L’ENFANT GATE DE LA REPUBLIQUE ET SON UNIVERS DYSTOPIQUE
Le Sénégal est un pays bien spécial où l’on pourrait, par moments, se croire plongé dans un univers dystopique, tellement les scénarios qui animent la vie publique peuvent laisser sans voix.
Le Sénégal est un pays bien spécial où l’on pourrait, par moments, se croire plongé dans un univers dystopique, tellement les scénarios qui animent la vie publique peuvent laisser sans voix. Les récits dystopiques surfent entre la sciencefiction et des interprétations de la réalité. C’est un genre littéraire d’anticipation où le plus souvent, c’est une société imaginaire qui est régie par des forces et pouvoirs totalitaires, ayant un contrôle poussé voire total sur les individus. Depuis mars 2021, consécration par la violence aveugle de notre glissement en tant que société dans une séquence folle qui est le fruit d’un activisme sans limite d’entrepreneurs politiques, d’une passivité coupable et criminelle des services d’Etat et d’une abdication de la pensée critique chez les faiseurs d’opinions (intellectuels et médias) pour laisser place à la partisanerie primaire, l’absurde a pris le dessus sur tout. Le Sénégal ressemble au bout du compte à un univers dystopique où tout marche à l’envers. Rien de ce qui devrait se passer dans un pays normal, ne s’effectue maintenant dans les règles de l’art. Les agressions contre la Justice dont certains magistrats «encartés» s’accommodent ou les flagrants partis-pris dans la presse à la cause d’un homme qui devrait être poursuivi pour trahison et désigné ennemi domestique, après tous les actes qu’il a posés pour fragiliser la République, ont de quoi nous pousser à nous pincer pour nous sortir de ce fichu cauchemar. J’irai plus loin en disant que nous nous trouvons tous prisonniers d’une dystopie dont Ousmane Sonko est le metteur en scène. Il aura voulu par tous les moyens se faire roi, en usant de tous les stratagèmes, pour finir par se rendre omniprésent dans le débat public. Et cela, dans toutes les postures incongrues possibles. Il se sera imposé comme un Léviathan des consciences, une sorte de Big Brother boulimique quémandant sympathie et attention partout, en faisant de l’opinion le relais privilégié de toutes ses viles ruses. Beaucoup de monde, par mimétisme et effet d’entraînement, s’accommodent de tous ses caprices, pardonnent tous les abus à sa meute, se courbent face au poids de l’insolence de ses soutiens. Des juges qui se dégonflent, des intellectuels émasculés, des guides religieux conspués au moindre mot contre le Saint Patron des réelles alternatives au Sénégal dont on oublie qu’il se réfugiait dans les jupes de ses épouses pour fuir la case prison.
Une idéologie politique a voulu dans le sillage de la furie Sonko, faussement embarquer toute une jeunesse et diverses franges de la population dans le rêve d’une société parfaite avec tout ce qu’il faut en termes d’égalité, d’opportunités, de justice sociale, de respect des normes et de transparence. Face aux insuffisances des hommes qui ont voulu porter un tel projet et sous le poids de leurs nombreux errements, la machine aura fini par se gripper. Le porte-étendard du projet se révèle être un fieffé menteur qui, depuis son incursion dans le champ politique sénégalais, ne cesse de se contredire, de se dédire et de faire dans une surenchère dont seuls les lâches se voulant par la force de leur gueule des guerriers ont la clé. Tout dans le projet Pastef se révèle être d’une utopie malsaine qui arrive à bout de souffle. Il est donc très regrettable que, de tout ce que nous connaissons d’une telle machine et de ses acteurs, que l’Etat sénégalais s’entête à s’accommoder de gens qui font tout pour détruire le Sénégal et son idéal républicain. Le saut du récit dystopique vers un roman absurde risque d’être inévitable, si la complaisance criminelle et irresponsable que les dépositaires des pouvoirs publics font montre à l’égard de Ousmane Sonko se poursuit de plus belle, en le laissant mettre en œuvre tous les scénarios farfelus qu’il aura en tête avec ses sbires. C’est la première fois qu’on voit une personne en réanimation avoir le temps de s’agripper à une télécommande de télé pour imposer le choix des programmes à regarder à la télévision entre malades, tel un enfant gâté avec ses caprices. N’est-il pas aussi surprenant qu’un chantre du nationalisme qu’on voudrait vendre comme une réincarnation hybride d’un Thomas Sankara avec la poigne de Mamadou Dia déteste regarder les chaînes de télévision sénégalaises ? L’absurde est au contrôle, car dans aucun pays sérieux, un politicien comme Ousmane Sonko, après tous les forfaits qui lui sont reprochés, n’aurait trouvé de matière ou de soutien pour se rendre intéressant dans le débat public, même dans les liens de la détention. Ce qui s’offre à nos yeux a de quoi révulser et irriter. Un prisonnier bénéficie d’un traitement privilégié qu’aucun autre détenu sur le sol sénégalais ne saurait s’imaginer. De la simulation de fausses maladies à la mise en scène de fausses grèves de la faim, une suite royale aura été installée au détenu Sonko dans le Pavillon spécial de l’hôpital Principal de Dakar. Il y a toutes ses aises et toutes ses habitudes, peut recevoir comme bon lui semble, ne se gêne pas de communiquer avec tout le pays, tout en se permettant le luxe de doux intermèdes que sont des visites conjugales. Le plus grave dans tout cela est que le contribuable sénégalais est le payeur des notes salées de Sonko sur son lit de malade imaginaire. Il a fallu que des révélations du journal Le Quotidien mettent à nu cela, pour que les officines de manipulation qui encadrent l’ex-président autoproclamé de la rue se trouvent l’altruisme d’un Sangoku pour entamer une nouvelle grève de la faim, en guise de solidarité à ses frères de parti dans les mains de la Justice pour différents forfaits et crimes. Ce pays est-il devenu un royaume où carte blanche est donnée à Ousmane Sonko de tout faire ?
Insulter et menacer des magistrats, chahuter des officiers, appeler au meurtre d’anciens dirigeants, faire des appels à l’insurrection et maintenant s’assurer une détention hors de prison, on ne peut qu’être dans un univers dystopique où Sonko tient le contrôle de la trame narrative pour que tout lui obéisse ainsi. Quel mal la détention de ce vulgaire délinquant sexuel tel que reconnu par la Justice sénégalaise après l’avoir condamné et cet instigateur de troubles graves qui a fini par se casser les dents peut-il encore représenter ? Il est compréhensible qu’il puisse avoir des soutiens bruyants, mais il est irresponsable pour un quelconque Etat de faire le jeu de cet entrepreneur politique en s’accordant au rythme de son tango populiste. Tous les actes subversifs qu’il pose doivent être matés avec une force lucide, qui ne ploie pas et sans compromission. Il a pour le moment la télécommande de sa réalité, tel un enfant gâté que cette République a malheureusement enfanté, il la manipule sans vergogne. Orwell a offert au monde le récit dystopique par excellence avec 1984. Philippe Dick proposera avec Le maître du haut-château un imaginaire d’un monde où l’Allemagne aurait gagné la Deuxième guerre mondiale. Ray Bradbury esquissera dans Fahrenheit 451, un monde sans livre et où la pensée individuelle serait anéantie. Les matinées de détention de Ousmane Sonko, où il s’amuse à jouer au malade imaginaire lui seraient bénéfiques, s’il lui venait d’écrire une dystopie à succès. Il a de la sacrée matière entre ses mains. Le seul regret est qu’en tant que pays, nous soyons bloqués avec lui dans son univers dystopique.