NOUVELLES FORMES DE DROGUES ET LEUR MODE DE CONSOMMATION : LA PAROLE AUX EXPERTS
L’ouverture des Assises de la Justice, mardi, a été l’occasion pour le coordonnateur du Forum civil de dénoncer l’utilisation des paris sportifs par les adolescents, qui sont «de nouvelles formes de la drogue, appelée drogue électronique».
L’ouverture des Assises de la Justice, mardi, a été l’occasion pour le coordonnateur du Forum civil de dénoncer l’utilisation des paris sportifs par les adolescents, qui sont «de nouvelles formes de la drogue, appelée drogue électronique». Une alerte de Birahime Seck aux gouvernants et qui a été, d’ailleurs, au centre des débats du Colloque international de Dakar sur les sciences sociales et drogues en Afrique francophone, du 21 au 23 mai 2024. Les experts scientifiques, invités à se pencher sur la présence des drogues et leur mode de consommation en zone francophone, ont émis des recommandations et soulevé les défis qui s’imposent aux dirigeants africains. X BET, «Panneau solaire» en Guinée, Kush… et leurs effets ont été évoqués.
«Les autorités doivent prendre des mesures drastiques contre les paris sportifs. Il faut éliminer tous les BET, sinon on ne pourra pas construire une jeunesse. Le pari sportif est en train de désorienter et de divertir négativement la jeunesse. Le Premier ministre doit savoir que la jeunesse est gangrenée par les paris sportifs», a dénoncé Birahime Seck en marge de l’ouverture des Assises de la Justice, mardi, à Diamniadio. La question est si grave que, le Colloque international sur les sciences sociales et drogues en Afrique francophone, tenu à Dakar du 21 au 23 mai 2024, a relevé les dangers qui ruinent la société avec les nouvelles drogues et leur mode de consommation. Une rencontre scientifique organisée par l’institut de recherche pour le développement (Ird) et d’autres institutions, qui a vu la participation d’éminents experts. Il a été question de voir le rapport que nos sociétés ont avec la drogue.
«L’approche sanitaire à la place des réponses pénales inefficaces»
Il ressort des débats «l’inefficacité de la politique pénale de certaines drogues comme le cannabis. Parce que le taux de consommation du cannabis a augmenté sur l’étendue du continent malgré la pénalisation du produit». C’est dans cette perspective que le professeur Mbissane Ngom, enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis pense qu’il est temps de privilégier l’approche santé. «Les réponses pénales ont montré leur inefficacité. L’emprisonnement n’a pas empêché l’augmentation du taux de la consommation. L’approche sanitaire peut changer beaucoup de choses parce que le Centre de prise en charge intégrée des addictions de Dakar est une belle réponse», propose-t-il. En ce qui concerne le Sénégal, le cannabis occupe la première place parmi les substances illicites les consommées. Le troisième défi actuel souligné par le colloque de Dakar interpelle les autorités. «L’identification récente de l’intérêt médical et thérapeutique de certaines substances (cannabis, psychédéliques) actuellement produites et transformées dans le secteur illicite, qui accèdent aux marchés licites dans certains pays et régions du monde pourrait, à l’avenir, être introduits dans la région parmi les traitements médicaux autorisés», lit-on dans le chapitre des défis. Les gouvernants sont donc invités à prendre en charge dans leur politique de lutte contre la drogue les «recherches en sciences politiques et sociologie des sciences sur les logiques sous-jacentes à la prise en compte de données probantes pour l’élaboration de politique des drogues efficace et pertinente en termes de sécurité, santé publique et droits humains».
LES EFFETS DU KUSH : DIABETE, CANCERS DE POUMON OU D’ORL, HALLUCINATION, EUPHORIE
«La drogue kush est un mélange de cannabis avec certains produits chimiques telle que l’acétone. L’acétone est composée de carbone, d’hydrogène et d’oxygène. Le mélange de ce produit fait un cocktail de drogue. Aujourd’hui, en Guinée, cette drogue est fortement consommée. Quand on consomme Kush, c’est le système métabolique qui s’inverse. C’est-àdire, il y a un dérèglement au niveau de l’organisme, au niveau de l’appareil respiratoire. Donc, le consommateur, au lieu d’absorber le CO2 et de rejeter le gaz carbonique, malheureusement c’est le gaz carbonique qui bloque. Ensuite, c’est la langue du drogué qui s’enfonce, obstruant les voies respiratoires ce qui provoque l’asphyxie. Et l’asphyxie, c’est l’arrêt momentané de la respiration. C’est la raison pour laquelle cette drogue est dangereuse parce qu’elle tue instantanément. Si l’utilisateur peut échapper à la mort, il ne peut pas, en revanche, échapper aux traumatismes liés à la consommation de cette substance. Les consommateurs de cette drogue pincent la langue avec un outil mécanique qui n’est pas fait pour la langue justement. Par conséquent, ça coupe la langue avec des fissures. Voilà les conséquences liées à la consommation de Kush. Cette drogue provoque des pathologies chroniques comme le diabète de type 2. Ça peut aussi être l’origine d’un cancer de poumon ou des cancers d’oto-rhino-laryngologie (ORL). Pour les signes cliniques, il y a l’hallucination, l’euphorie».
Sierra Leone la porte d’entrée du Kush
«La porte d’entrée de cette drogue Kush, c’est la Sierra Leone. C’est par la suite qu’elle est venue en Guinée. Aucun pays n’est à l’abri. Les débarcadères et les postes frontaliers sont les portes d’entrée de la drogue Kush. Nous avons lancé une vaste campagne afin de sensibiliser les populations vis-à-vis de la consommation de cette drogue. Je pense qu’il y a des cas qui sont suspects au niveau du Sénégal et qu’il faut bien surveiller».
94 morts en trois ans en Guinée à cause de Kush
«En 2022, entre septembre et décembre, nous avions enregistré 21 morts en Guinée suite à la consommation de la drogue Kush. En 2023, il y a eu 35 morts. Et depuis le début de l’année, il y a eu au moins 38 décès suite à la consommation de cette drogue. Les décès sont constatés au niveau des débarcadères, les quartiers environnants de Conakry. Pour cette 2024, nous avons constaté que la drogue Kush est à l’intérieur du pays. Elle n’est plus importée parce qu’elle est fabriquée localement. Donc, c’est une préoccupation nationale».