ÉQUILIBRE ET PROFILS
Le management n'est pas une science exacte où la solution est unique. Giresse devra voir comment parvenir à affamer ses joueurs et à canaliser leur faim

Moussa Sow a parlé de frustration du banc. Cette rage qu'il a extériorisée après son but contre le Ghana, avait donc bien une raison. En professionnel discipliné, il l’a toujours dissimulée derrière sa foi profonde.
Ce fait rappelle Papiss Cissé quand, au sortir du Sénégal-Angola disputé en Guinée, en mars 2013, il avait laissé exploser son trop plein de frustration et de rage devant un match raté. Giresse avait heureusement vite compris, qui lui a donné sa chance par la suite, comprenant sa faim de lion.
Il est à prévoir, dans ce groupe de qualité comme jamais un sélectionneur national n’en a disposé, même avec les Can 1986 ou 2002, que d’autres trop plein de rage intériorisée ne finissent par s'extérioriser. Tout est de parvenir à les canaliser afin qu’elles se déversent sur l'adversaire, comme ce fut le cas avec Moussa Sow, l'affamé patient et discipliné.
Le management n'est pas une science exacte où la solution est unique. Giresse devra voir comment parvenir à cet équilibre consistant à affamer ses joueurs et à canaliser leur faim. Pour cela, une séance théorique sur ce qu'est le profil est à tenir avec les joueurs.
J'ai eu la chance, l’autre mardi, de tomber sur des images de Sénégal-Libye (1-2) disputé à Bata. A voir Amara Traoré dépité et incrédule, je me souviens de ce que j'en pensais à l'époque. Lui-même et ses joueurs avaient été victimes d'une situation qui, subitement, multipliait les mêmes profils de joueurs de haut niveau au poste d'avant.
Nous avions de grands joueurs, mais pas partout où l’on en avait besoin. Amara pensait qu'il avait l'une des meilleures équipes, mais il n’y avait jamais d'équilibre dans son groupe. Il ne pouvait battre aucune équipe ayant une bonne assise collective. Keshi, l'intelligent coach du Nigeria que je refuse de figer sur son dernier échec, a toujours privilégié le poste et le profil par rapport au niveau du moment.
Vous avez dit profil ? Il faudrait tenir ce discours aux joueurs. Aux Sow, Diouf, Ndoye, Cissé, etc., il faudra faire comprendre qu'ils ont tous le profil… pour le même poste. Par conséquent, il y a besoin que les uns soutiennent les autres et que l'analyse des forces et faiblesses de l'adversaire reste le critère de choix.
Que chacun apprenne à canaliser sa rage et à la transmettre à l’élu du jour. Ce dernier pourra alors dire à chacun : ton heure sonnera. Car de ce soutien dépendra la durée de notre parcours dans cette Can et la chance à chacun d'assouvir sa faim, de vider sa rage.
Je loue l'esprit des joueurs et de Giresse devant le Ghana, qui ont su rester cohérents, même menés au score. Le foot est une compétition de patience. Les moments décisifs pèsent peut-être moins de 9 minutes sur les 90. Or les profils commandant les équilibres, dans un jeu de patience, collent à ceux qui savent rester le plus longtemps équilibrés.
Que cette équipe garde son équilibre sur la base du refus de doubler les profils. La somme de grands attaquants n'a jamais fait les vagues offensives.
Giresse devra rester sur cette lancée. Varier son jeu et son système, mais maintenir son équilibre et le faire accepter aux victimes du jeu des profils qui doivent accepter d'attendre leur heure sans frustration. C'est bien de le faire entendre aux Cissé, Sow et autres. Car il reste aux "Lions", en dépit de ce méritoire succès contre le Ghana, du long chemin à parcourir. A commencer par demain vendredi, devant des "Bafana Bafana" qui sont pleins de cohérence, même s’ils paraissent naïfs. Il faudra une équipe du Sénégal plus équilibrée encore pour déjouer leur formidable collectif. Sinon, c’est déjouer et tomber de haut.
Khadim DIOP
Ministre de l’Intégration africaine, du Nepad et de la Promotion de la bonne gouvernance