LE SÉNÉGAL VAINCRA À NOUVEAU
Par je ne sais quelle logique, l’Etat du Sénégal a laissé un citoyen -affabulateur, médiocre, manipulateur, violent, séditieux- s’ériger au-dessus du droit pour faire ce qu’il veut
Les violences, qui ont explosé à l’issue du verdict de l’affaire opposant M. Ousmane Sonko à Mme Adji Sarr, sont intolérables en démocratie. Depuis deux ans, les morts s’empilent, des biens publics et privés sont détruits, l’autorité de l’Etat est sans cesse remise en cause et une culture de la jacquerie tend à s’installer. Aucune violence verbale voire physique ne saurait être acceptée dans un Etat de Droit, et les citoyens ne peuvent être pris en otage pardes feux dont ils ne sont nullement à l’initiative. Je ne commente pas les décisions de Justice sur la place publique, par principe et eu égard à ma conception de la République. Mais pour la lecture politique des événements, hélas, rien de ce qui se passe au Sénégal ne me surprend. Les autorités ont laissé s’installer une culture de l’outrance et de la défiance vis-à-vis des institutions républicaines, qui atteint ici son paroxysme avec des citoyens qui prennent des armes contre leur propre pays.
Par je ne sais quelle logique, l’Etat du Sénégal a laissé un citoyen -affabulateur, médiocre, manipulateur, violent, séditieux- s’ériger au-dessus du Droit pour faire ce qu’il veut, au mépris des règles collectivement acceptées et dont l’Etat est censé être le garant. En République, on ne laisse pas un citoyen insulter et menacer magistrats, hauts gradés, hommes de rang, appeler à l’insurrection et au coup d’Etat, appeler au meurtre du chef de l’Etat, diffuser des mensonges et discréditer les institutions sans rien faire. Quelle est la logique d’interpeller un citoyen qui viole la loi sur la voie publique et le convoyer chez lui, au lieu de l’acheminer au Commissariat le plus proche ? En refusant de faire face à l’inéluctable, l’Etat du Sénégal a banalisé l’inacceptable et inséré à dose homéopathique à une catégorie de citoyens, qu’elle pouvait se hisser au-dessus de la règle de Droit et aux jeunes que les institutions n’étaient pas à sacraliser.
Je le rappelle pour ceux que cela pique : M. Sonko est un fasciste. Comme tous ceux de son obédience politique, il ne peut respecter les institutions car il n’est ni démocrate ni républicain. Il vit sur la rente de l’affrontement permanent pour espérer conquérir le pouvoir par la force ou en tout cas provoquer une rupture du fonctionnement normal des institutions. Dès lors, quand on gouverne un pays, de surcroît un grand pays comme le Sénégal, on ne saurait laisser le désordre s’installer et procéder ainsi à la dévitalisation des institutions, car elles sont le garant de notre commun vouloir de vie commune. Sur ce sujet précis, il convient de rappeler qu’on ne combat le fascisme que par le Droit et les principes républicains, et non par la violence sur des civils désarmés, qu’aucune cause ne saurait justifier. Notre arsenal juridique est doté de dispositions pour sanctionner définitivement toute déviance antirépublicaine.
Aussi, il est inacceptable de faire recours à des civils comme supplétifs des Forces de défense et de sécurité. Une démocratie s’honore de toujours demeurer dans le corset du Droit. M. Sonko est un délinquant condamné deux fois en moins d’un mois par un magistrat du siège. Ses opinions sont antirépublicaines, et son parti vient le 2 juin dernier d’appeler officiellement à l’insurrection et au putsch militaire. Ces gens sont des ennemis de la République qu’il faut combattre, de manière ferme, quel qu’en soit le prix, sinon, à terme, c’est la République qui va s’affaisser, nous plongeant tous dans un cycle dangereux et pour une durée indéterminée.
Le parti Pastef et ses satellites appellent les Sénégalais à descendre dans la rue pour en finir avec le régime et nul responsable identifiable n’est aperçu dans les manifestations ? Où sont les représentants de la société civile qui soufflent sur les braises ? En démocratie, on ne permet pas à des individus encagoulés de marcher dans les rues, et ce quelle que soit la cause qu’ils prétendent défendre. Nous avons l’habitude dans les marches de protestation, de voir des visages connus, mais où sont-ils ? Au contraire, des bandes de pillards, des casseurs, des hommes armés paradent dans les rues, tuent des Sénégalais, et aucune voix sérieuse parmi les hommes politiques, intellectuels et membres de la Société civile ne dénonce ces crimes.
Ces pillages, ainsi que cette violence d’un autre âge exercée sur des civils et des policiers et gendarmes ont un objectif précis : faire peur et choquer les citoyens pour les inciter soit à la révolte, soit à rester cloîtrés chez eux pour paralyser le pays.
