UN PROJET MORT-NÉ
Le Pastef renie-t-il sa promesse électorale? En nommant de nouveaux directeurs sans transparence, le gouvernement semble tourner le dos à la réforme promise. Si certains évoquent la nécessité d'aller vite, d'autres y voient le primat accordé aux proches d
Le gouvernement semble avoir définitivement tourné le dos au processus d’appel d’offres pour la nomination aux postes de directeurs généraux et dirigeants de certains établissements publics. Du côté du Pastef, on refuse de parler de reniement, mais juste d’une volonté d’aller vite dans les réformes et la mise en place de politiques publiques en faveur des populations.
Cette nouvelle vague de nominations à la direction des structures publiques et parapubliques, à l’issue du dernier Conseil des ministres, à l’air d’avoir entériné la fin du processus d’appel à candidatures. Cette panacée qui devait réformer l’Administration sénégalaise parait être remise aux oubliettes. D’où les nominations aux postes de directeurs généraux des structures parapubliques et de quelques agences : Ndéné Mbodj (Coud), Abdoul Niang (Sones), Mamadou Abib Diop (Sar), Ndèye Rokhaya Thiam Conseil sénégalais des chargeurs (Cosec). Ibrahima Diop, Société nationale des chemins de fer du Sénégal (CFS), Dahirou Thiam (ARTP), Babacar Gning (Fonsis) entre autres.
Les dernières structures susceptibles d’avoir des nominations à travers des appels d’offres sont les rectorats d’université, la Senelec, l’Aprosi, l’ASPT, ainsi qu’un certain nombre d’agences comme le Fongip, entre autres. Des postes stratégiques comme le Port autonome de Dakar, la Caisse des dépôts et consignations, AIBD, RTS, Apix, Onas, la Direction des domaines ont été déjà été cédés à des proches d’Ousmane Sonko.
Cette promesse électorale devant permettre la création d’une commission chargée d’étudier les candidatures de tout Sénégalais disposant des compétences nécessaires semble avoir cédé la place à la volonté de récompenser les soutiens de la coalition DiomayePrésident. Un arbitrage nécessaire, d’autant plus que le format réduit du gouvernement et les nominations de technocrates semblent aussi avoir refroidi l’ardeur des soutiens de la nouvelle coalition au pouvoir.
Beaucoup de soutiens du Pastef mettent en avant la nécessité d’aller vite dans les réformes, pour expliquer ce choix de faire fi des appels à candidatures pour placer des hommes de confiance à certains postes stratégiques.
L’absence d’un cadre légal et réglementaire au sein de l’administration publique constitue aussi un argumentaire pour les tenants du statu quo au niveau des nominations. Une mesure qui va à l'encontre de l’esprit du Projet qui, dans ses principes, devait interdire à certains hauts responsables de l’administration publique de faire de la politique.
Mieux, dans une vidéo circulant sur les réseaux sociaux, Ousmane Sonko, président du Pastef, indiquait sa volonté de faire appliquer l’appel à candidatures. ‘’On a vu nombre de hauts fonctionnaires ramper devant le pouvoir, parce que si tu veux être directeur ou directeur général, il faut rejoindre le camp du pouvoir (…). Aujourd’hui, tous les directeurs généraux sont obligés de faire de la politique. Vous les voyez en pleine journée aller faire de la politique au lieu d’être à leurs bureaux. Nous allons y mettre un terme’’, disait-il.
Sera-t-il en mesure d’empêcher les nouveaux directeurs généraux de faire de la politique ?
Les militants du Pastef, dans le déni concernant l’appel à candidatures
Pour l’heure, les responsables du Pastef n’ont apporté aucune explication à ce qui parait être un reniement d’une promesse de campagne. Certains de nos interlocuteurs au sein du parti reconnaissent à demi-mot ce recul, mais arguent d’une volonté de récompenser les personnalités qui ont mouillé le maillot pour le Projet. ‘’Nous avons beaucoup de responsables qui se sont dépouillés pour le Projet et qui attendent les nominations. Beaucoup au sein du parti craignent par-dessus tout de nommer des (‘étrangers’) certes compétents, mais qui n’épousent pas la philosophie du parti et du Projet’’, souffle un responsable du Pastef.
Sur ce, cette volonté de préserver le cœur du Projet semble guider les choix, même si au sein du Pastef on s’accroche à la rhétorique, en indiquant que seuls ‘’certains emplois de la haute Fonction publique et du secteur’’ vont faire l’objet d'un appel à candidatures.
Ainsi, des postes comme celui de recteur de l’université de Ziguinchor pourraient faire l’objet d’un appel à candidatures, nous souffle-t-on du côté du Pastef.
Sur le plan politique, il apparaît que cette volonté de changer les directeurs généraux vise aussi à priver l’ancien parti au pouvoir (APR) de possibles ressources capables de pouvoir gêner la nouvelle coalition au pouvoir.
En effet, nombre de directeurs généraux se sont taillé des fiefs dans plusieurs régions du pays à coups de gros financements à la base. Leur maintien à la tête de ces structures pouvait leur permettre de garder leur clientèle et de participer à l’effort de guerre de l’APR. Ces derniers, qui étaient les principaux bailleurs des différentes campagnes de l’ancien régime, se voient ainsi dessaisis de leur poste, avec en ligne de mire les élections législatives anticipées.
D’ailleurs, dans cette perspective électorale, le duo au pouvoir a eu une séance d’explications avec les membres de Diomaye2024, après la formation du gouvernement. Dans la mesure où les partis alliés du Pastef attendent aussi beaucoup des nouvelles nominations pour s’ancrer davantage dans la nouvelle coalition qui jusque-là fait la part belle aux militants du Pastef. Beaucoup des dernières nominations concernent des patriotes. À terme, il y a un risque de faire grincer des dents au sein de la coalition Diomaye2024. Déjà, des voix se font entendre pour réclamer des postes.
Jusqu’ici, seuls quelques postes ministériels et la direction de l’AIBD, avec Cheikh Bamba Dièye, (FSD/BJ) ont échappé à l’appétit des ‘’pastéfiens’’ qui justifient leur forte présence par ce désir de préserver la matrice idéologique du Projet.