VIDEOFRANCE-AFRIQUE, UNE CONFIANCE BRISÉE
Une vaste enquête démontre que le rejet de la France en Afrique francophone repose sur une analyse lucide des rapports de force. Des doubles standards diplomatiques à l'emprise économique, c'est tout l'héritage françafricain qui est remis en cause
(SenePlus) - Le rapport "De quoi le rejet de la France en Afrique est-il le nom ?"*, fruit d’une enquête menée dans six pays d’Afrique francophone (Bénin, Cameroun, Côte d’Ivoire, Gabon, Niger et Tchad) par l'ONG "Tournons La Page" en collaboration avec le Centre de Recherches Internationales (CERI) de Sciences Po., met en évidence une opposition quasi unanime à l’encontre de la politique française sur le continent. Plus de 470 militants de la société civile ont été interrogés, complétés par des focus groups approfondis.
Le principal enseignement est clair : la défiance envers la France est profonde et systémique. Ce rejet n’est pas perçu comme une simple émotion ou un « sentiment anti-français » – une expression jugée inappropriée – mais comme une réponse rationnelle à des pratiques néocoloniales persistantes.
Les raisons d'une cassure
L’intervention militaire française, notamment au Sahel à travers l’opération Barkhane, est largement critiquée. Dans des pays comme le Niger, la présence des troupes françaises est perçue comme une forme d’occupation, aggravant plutôt que résolvant les crises sécuritaires. La méfiance est amplifiée par des épisodes tels que la reprise de Kidal au Mali, souvent interprétés comme des atteintes à la souveraineté nationale.
L’économie est au cœur des critiques. Le rôle des multinationales françaises et l’utilisation du franc CFA sont vus comme des outils de domination économique. Les contrats miniers, le commerce de détail dominé par des entreprises françaises, et la dépendance structurelle au système financier français alimentent un rejet grandissant, particulièrement chez les jeunes générations.
Les participants dénoncent les doubles standards dans la politique française. Alors que Paris se positionne en défenseur des droits humains, elle est souvent perçue comme soutenant des régimes autoritaires pour préserver ses intérêts économiques et stratégiques.
La montée des alternatives
Le rapport souligne une attraction croissante pour d'autres puissances, notamment la Russie. Dans l'opinion des participants, cette dernière est perçue comme une alternative crédible, en raison de son soutien militaire sans ingérence perçue dans les affaires intérieures. Toutefois, certains craignent que Moscou ne remplace simplement une domination par une autre.
Pour restaurer une relation de confiance, le rapport recommande une refonte complète de la politique africaine de la France :
- la fin despratiques perçues comme néocoloniales ;
- le plein respect des souverainetés nationales ;
- le soutien des transitions démocratiques sans manipulations.