Le parti Pastef a imposé la tyrannie sur les réseaux sociaux, et sur les intellectuels et les journalistes ; des consciences rampent sur le tapis du reniement pour échapper à la furie des nouveaux censeurs et insulteurs publics. Désormais, c’est dans les quartiers qu’on menace et tue pour asseoir définitivement la terreur. Où sont les consciences qui se disent démocrates et progressistes quand le sac de l’université est opéré, quand les facultés sont incendiées, quand le Cesti qui forme les fabricants de l’information nécessaire à la vie démocratique est attaqué ? Ils ont brûlé la bibliothèque de l’Université de Dakar. Les livres, chemin balisant vers le savoir, sont les ennemis de ces gens qui prospèrent sur le lit de l’ignorance et de l’obscurantisme. J’ai pensé aux fascistes boliviens quand ils ont chassé la Gauche au pouvoir. Leur premier forfait a été d’incendier la bibliothèque de l’intellectuel et homme politique progressiste, Alvaro Garcia Linera, qui était composée de 30 000 livres.
Rien n’est surprenant dans cette terreur, car l’ennemi de ces gens, c’est la lumière qui libère et élève l’humain afin de lui rendre sa dignité d’homme qui pense et agit en liberté et en responsabilité.
Notre pays fait face à une tentative insurrectionnelle incontestable organisée, et dont les prémices sont visibles depuis quelques années à force de discours guerriers, de manipulation des masses par des médias irresponsables, de recours systématique aux infox et d’une volonté d’acquisition du pouvoir par la rue au détriment de la voie démocratique. L’Etat a une responsabilité dans le pourrissement de la situation, à force de légèreté et d’absence d’actes forts visant à défendre la République. Mais l’opposition dite républicaine a aussi joué avec le feu par calcul politicien, par haine d’un homme et par avidité du pouvoir. Elle a vendu son âme pour des sièges. J’ai déjà assez écrit sur la fumisterie d’une Société civile qui se fait un devoir de prendre parti et de miser sur un bon cheval sans reculer devant aucune abjection. Je passe outre les intellectuels, tétanisés à l’idée de prendre leurs responsabilités et dont l’activité favorite est de verser dans la facilité à taper sur le Président Sall, sans jamais dénoncer l’usage du discours violent et antirépublicain de M. Sonko qui leur inspire une peur sidérante et qui promeut tout ce contre quoi ils écrivent et agissent depuis des années.
Cette crise est le fruit d’une irresponsabilité de la classe politique, mais elle est aussi la conséquence d’un délitement de nos institutions depuis 2000. Le temps d’aborder ces questions de fond viendra, mais quand des irrédentistes qui, en quarante ans, n’ont jamais pu régner sur un centimètre carré de territoire sénégalais, paradent à Dakar, il faut faire face et répondre à l’urgence du devoir moral. Par sens de l’Etat, par patriotisme et par conscience républicaine, mon soutien à nos institutions républicaines en ces temps incertains est sans réserve. Il n’y a, de mon point de vue, ni la Gauche, ni la Droite, ni la majorité, ni l’opposition, il y a la République face à des individus qui, contre elle, ont pris les armes.
Post-scriptum : M. le président de la République, votre gouvernement a annoncé une attaque de notre pays par des bandes armées alliées à des mercenaires étrangers. Je fais le choix de vous croire, ayant mis ma sécurité et une partie de ma souveraineté entre vos mains en tant que représentants légitimes et légaux du Peuple sénégalais. Conformément aux lois de notre pays, je soutiendrai toute mesure que vous et votre gouvernement prendrez pour restaurer l’ordre public ainsi que la quiétude de nos concitoyens, arrêter les bandes armées et les mettre à la disposition de la Justice, même si je suis lucide sur le caractère si infime d’un soutien de ma part.
Le gouvernement ne devra pas reculer face à un ennemi de type militaire dont les revendications ont moins une base politique qu’insurrectionnelle. Tout recul signifiera l’effondrement de la République que vous avez juré de préserver.
Le Sénégal, depuis l’indépendance, n’a jamais été vaincu. Le Sénégal vaincra à nouveau ses agresseurs d’aujourd’hui. M. le président de la République, vous êtes assis sur le fauteuil d’un des plus illustres Africains, Léopold Sédar Senghor ; vous avez l’honneur de diriger une grande Nation dont le rayonnement traverse les âges et les frontières. C’est au nom de cet honneur, le plus grand possible, qui est de conduire aux destinées du Sénégal, le pays de Dieu, que je vous prie de préserver la République laïque, démocratique et sociale, la Nation indivisible et l’Etat fort et prestigieux.