LES AVOCATS DE HABRE JETTENT L’ANATHEME SUR LE REGIME
REJET DE LEURS RECOURS DEVANT LA COUR SUPRÊME

Le rejet des recours qu’ils avaient soumis à la Cour suprême en vue de leur invalidation ne sont pas du goût des avocats de l’ancien Président Hissène Habré. A travers une déclaration très musclée, Me Ibrahima Diawara et ses collègues font le procès du régime de Macky Sall.
Les conseils d’Hissène Habré sont dans tous leurs états, après qu’ils ont perdu leur bras de fer avec l’Etat du Sénégal devant la Chambre administrative de la Cour suprême. Ils avaient saisi ladite Cour pour remettre en cause le décret signé par Macky Sall le 30 janvier 2013 portant nomination des magistrats des Chambres africaines, mais également pour demander aux juges de renvoyer le dossier au Conseil constitutionnel afin qu’il statue à nouveau, arguant que lorsque ladite juridiction statuait sur cette affaire, il manquait la signature de feu Cheikh Tidiane Diakhaté.
Dans une déclaration incendiaire intitulée «Temps politique impose son rythme au temps judiciaire : Trois audiences en un seul jour !», Me Ibrahima Diawara et ses collègues attaquent violemment le régime du Président Macky Sall.
«Pour les besoins de l'agenda politique, les voiles ont été mises au sujet de l'examen des recours introduits par la défense, tout comme hier (avant-hier), il fallait mettre les dossiers au placard et laisser les Chambres africaines extraordinaires (Cae) dérouler leur procédure illégale et inconstitutionnelle. C'est donc bien, la politique qui instruit le cours des affaires et le sens des décisions», lit-on dans ledit document.
Me Diawara et compagnie d’enfoncer le clou : «Faut-il s'étonner d'un rejet du recours de la part d'une juridiction politisée ? Et comble de l’ironie, la Chambre administrative comptait même, parmi ses juges, M. Ahmadou Bal, ancien directeur de Cabinet de Mme Aminata Touré, ex-ministre de la Justice. C'est ce même fonctionnaire qui, en son temps, avait défendu la présentation de l'accord portant création des Cae devant l'Assemblée nationale. Autant dire un des orfèvres de cet accord illégal, positionné en juge au sein de la Chambre administrative pour décider si son ‘œuvre’ est légale ou non. Hallucinant !» ?
«Dans cette affaire françafricaine, c'est la loi du plus fort qui s'applique»
Soulignant que «l'exigence d'objectivité et d'impartialité, mais aussi la nécessité de l'inexistence d'un conflit d'intérêt, sont les attributs qui font le juge et qui confèrent à un processus judiciaire une crédibilité», les avocats de Habré déplorent le fait que dans cette «affaire françafricaine par excellence», «c'est la loi du plus fort qui s'applique. C'est la volonté politique qui s'impose en lieu et place de la loi».
Toujours dans leurs dénonciations, les conseils du prédécesseur d’Idriss Deby fulminent : «Seconde affaire en ce 12 mars, journée de la liquidation des recours de la défense du Président Habré. Il s'agit de l'affaire Sidiki Kaba, autrement dit, la plainte pour injures publiques. On se rappelle que le juge, après avoir bloqué plus d'un an la plainte, a finalement décidé que les propos ‘bourreau du peuple tchadien’ ne pouvaient pas être considérés comme outrageants. Un appel a été introduit, et ce jour, le ministre de la Justice a changé son fusil d'épaule. Désormais, il plaide qu'il est passible de la Haute Cour de justice».
Et de renchérir : «Finalement, à considérer ce qui se passe en l'espèce, un ministre peut insulter qui il veut et même tuer quelqu'un et dire qu'il ne peut être jugé que par la Haute Cour de justice qui, pour se réunir, a besoin du vote d'une résolution à l'Assemblée nationale ! Laquelle résolution peut ne pas être votée par les députés, si le ministre appartient au camp de la majorité. On imagine aisément le scandale. C'est pourquoi la loi dit clairement que le ministre n'est passible de la Haute Cour de justice que pour les actes accomplis dans l'exercice normal de ses activités professionnelles et qui ont un rapport direct avec sa fonction». «Pourtant», soulignent les avocats de l’ancien Président Hissène Habré : «Il va de soi qu'injurier publiquement des personnes, voler, ou tuer quelqu'un, ne peut être considéré comme une activité normale d'un ministre. C'est ainsi que le ministre français Hortefeux qui avait lancé des propos racistes a été condamné par la justice française, tout ministre qu'il fut».
«Il est important pour le pouvoir de blanchir tous ceux ou celles qui ont les mains sales dans l'affaire Habré»
Pour Me Ibrahima Diawara et compagnie, «des ordres politiques ont été clairement donnés pour le lancement de ce train fou dans le but de se débarrasser de tous les recours introduits par les avocats du Président Habré et ce, au mépris du droit et de la justice».
La troisième affaire, indiquent les conseils de Habré, «concerne le faux de Mme Aminata Touré. L'arrêt du Conseil constitutionnel a fragilisé sa position. Mais, il est certain qu'elle sera sauvée par le gong de la politique et des instructions données en conséquence de cause dans cette troublante affaire Habré. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il est important pour le pouvoir de blanchir et d'organiser une totale impunité pour tous ceux ou celles qui, obéissant à ses instructions, ont eu les mains sales dans l'affaire Habré».
«La loi exige de Mme Touré d'être présente, pour que son avocat puisse avoir droit à la parole. Lors des deux précédentes audiences, elle ne s'est pas présentée, et l'affaire fut renvoyée à date ultérieure», soutiennent-ils.
Avant de dénoncer : «L'avocat de Mme Touré qui, selon la loi, ne pouvait avoir droit à la parole, a, quand même, été autorisé par le tribunal à dire que sa cliente était aussi passible de la Haute Cour de justice en tant que ministre. Et pour la représenter, il n’a pas hésité à produire une lettre attribuée à Mme Touré, adressée à la juridiction, mais qu’il avait signé lui-même ! Après Sidiki Kaba, la même chansonnette nous est jouée. Et quid de la déclaration officielle de l'ancien ministre des Affaires étrangères, Alioune Badara Cissé, selon laquelle, il n'a pas signé l'accord de pleins pouvoirs brandi par Mme Touré ? Madame Touré campe dans cette position d’impunité qu’elle a interdit à d’autres, en d’autres occasions».
Sur tous ces points, les avocats de l‘ancien Président tchadien estiment que «la justice sénégalaise a été mise à l'épreuve et elle a opté pour un véritable déni de justice : ce qui était important pour elle, c'était la neutralisation totale de tous les recours engagés par la défense, et non pas de se prononcer sur la constitutionalité des Cae, sur le faux et les injures pour édifier l'opinion».
Pour eux, «l'enjeu était de taille, car il était important, non pas de faire triompher le droit, la justice, mais plutôt que toutes les petites mains qui collaborent à l'opération de liquidation du Président Habré soient protégées, récompensées, pour que le complot arrive à terme».
«L'Histoire retiendra leurs actes, leurs noms, leur sinistre partition dans cette affaire Habré qui ne se terminera certainement pas avec le prononcé d'une condamnation achetée à coups de pétrodollars et qui a déjà, largement, ruiné la réputation d'un Sénégal, État de droit», concluent Me Diawara et ses collègues.