UN « NIT KU YIW » POUR L’ÉTERNITÉ
EXCLUSIF SENEPLUS - Amadou Makhtar Mbow continue d’inspirer nos actions et de veiller sur nos aspirations. Adopter et appliquer les conclusions des Assises nationales eût été la meilleure façon de signifier l’importance que nous accordons à ses idées
Je n’aime pas les oraisons funèbres. C’est de son vivant que j’ai tenu à rendre hommage à Amadou Mahtar Mbow. Ce fut à Gorée. Il dirigeait l’Unesco à l’époque. Il nous avait trouvés à l’Université des Mutants où nous étions en session. J’avais pris la parole pour souligner ce que notre génération devait à son exemple. Lorsque j’ai rappelé devant l’assistance les sacrifices du Professeur lors de l’installation de l’éducation de base dans les coins les plus reculés du Sénégal et de la Mauritanie, beaucoup de personnes ignoraient cet aspect de sa vie. Je n’avais pas oublié de préciser que son épouse l’accompagnait dans ses déplacements. L’on se demandait comment elle pouvait supporter la privation de tout confort moderne.
Amadou Mahtar Mbow se signala à notre attention dès la loi-cadre. Ministre de l’Éducation dans le gouvernement du Président Mamadou Dia, il rendit possible l’impression de « Ijjib Wolof », le premier syllabaire wolof issu des travaux des étudiants sénégalais autour de Cheikh Anta Diop à Paris et à Grenoble. Plus tard, bien des années après, Amadou Mahtar Mbow, Ministre de la Culture permit à l’un de nos élèves de l’Ecole William Ponty de Thiès de devenir l’une des plus grandes signatures parmi les plasticiens du pays. Après l’expertise de Papa Ibra Tall, alors Directeur des Manufactures de Thiès, il lui accorda une bourse pour les Beaux-Arts à Paris.
En 1969, Amadou Mahtar Mbow Ministre de la Culture, la troupe du Théâtre National Daniel Sorano se rendit à Alger pour prendre part au Festival Panafricain. L’auteur de l’œuvre qui devait représenter le Sénégal (« L’Exil d’Albouri ») ne faisait pas partie de la délégation officielle. Amadou Mahtar Mbow fit plus que corriger l’erreur. Il demanda au gouvernement algérien de faire figurer ce dernier parmi ses invités officiels. Le jeune auteur n’oubliera jamais ce qu’un tel geste a signifié dans sa vie. Logé dans le plus grand hôtel d’Alger, il eut la chance de côtoyer les grands leaders du panafricanisme, des mouvements de libération du Tiers-Monde. Voir Amilcar Cabral et pouvoir discuter avec Mario de Andrade était plus qu’un privilège. Stokely Carmichael des Black Panthers, Miriam Makeba et d’autres militants de l’ANC, quelle chance !
En parlant de Amadou Mahtar Mbow, je préfère dire qu’il a été et non il fut. Pour moi, il continue d’inspirer nos actions et de veiller sur nos aspirations. Nous n’avons pas assez manifesté notre reconnaissance.
Adopter et appliquer les conclusions des Assises Nationales eût été la meilleure façon de signifier l’importance que nous accordons à ses idées, son itinéraire, son exemple, sa vie, pour tout dire.
Notre seule consolation est de savoir que les bonnes actions restent gravées à jamais dans la mémoire. Tant qu’il restera un souffle à l’humanité, elle les racontera.
Amadou Mahtar Mbow est un « Nit Ku Yiw ».
Ce que le vocabulaire tenterait de rendre par « Un Homme Bon », « Un Homme de Bien ».