LE PRESIDENT DIOMAYE S’ATTAQUE AU VIEUX SERPENT DE MER DE LA POLITIQUE
Lors de son discours de 15 minutes environ, le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye a annoncé une batterie de mesures qu’il entend mettre en œuvre, incessamment, avec notamment la rationalisation des partis politiques et leur financement...
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Le chef de l’Etat a prononcé le mercredi 3 avril dernier son tout premier message à la nation à la veille de la fête du 4 avril. Lors de ce discours de 15 minutes environ, le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye a annoncé une batterie de mesures qu’il entend mettre en œuvre, incessamment, avec notamment la rationalisation des partis politiques et leur financement. Mais aussi l’inscription sur le fichier électoral concomitamment à la délivrance de la pièce nationale d’identité qui va certainement impacter sur la question de l’inscription des primo-votants. Pour arriver à ces réformes, de larges concertations avec la classe politique et la société civile seront organisées, selon le nouveau président.
A peine installé dans ses fonctions de chef de l’Etat le 2 avril dernier, le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye annonce déjà les couleurs de la rupture dans la gestion des affaires publiques, conformément à ses engagements de campagne électorale. S’adressant aux Sénégalais le mercredi 3 avril dernier, lors de son tout premier discours à la nation à l’occasion de la célébration du 64e anniversaire de l’indépendance du Sénégal, le nouveau président de la République, porteur du projet politique du parti Pastef pour la refondation de l’Etat et le développement du Sénégal, a annoncé une batterie de mesures. La première concerne la démission de son poste de Secrétaire général du parti Pastef qu’il occupait jusqu’à son élection le 24 mars dernier, « pour dit-il « me mettre au-dessus de la mêlée ».
Il faut dire qu’avec cette décision, l’actuel chef de l’Etat qui satisfait ainsi à une vieille exigence de la société civile, est tout simplement allé au-delà de la tradition inaugurée en 1996 par son prédécesseur, le président Abdou Diouf qui avait cédé à feu Ousmane Tanor Dieng, la direction du Parti socialiste à l’issue du fameux congrès sans débat. Cette tradition a été par la suite rompue par ses prédécesseurs, Me Abdoulaye Wade et son successeur, Macky Sall. Élus à la suite des deux premières alternances politiques survenues respectivement en 2000 et 2012, les deux personnalités avaient refusé de quitter leur fonction à la tête de leur parti politique. Ainsi, durant leur magistère, ils avaient jalousement conservé leur fonction de chef de parti qu’ils ont alliée durant tout leur magistère avec les charges de président de la République, au grand regret de la société civile et de l’opposition.
RATIONALISATION ET FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES : Le président Faye monte au front
Lors de cette première adresse à la nation du mercredi 3 avril dernier, l’actuel chef de l’Etat, outre sa démission de son poste de secrétaire général du parti Pastef, a également décliné plusieurs autres mesures de ruptures qu’il entend mettre en œuvre dans les tout prochains jours. Parmi celles-ci, on peut citer la rationalisation des partis politiques et leur financement. Véritable serpent de mer de la politique sénégalaise, ces questions ont, en effet, rythmé la vie politique au Sénégal ces dernières années. En effet, les partis politiques au Sénégal sont régis par loi n° 81-17 du 6 mai 1981 qui a été modifié en 1989 avec l’introduction de dispositions interdisant « tout financement provenant de l’étranger » sous peine de dissolution pour tout parti qui reçoit directement ou indirectement des subsides de l’étranger ou d’étrangers établis au Sénégal »
Les propositions de modification de cette loi pour l’adapter au contexte politique sénégalais actuel ont toujours été bloquées par les différentes majorités qui se sont succédé au pouvoir. A la veille de chaque élection, cette question de la rationalisation des partis politiques et leur financement s’est toujours invitée au débat depuis les années 1990. Inscrite parfois au menu des concertations des acteurs politiques sur la revue du processus électoral, organisées à la veille de chaque élection, elle n’a jamais fait l’objet de consensus. Conséquence, les partis politiques continuent de pousser comme des champignons dans des conditions très douteuses. Car, beaucoup d’entre eux ne tiennent pas de congrès annuels encore moins ne transmettent aux services du ministère de l’Intérieur leurs états financiers. A cela, il faut ajouter la problématique de la participation aux élections. En effet, contrairement aux dispositions de cette loi sur les partis politiques, la moitié des formations politiques créées au cours de ces dernières années ne font pas de la conquête et la conservation du pouvoir leur finalité Inscription sur le fichier électoral concomitamment à la délivrance de la pièce nationale d’identité pour la fin des tracasseries sur l’inscription des primo-votants.
Autre mesure annoncée par le président Bassirou Diomaye Faye lors de cette première déclaration à la nation, toujours dans le cadre de la réforme du système électoral, concerne la problématique de l’inscription sur le fichier électoral. Dans son discours, l’actuel chef de l’Etat a annoncé le remplacement du système optionnel d’inscription sur les listes en vigueur par celui de l’inscription concomitamment à la délivrance de la pièce nationale d’identité́. Ainsi, une fois adoptée, cette mesure va permettre à tous les Sénégalais qui remplissent les conditions d’être électeur et pourront s’ils le désirent, voter sans aucune restriction. Les avantages de cette mesure seront entre autres le renforcement du fichier électoral, la fin de la problématique relative aux délais impartis aux révisions des listes électorales et le débat sur l’inscription des primo-votants. Car, désormais, tous les jeunes qui seront en âge de voter n’auront plus besoin d’attendre la période de révision des listes pour s’inscrire.
DE LA CENA À LA CENI : Pourquoi le président Diomaye franchit le pas ?
Par ailleurs, l’actuel chef de l’Etat, toujours concernant la réforme du système électoral, a également annoncé le remplacement de la Commission électorale nationale autonome (Cena) par une Commission électorale nationale indépendante (Ceni) avec un « renforcement de ses moyens de fonctionnement et de ses prérogatives ». Il faut dire, tout comme la rationalisation des partis politiques et leurs financements, que la question de l’organe de gestion des élections avec cette idée de mise en place de la Ceni a souvent été évoquée au Sénégal. Pour rappel, lors du processus qui a abouti à la mise en place de l’actuelle Cena en 2005 sur les cendres de l’Observatoire national des élections (Onel), instauré, en 1997, cette idée de la Ceni avait été posée sur la table. Mais, le Sénégal avait opté pour la mise en d’une Direction générale des élections (Dge) rattachée au Ministère de l’Intérieur et chargée de l’organisation des élections nationales et locales ainsi que des référendums et d’une Cena chargée de la supervision des opérations électorales. Aujourd’hui, ces deux organes nous ont permis d’avoir deux alternances politiques (2012 et 2024) et une présidentielle sans contestations devant le Conseil constitutionnel (2024). Seulement, il faut dire que les soubresauts notés lors du processus électoral avec notamment les errements relevés dans la gestion du processus électoral par la Direction générale des élections (Dge) avec le refus de son directeur général d’exécuter les décisions de justice en violation manifeste de la loi électorale ont fini par impacter négativement sur l’image qu’ont jusqu’ici fait montre ces deux organes. A souligner que dans la sous-région, plusieurs Etats dont le Bénin (1995), le Burkina Faso (2008), le Niger (2010), le Togo (2012) et la Côte d’Ivoire (2001) ont déjà adopté une Ceni.