LE KANKOURANG DE LA DISCORDE
Des actes de vandalisme impliquant des Kankourang ont secoué le quartier Darou Salam, laissant derrière eux blessés et dégâts matériels. La collectivité mandingue de Mbour condamne fermement ces débordements qu'elle qualifie de "barbarie"
Suite et fin du feuilleton des violences qui ont émaillé la sortie du Kankourang en début de semaine au quartier Darou Salam. La collectivité mandingue de Mbour, à l’occasion d’un point de presse tenu le lendemain des événements à son siège social, a condamné vigoureusement ce qu’elle considère comme des actes de barbarie. Son secrétaire général a martelé que l’essence du Kankourang est aux antipodes de la violence et a invité les autorités administratives à intervenir pour la réglementation du Septembre mandingue. Du côté du dioudiou Cissé Kounda, l’on invoque des nécessités d’ordre spirituel pour expliquer les sorties intempestives du Kéwoulo. Son coordinateur est convaincu que le Kankourang peut, en période de circoncision, sortir à tout moment si les circonstances le recommandent. Pendant ce temps, les victimes annoncent qu’elles vont ester en justice.
24 heures après les violences survenues au quartier Darou Salam où des Kankourang aidés de leurs « Selbés » (accompagnants) ont vandalisé trois maisons et blessé cinq personnes suite à la révolte et la prise en otage du Kéwoulo par des jeunes du quartiers excédés par la fréquence de la sortie du protecteur des circoncis, la collectivité mandingue de Mbour, unique entité légalement reconnue et autorisée à organiser des cérémonies de circoncision de la communauté mandingue du département de Mbour, n’a pas tardé à réagir.
Selon son secrétaire général, les actes commis lundi dernier ne sont rien d’autre que de la barbarie et du vandalisme. « Nous regrettons profondément ce qui s’est passé car le Kankourang est un moyen d’éduquer les gens. Pendant longtemps il y a eu une cohésion nationale qui a permis un vivre-ensemble ayant abouti à perpétuer le legs. Notre rôle est de le préserver dans une ville où nous habitons avec les autres communautés » a dénoncé Aïdara Diop.
Selon notre interlocuteur, les membres de la collectivité mandingue, qui est la gardienne de ce patrimoine, avaient senti cette violence venir avec la prolifération des cellules qui poussent comme des champignons. « On avait vu venir et nous avions alerté lorsque nous avons rencontré le président de la République, le PM et le ministre de la Jeunesse. Le 18 août dernier, nous avions saisi le ministre de l’intérieur pour l’avertir sur la prolifération des cellules et les risques graves de troubles à l’ordre public. Nous avons organisé une marche pour alerter, nous avons saisi le procureur de la République. Certes, nous faisons confiance en l’autorité mais nous n’avons pas manqué d’alerter cette dernière. La police administrative a la responsabilité d’organiser toutes les manifestations, malheureusement ce que nous redoutions s’est produit» a précisé M. Diop.
La collectivité dégage toute implication dans ces actes de vandalisme ayant entraîné des blessés graves et des dégâts matériels importants au quartier de Darou Salam. « Il ne s’agissait pas de la collectivité mandingue mais nous avons une responsabilité morale de soutenir la victime. Il faut prendre des dispositions parce que le Kankourang n’est pas seulement culturel mais aussi économique, psychologique. Le Kankourang a une vocation de paix. C’est ainsi que nous présentons à nos concitoyens des excuses pour les exactions qu’ils ont subies car cela ne relève que de la barbarie et du vandalisme. Le Kankourang a une mission protectrice et non d’agression, il ne doit faire aucunement preuve de violence » persiste le porte-parole du jour de la collectivité mandingue.
Le dioudiou Cissé Kounda se défend et invoque des préoccupations d’ordre spirituel…
De son côté, le dioudiou Cissé Kounda, pointé du doigt dans ces violences, s’est lui aussi prononcé par la voix de son coordinateur, El-Hadj Kaoussou Cissé. Devant le local même du dioudiou sis au quartier Oncad, les membres de cette aile considérée comme dissidente par la collectivité mandingue, ont exprimé leurs regrets par rapport à la tournure des événements de lundi dernier.
Pour El-Hadj Kaoussou Cissé, le Kankourang et ses accompagnateurs ont agi de la sorte par instinct de survie, car, explique t-il, après que la vie du Kéwoulo, désarmé, déshabillé puis pris en otage a été mise en danger, il fallait coûte que coûte réagir pour laver cet affront fait selon lui à toute la communauté mandingue.
Notre interlocuteur estime toutefois qu’il y a une incompréhension qui s’est posée sur les heures et jours de sortie du Kankourang. Il a martelé à ce propos que le Kéwoulo, durant la période des circoncisions, peut, si les circonstances l’exigent, sortir à tout moment, n’importe quel jour de la semaine. Pour lui, c’était le cas lundi dernier car le Kankourang, à l’en croire, s’était rendu dans ce quartier pour régler des problèmes spirituels. « Il y a des préoccupations d’ordre spirituel qui peuvent survenir quand on a la charge de veiller sur 160 circoncis. En ce moment-là, seul le Kankourang peut y apporter les réponses idoines » a-t-il argumenté.
EL Hadj Kaoussou Cissé de finir par démonter le mauvais procès qui est fait au dioudiou Cissé Kounda qui, à ses yeux, « est un dioudiou totalement ancré dans la voie tracée par les anciens et qui par conséquent bannit la violence sous toutes ses formes ».
Dans cette affaire qui continue de défrayer la chronique à Mbour, les victimes des Kankourang au quartier Darou Salam promettent d’ester en justice.