NDIAKHATE, L’USINE DE RECYCLAGE DE BATTERIES AU PLOMB DANS LE VISEUR DES AUTORITÉS
Lors d’une rencontre de restitution, jeudi, Oumar Diallo, coordinateur des programmes et du plaidoyer au CRADESC, a souligné l’urgence de la situation et insisté sur la responsabilité de l’État dans ce dossier.
Le combat contre l'usine de recyclage de plomb Ganesha à Ndiakhate, dans la commune de Pout (Thiès), est loin d’être terminé. Depuis son installation, l’usine a causé de graves préjudices à l’environnement et à la santé des populations locales, selon les témoignages des habitants. Jeudi 5 décembre, lors d’une rencontre de restitution à Pout, Oumar Diallo, coordinateur des programmes et du plaidoyer au Centre de recherche et d’action pour les droits économiques, sociaux et culturels (CRADESC), a insisté sur l’importance de la responsabilité de l’État dans cette affaire, soulignant que l’urgence de la situation impose des actions immédiates.
Depuis plusieurs mois, le collectif des agriculteurs de Diender et de Pout, soutenu par le CRADESC, se bat pour la délocalisation ou la fermeture de l’usine. Ils ont rencontré le ministre de l’Environnement, Daouda Ngom, qui a fait des promesses importantes, notamment celle de se rendre sur place pour évaluer la situation. Les populations de Ndiakhate et des environs souffrent de nombreux maux. Selon Diallo, l’exploitation du plomb a des conséquences graves sur la santé publique, particulièrement pour les enfants, les femmes et les animaux, affectés par des maladies pulmonaires et d'autres pathologies graves. « Le plomb a des effets meurtriers, et l'État a l’obligation d’agir pour protéger ses citoyens », a-t-il affirmé.
Les habitants de Ndiakhate et des villages voisins dénoncent la dégradation de leurs conditions de vie. Des maladies rares, telles que des cas fréquents d'avortements spontanés et de tuberculose, se multiplient. Les enfants sont particulièrement vulnérables, avec une augmentation des maladies respiratoires et des cancers. L’environnement agricole, « traditionnellement florissant dans cette zone, est désormais gravement touché », selon Ibrahima Ngom, chargé de recherche en contentieux et justiciabilité au CRADESC.
Depuis 2019, la production agricole a chuté, et les élevages, en particulier ceux de volailles, souffrent des effets de la pollution. Mouhamadou Mansour Ciss, membre du collectif pour la fermeture de l’usine de recyclage de batteries, détaille les impacts environnementaux, précisant que les poulaillers « ne survivent pas plus de 20 jours en raison de la contamination par le plomb ».
Malgré ces constats alarmants, les autorités sénégalaises, à travers le ministère de l’Environnement, ont pris des mesures, mais la situation reste insatisfaisante pour les populations locales. Une mission d’évaluation avait initialement suspendu l’activité de l’usine, mais une autorisation de trois mois avait ensuite été accordée, permettant à l'usine de poursuivre ses activités. Mamadou Salif Sané, enseignant-chercheur et chargé de programme au CRADESC, dénonce les irrégularités dans l’autorisation donnée à l’usine, qui « n’a pas respecté les normes environnementales de base ». Il rappelle que l’usine est implantée à seulement quelques mètres des habitations et cours d’eau ce qui constitue un danger pour l’écosystème local, notamment pour l’agriculture et la biodiversité.
Les défenseurs de la cause des populations de Ndiakhaté continuent de lutter, avec l'espoir que l'engagement pris par le ministre lors de leur rencontre d’octobre dernier soit tenu. Le ministre avait promis de visiter le site et d'entendre les plaintes des habitants. Selon Mouhamadou Mansour Ciss, cette rencontre avec le ministre à Dakar a marqué un tournant, car il n’avait pas été facile d’obtenir une audience avec les autorités sous l’ancien régime. Le ministre s’est engagé à prendre des « mesures concrètes » après son inspection, bien que l'attente des populations soit désormais longue.
Le CRADESC, dans sa stratégie de plaidoyer, continue de sensibiliser l’opinion publique et les autorités pour accélérer la prise de décision. « Les journalistes jouent un rôle essentiel dans ce combat », a insisté Oumar Diallo. L'objectif est de maintenir la pression, de relayer l'information et de faire en sorte que cette situation ne se répète pas ailleurs au Sénégal. « Nous avons bon espoir que la souffrance des populations sera entendue et que des solutions seront mises en œuvre rapidement », conclut-il.