Une référence s’en est allée
NECROLOGIE : DECES DE SERIGNE ABDOU AKIM MBACKE
Modèle de spiritualité, de générosité, de discrétion, travailleur infatigable et talibé dans l’âme, Serigne Abdou Akim Mbacké laisse un grand vide derrière lui. Avec sa disparition, la communauté mouride perd une référence notoire.
Il est parti comme il a vécu. Dans la discrétion. Celle-ci était sa marque de fabrique. Sans crier gare, Serigne Abdou Akim Mbacké a surpris ses talibés en allant rejoindre le Seigneur ce vendredi 05 juillet 2013 à 75 ans. La nouvelle de son rappel à Dieu s’est répandue comme une traînée de poudre. Les talibés (disciples) surpris par cette information, ont du mal à y croire. S’agissait-il d’un canular de mauvais goût ?
Certains ont passé toute la nuit et une bonne partie de la matinée du samedi à mesurer la véracité de cette mauvaise nouvelle. La grande faucheuse a encore frappé. Il ne reste plus au talibé qu’à prier pour l’illustre disparu et à suivre ses enseigne- ments. Le khalife général des mourides, Serigne Sidy Makhtar Mabacké, qui a pro- cédé à la prière mortuaire à Darou Minam, au petit matin du samedi, l’a cité en exemple aux talibés. Certes, la douleur de ceux-ci est inconsolable. Car, avec la disparition du fils de Serigne Bassirou, c’est toute la Oummah islamique, en général et la communauté mouride, en particulier, qui perdent un homme de Dieu au vrai sens du terme.
Serigne Abdou Akim (le sage) de par sa spiritualité, sa manière de se comporter, sa générosité, sa discrétion, son attache- ment au Coran, à la prière, à Serigne Touba et aux Khassaides, a symbolisé sa vie durant le parfait mouride, le parfait musul- man tout court. Serigne Abdou Akim Mbacké était une référence pour tout le monde. Les témoignages que l’on entend à son égard, depuis sa disparition, sont révélateurs de la dimension du saint homme que le Sénégal vient de perdre.
Le vénéré Serigne Saliou Mbacké, cinquième khalife général des mourides (décédé en 2008) avait coutume de tenir ces mots pleins d’enseignements sur Serigne Abdou Akim Mbacké : « Si la nostalgie de Serigne Touba m’envahit, c’est vers toi que je me tourne ». Cette ressemblance avec son grand-père n’avait d’égal que l’amour qu’il portait à ce dernier et à ses enseignements. Il dit un jour qu’une Rakka de Serigne Touba englobe toutes nos prières combinées. Il a choisi pour le numéro de sa boîte postale à Touba le chiffre 18 (18 Safar le jour bien-aimé de Serigne Touba et du Magal). Cette ressemblance lui valait toute l’admiration de la communauté mouride.
Ce qui ne l’a pas empêché de cultiver la discrétion et l’humilité jusqu’à son paroxysme.
Il n’a jamais cherché à se mettre en avant. Il a toujours été respectueux et obéissant envers ses frères aînés. Après avoir été à l’ombre de Serigne Moustapaha Bassirou Mbacké (rappelé à Dieu en août 2007), il a été l’ombre de Serigne Mountakha jusqu’à son rappel à Dieu. Il était toujours accroupi devant Serigne Mountakha comme un tali- bé le ferait de son marabout. Les deux hommes avaient une complicité légendaire. Serigne Abdou Akim était un talibé dans l’âme. Il ne s’est jamais comporté en chef religieux.
Ce petit-fils de Serigne Touba avait la particularité d’être d’une légendaire gentillesse. Son visage était toujours rayonnant avec un sourire facile. Il était d’une douceur extrême. Il ne levait jamais la voix ou le regard sur les gens. Dans sa maison à Darou Minam comme à l’extérieur, il passait des journées à recevoir les talibés. Pour chacun, il avait le petit mot qui soulage. Il répondait aussi aux sollicitations des talibés qui étaient dans le besoin. Sa porte n’était jamais fermée. Tous ceux qui ont l’ont rencontré gardent de lui un souvenir indélébile. Combien de personnes dans les grandes villes ou villages les plus reculés se convertirent à l’Islam, devinrent mourides ou abandonnèrent des pratiques pouvant les éloigner de la religion en le voyant où en vivant avec lui ?
Il entretenait des relations de cordialité avec toute la famille de Serigne Touba. Les fils et petits-fils de Serigne Touba le lui rendaient bien. Ainsi il était chargé par son frère et Khalife, Serigne Mountakha Bachir, d’assurer la lecture méthodique du Foulkou que leur père Serigne Bassirou Mbacké avait initiée à Diourbel pendant le mois béni de Ramadan à côté de la case qu’habitait Serigne Touba. Cette responsabilité de veiller avec minutie à la lecture du Livre saint et des Khassaides symbolise le respect que les fils et filles de Serigne Touba et leurs descendants lui vouent de par l’éducation que son père Serigne Bassirou Mbacké Ibn Khadim Rassoul lui a donnée et son attachement aux principes de l’Islam édictés par le Coran, la prière et le travail. Il a, à plusieurs reprises, visité les sites où son grand-père Serigne Touba été exilé en Afrique.
Son village de Nasrou, sur la route entre Touba et Khelcom, a été fondé par Serigne Bassirou qui lui en a confié l’héritage. C’est un centre d’éducation religieuse. Serigne Mourtalla y envoyait nombre de ses fils de même que d’autres dignitaires. Serigne Abdoul Khadre lui rendait visite régulière- ment. C’est un centre qui forme des talibés dans l’enseignement du Coran et de la Sounna, le travail dans l’agriculture et le respect. Il a eu à fonder d’autres villages comme Sathé prés de Mbacké et Touba Médina dans la région de Kaffrine où il exploite des hectares de terres et enseigne le Coran. De nombreuses personnalités du monde des affaires sont issues de ses Daara (écoles coraniques).
Son frère Serigne Moustapha le mit en charge de la supervision des travaux de Khelcom qui leur étaient délégués par Serigne Saliou. Serigne Abdou attachait une importance particulière aux Adiya (aumônes). Il montra la voie en faisant régulièrement don de la totalité de sa récolte après avoir compensé le travail de ses disciples dans les règles établies par Serigne Touba à son Serigne, l’aîné de la famille de Serigne Bassirou. Il ne se passe, en général, plus de trois jours avant que tous les dons récoltés des talibés pendant le Magal de Touba ne soient redistribués aux demandeurs. Son fils aîné, Serigne Mbacké, va reprendre le flambeau de sa famille.Que Dieu l’accueille dans son para- dis. Amen.