. Donc, ces échantillons constituent une goutte d'eau dans la mer. Notre capacité réelle dépasse les 6 260 échantillons. Le ministre nous a cités effectivement par rapport au travail que Lanac fait dans le cadre de la surveillance des marchés, dans le cadre des autorisations d'importation des produits qui sont assujettis à des analyses de laboratoire qui prouvent que les produits sont sains et marchands. Donc, avant qu'un produit alimentaire n'entre au Sénégal, il faut cette DIPA et pour avoir cette DIPA, il faut des échantillons qui prouvent que le produit est conforme à la réglementation en vigueur.
Avez-vous les moyens de votre politique ?
Les moyens sont à renforcer. Notre budget de fonctionnement alloué par l'Etat du Sénégal est un peu modique. Même la masse salariale dépasse largement le budget. Nous avons porté ceci à l'attention de l'autorité qui a promis de réagir dans le cadre de la Loi de Finance Rectificative pour nous doter de moyens suffisants pour pouvoir atteindre nos ambitions. Nous avons hérité d'un laboratoire aménagé dans le cadre de l'intérêt national de Diamniadio. Mais là-bas pratiquement, tout est à refaire. Il y a certes des équipements qui ont été aménagés par la coopération turque, mais il n'y pas de tables, de bureaux. Et les réactifs donnés depuis 2018 sont tous périmés aujourd'hui. Il faut donc acheter d'autres équipements complémentaires. Notre volume de travail a augmenté de manière substantielle ; il faudrait aussi que les moyens suivent derrière. On nous donne 250 millions Fcfa. La masse salariale dépasse cette somme. Donc, le budget ne peut pas être donné uniquement pour payer des salaires. Il y a nécessité de revoir à la hausse les fonds qui sont alloués. Il est vrai que nous faisons des prestations d'analyse, mais elles n'arrivent pas à couvrir nos charges.
Vous êtes un laboratoire aussi important que méconnu, comment comptez-vous faire pour renforcer votre visibilité ?
On est un laboratoire accrédité. L'accréditation, c'est la reconnaissance de la compétence d'un laboratoire par un service qui est reconnu à l'international. On est accrédité depuis 2015 par le Comité Français d'Accréditation (Cofrac). En microbiologie aussi, on est accrédité depuis 2020 suivantle programme 59 du Cofrac. Il faut dire aussi que parmi nos clients, il y a les hôtels pour que les aliments qui sont distribués dans ces hôtels aussi bien la matière première que les produits finis soient analysés. Nous avons aussi un partenariat avec l'Aibd pour le contrôle des eaux. Ce sont les démarches que nous sommes en train de faire. Mais je pense qu'il faut aussi rendre certaines normes obligatoires, car au Sénégal, les gens ne font ces analystes que par contrainte.
Quel est votre lien avec le monde de la recherche étant donné que vous êtes très pointu dans l'analyse des produits commerciaux ?
Les étudiants et les thésards viennent souvent ici pour faire des analyses. Mais, il n'y a pas que les thésards, il y a des structures qui nous saisissent pour ces cas de figure. Dans le cadre du réseau des laboratoires, nous sommes en train de travailler à la génération de données pour pouvoir donner les inputs aux décideurs, aux gestionnaires et évaluateurs de risques afin de mieux affiner leurs stratégies en matière de sécurisation des consommateurs et de normalisation. Par exemple, pour prendre des mesures allant dans le sens de la préservation des consommateurs, il faut au préalable qu'elles soient justifiées et argumentées. Et pour cela, il faut des données. Nous avons commencé au niveau de Lanac avec la problématique de la qualité des eaux conditionnées en sachets. On a fait des analyses, mais le résultat est catastrophique. C'est-à-dire que rien n'est bon.